ZANNETTACCI Nicolas, écrit parfois ZANETACCI, dit ZANETT [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Né vers 1897 près de Mila (Est de l’Algérie), mort en octobre 1986 à Marseille (Bouches-du-Rhône, France)  ; secrétaire de l’Union CGTU de la métallurgie de Constantine en 1924  ; rapporteur au Congrès ouvrier arabe à Alger en 1930, membre du comité central du PCA depuis 1936 puis du bureau politique  ; conseiller général d’Oran en 1937, maire d’Oran en 1947-1948.

Le nom de Zannettacci vient du nom patronymique grec Zanétakis, ce qui indiquerait une provenance avant l’installation ancienne en Corse. Les parents paternels appartiennent à une branche pauvre de cette grande famille corse  ; ils sont venus vers 1880 pour s’établir comme colons dans l’Est algérien. Né dans un village de colonisation près de Mila, Nicolas Zannettacci (parfois écrit Zanetacci), appelé familièrement Zanett, est fils d’un de ces colons venus de Corse et qui, ruiné, s’installe en 1900 comme cantonnier à Galbois-el-Anasser, un village proche de Bordj-Bou-Arréridj en petite Kabylie, où il élève ses sept enfants. Un des frères de Nicolas, Antoine Zannettacci, deviendra journaliste dans la presse coloniale de droite, d’Alger et de Tunis  ; un autre frère, Théodore est cheminot et membre de la SFIO (ci-dessous).

Nicolas Zannettacci fait au village des études primaires jusqu’au certificat d’études. Dès son enfance il est au fait de la barbarie du racisme colonial  ; en 1908, –il n’avait pas dix ans–, emmené par son père au marché de Bordj-Bou-Arréridj, il est médusé par les propos accompagnés d’éclats de rires d’un gros colon local qui se vante au café d’avoir oublié un soir dans sa cave deux « indigènes » saisis dans ses vignes, qu’il avait pendus  ; morts asphyxiés dans la nuit, au matin, le colon avait appelé la famille, sans suite : « qu’est-ce que tu veux qu’on me dise pour deux ratons ».

N. Zannettaci est mobilisé en 1916 et démobilisé avec le grade de sergent en 1919. Il adhère alors à la Fédération socialiste SFIO de Constantine puis comme presque tous les socialistes, passe au Parti communiste. Jusqu’en 1928, il travaille comme charron-forgeron en différents lieux du Constantinois. Ayant adhéré au syndicat des charrons-forgerons en 1922, il devient en 1924 secrétaire du syndicat CGTU de la métallurgie de Constantine. Candidat du Bloc ouvrier et paysan, dénomination communiste, aux élections législatives de 1928 dans la 1re circonscription de Constantine, il recueille 139 voix sur 12 811 inscrits.
Ne trouvant plus d’emploi dans la région, il gagne Alger en 1928 où il travaille tant bien que mal jusqu’en 1931 comme ouvrier du bâtiment. En 1929, il devient secrétaire adjoint de l’Union régionale (Algérie) de la CGTU et entre au bureau de la Région communiste. À la suite de l’arrestation de Paul Sastre* et du départ pour Moscou de Boualem (voir Ahmed Belarbi*), N. Zannettacci assume la direction de la CGTU et du PC à Alger. Il est à son tour arrêté en juillet 1929, inculpé d’atteinte à la sécurité intérieure du territoire (comme à la même époque les dirigeants communistes à Paris) et incarcéré à la prison Barberousse d’Alger jusqu’à la fin mars 1930. En juin 1930, Nicolas Zannettacci est un des rapporteurs au « congrès ouvrier arabe » organisé à Alger par la CGTU et qui réunit quelques dizaines de militants révolutionnaires dans le garage-atelier de René Cazala* à Bab-el-Oued.
À nouveau sans travail, N. Zannettacci part pour Oran avec sa famille. Il est marié et a deux enfants  ; sa femme, qui ne partage pas ses opinions, lui en veut de cette vie sans le sou de révolutionnaire professionnel. Il s’emploie comme coffreur dans le bâtiment. En 1931, il est secrétaire de différents syndicats du bâtiment et, en 1934, secrétaire du rayon communiste d’Oran à la place de Marcel Kimoun* et Maurice Benaïch*, écartés pour sectarisme. Il conduit la bataille politique qui se mène aussi à coups de révolver sur la côte oranaise, contre l’abbé Lambert, maire d’Oran, et son complice le maire de Misserghim. C’est alors que Lisette Vincent*, institutrice dans cette bourgade, le rencontre en compagnie de Lucien Sportisse*, autre grande figure du communisme  ; elle est étonnée par son dévouement à la cause et son avidité de lectures, non seulement de la presse et des publications d’actualité, mais aussi des « classiques du marxisme » et d’œuvres de littérature française.
Avec la constitution du PC d’Algérie en octobre 1936, il en devient l’un de ses principaux dirigeants. Membre de son comité central à partir de 1936, il entre au bureau politique en décembre 1937, à la suite de son 2e congrès. Il est également, en 1938, secrétaire adjoint de l’Union départementale CGT d’Oran. En octobre 1937, Nicolas Zannettacci est élu conseiller général d’Oran, cassé puis réélu. Il avait été candidat aux élections législatives de 1936 dans la 1re circonscription d’Oran, recueillant 3 200 voix sur 35 687 inscrits.

Démobilisé en juillet 1940, il est arrêté et interné dans le Sud algérien au camp de Djenien-Bou-Rezg. Le communiste espagnol Ramon Frenandez Via*, dit Manuel, qui réorganise le PC dans la clandestinité, lui-même évadé du camp, qui pense que la place des dirigeants du PCA est à la tête du Parti, monte au printemps 1941 l’évasion des deux principaux dirigeants du PCA que sont Amar Ouzegane* et N. Zannettacci  ; le dispositif sur place, les faux papiers, les points de chute sont prêts. Refus d’évasion qu’impose Amar Ouzegane qui suit les directives d’attentisme en détention préconisées par les dirigeants du PCF détenus en Algérie et respectueux de la stratégie soviétique qui est encore de ménagement. Contrarié, N. Zannettacci s’évade seul en octobre 1941  ; il est repris quelques jours plus tard et transféré au camp de Bossuet (Dhaya). Après sa libération, en mars 1943, Nicolas Zannettacci retrouve son rôle dirigeant au PCA  ; il réorganise la Fédération communiste de Bône (Annaba).

Permanent du parti à Alger à partir de 1944, il devient rédacteur en chef du journal Liberté, puis rédacteur à Alger Républicain. Selon ses déclarations à son biographe, Jean-Luc Einaudi (Un rêve algérien, cf. Sources), à sa sortie de prison en 1943, Lisette Vincent*, la condamnée à mort du procès des 61 de mars 1942, et Nicolas Zannettacci abritent leur relation amoureuse chez une amie, la seule à être du secret. Leur fille, Annie, naîtra en juillet 1944 sous une paternité attribuée à un réfugié hongrois parti sur le front d’Allemagne. Lisette Vincent est alors au service du secrétariat du parti sous le regard d’André Marty*  ; elle est aussi la secrétaire de la section communiste de Belcourt. En juin 1944, elle reçoit une lettre d’exclusion du PCA  ; puis la section de Belcourt est rattachée au Hamma. À cette époque, André Marty, secondé par Amar Ouzegane*, écartait et sanctionnait les communistes qui, en liaison avec les camarades espagnols, avaient porté la survie du PCA dans la clandestinité en 1941-1942, appelant à l’indépendance de l’Algérie  ; Thomas Ibanez* est mis à l’écart, Maurice Laban* blâmé.

Nicolas Zannettaci n’est pas concerné  ; il devient membre de l’Assemblée financière auprès du Gouvernement général de l’Algérie en 1945-1947. Il passe ensuite à la direction de la Fédération communiste d’Oran et est élu brièvement maire de la ville en 1947-1948, à la fin du transfert vers la gauche depuis 1945 d’une part du vote colonial et dans les affrontements de guerre froide qui vont y mettre fin.

En 1955-1956, Nicolas Zannettacci participe à l’action clandestine du PCA, notamment au transport des armes enlevées par l’aspirant Maillot* pour fournir le maquis communiste de l’Ouarsenis près d’Orléansville (Chlef)  ; il est expulsé en France à la fin de 1956. Rentré en Algérie à l’indépendance, il contribue à la reparution d’Alger Républicain. Il obtient la nationalité algérienne. Il exerce différentes fonctions de gestion économique ou administrative. Arrêté en 1968, il quitte l’Algérie pour la France.

Son fils, Henri Zannettacci fut un actif militant.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article152594, notice ZANNETTACCI Nicolas, écrit parfois ZANETACCI, dit ZANETT [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 19 janvier 2014, dernière modification le 19 janvier 2014.

Par René Gallissot

SOURCES : La Vie Ouvrière, 26 juillet 1929. – Interview de N. Zannettacci par J.-L. Planche, 1976-1977. – H. Alleg, La guerre d’Algérie, op. cit., t. 1. – J. -L. Einaudi, Un rêve algérien. Histoire de Lisette Vincent, une femme d’Algérie. Récit. Dagorno, Paris, 1994.

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