Par Christian Lescureux
Né le 22 janvier 1908 à Harnes (Pas-de-Calais), fusillé, après condamnation, le 8 septembre 1941 à Arras (Pas-de-Calais) ; mineur ; militant communiste ; membre de l’Organisation spéciale (OS).
Domicilié à Harnes (Pas-de-Calais), Alfred Delattre adhéra au Parti communiste en 1929 et en devint un actif militant de la région.
Compagnon de lutte de Charles Debarges et de Léon Brun, il intégra l’Organisation spéciale à la fin de 1940, groupe d’une trentaine de militants. Il participa à la lutte syndicale durant la grande grève des mineurs en mai-juin 1941 et fut donc activement recherché par la police.
Alfred Delattre s’occupait en outre de la propagande, en rassemblant le matériel d’édition des journaux clandestins comme La vérité ou La Vie ouvrière, dont il assura aussi une partie de la rédaction et de la diffusion.
Dès octobre 1940, avec Charles Debarges, Marcel Delfly et André Lefebvre, il collecta des armes et des munitions. Alfred Delattre dut alors laisser son épouse Aline Ruquois et ses quatre enfants, pour entrer dans l’illégalité et organiser des actions de sabotage.
Il fut arrêté le 6 août 1941 par la Feldgendarmerie pour « attentats répétés au moyen d’explosifs et incendies volontaires » et emmené au siège de la Gestapo à Lille. Son épouse fut aussi incarcérée. Alfred Delattre fut condamné à mort le 28 août 1941 par le tribunal militaire allemand (OFK 670) pour « actes de sabotage ». De la prison Saint-Nicaise à Arras, il écrivit une dernière lettre à ses proches, auxquels il demandait « qu’ils soient fiers de leur papa qui marche à la Mort avec la tête haute d’un Français, d’un vrai Français qu’il a toujours été ; nous aurons du courage jusqu’au bout et vous, tous, Parents, Amis ». Il a été fusillé le jour même, le 8 septembre 1941, à la citadelle d’Arras, avec Marcel Delfly et André Lefebvre.
A-t-il un lien de famille avec Ernest Delattre, également fusillé et également né à Harnes ?
Dernière lettre d’Alfred Delattre à sa famillePrison Saint-Nicaise, Arras (Pas-de-Calais)8 septembre 1941Chers Parents, femme, enfants, Amis,À l’heure où je vous écris, c’est un pénible instant, car on vient de nous annoncer que notre recours en grâce a été rejeté. On doit être exécutés à 8 h, aussi nous avons demandé l’autorisation de vous écrire ces derniers mots.Chers parents, embrassez bien ma chère Aline et surtout prenez bien soin d’elle, il faut lui donner du courage.Oui, je sais, il en faudra beaucoup à mes chers Petits enfants, les voilà sans leur Père, aussi à l’heure de mourir, je vous demande de prendre bien soin d’eux, faites qu’ils ne soient pas des Petits malheureux et qu’ils soient fiers de leur papa qui marche à la Mort avec la tête haute d’un Français, d’un vrai Français qu’il a toujours été ; nous aurons du courage jusqu’au bout et vous, tous, Parents, Amis.N’ oubliez jamais ceux qui vont tomber, faites que leur famillene soit pas dans la misère.C’est la demande d’un homme dont les minutes sont comptées, quel malheur pour ma chère femme à son âge de perdre son mari, mais dites-lui qu’il faut qu’elle ait du courage pour les chers Petits qui vont perdre leur Papa.Chers parents, c’est dur pour moi que de vous écrire cela, mais il le faut, Monsieur l’aumônier Français et Allemand sont à côté de nous, vous comprenez, en ce moment il faut penser aux enfants, aussi faites pour le mieux et que ma femme chère Aline, lorsqu’elle sera libre, fasse sa volonté.Amis, c’est toujours le même homme qui est ici, soyez fiers de lui. J’ai demandé que tout ce qu’il me reste dans ma cellule vous soit rendu intact pour vous avoir un dernier souvenir de celui qui ne sera plus. Maintenant, je vais vous quitter pour toujours.Adieu Parents. Amis. Enfants. Amis. Adieu la vie. Recevez le Meilleur Baiser de celui qui va Mourir. Il est 7 h, encore une heure.Mille baisers à tous.
Par Christian Lescureux
SOURCES : AVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). – Arch. Dép. Pas-de-Calais, M 5022/1. – Guy Krivopissko, La vie à en mourir, lettres de fusillés 1941-1944, Tallandier, 2003, p. 47.