CARTÉRON Albert, Pierre, Marie, dit Monsieur Albert, dit Ammi Larbi [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Né le 27 décembre 1912 à Chazelles-sur-Lyon (Loire, France), mort le 6 avril 1992 à El Kantara ; prêtre, responsable de l’accueil des immigrés dans le diocèse de Lyon (1951-1964), inculpé d’aide au FLN (1958) dans l’affaire dite des « prêtres du Prado ; ayant la nationalité algérienne, à partir de 1964, assistant médical dans le Constantinois.

Troisième des cinq enfants d’un chapelier et d’une « ménagère » qui avait été tisseuse, Albert Cartéron, profondément influencé par sa mère, catholique profondément croyante, entre au séminaire de Francheville pour six années, interrompues par le service militaire en 1933. Ordonné prêtre en 1936, il devient vicaire à Régny, localité rurale, puis dans le quartier de la Croix-Rousse à Lyon. Mobilisé en 1939, fait prisonnier, il ne revient d’Allemagne qu’en 1945.

Vicaire à Lyon, dans les quartiers de la Guillotière puis de la Part-Dieu, Albert Cartéron s’occupe d’alphabétisation à partir de 1948 avec Henri Le Masne, prêtre diocésain lui aussi, qui allait devenir son collaborateur auprès des immigrants, et de jeunes jésuites. Ils forment avec ces immigrés, la « communauté du 28 », rue Villeroy. En 1951, le cardinal Gerlier, archevêque de Lyon, charge l’abbé Carteron de l’accueil des migrants, spécialement de ceux qui viennent d’Afrique du Nord. Pour connaître leur langue et leur culture, le prêtre part vivre deux années en Tunisie et dans le Sud Constantinois. Il travaille comme balayeur dans un hôpital jusqu’au jour où le préfet de Constantine l’expulse pour « activités subversives ».

De retour à Lyon, il est en contact avec les militants algériens qui entrent à la Fédération de France du FLN. Dans un local mis à sa disposition par l’association de prêtres dénommée « Le Prado », à laquelle appartient aussi son frère Joseph, il anime un centre d’accueil qui fait office de service social des Nord-Africains de Lyon. Ceux-ci l’appellent « Monsieur Albert ». Dépositaire des fonds et des listes de bénéficiaires, il est considéré par la police comme le gérant d’une véritable Sécurité sociale du FLN, destinée à aider les détenus et leurs familles. Très surveillé, il est l’un des fondateurs du collectif Maghreb de Lyon.

Le 17 octobre 1958, quatre jours après l’arrestation à Paris, de Bernard Boudouresques*, prêtre actif dans le soutien au FLN, Albert Cartéron est mis en cause à Lyon avec deux autres prêtres du Prado, par des Algériens interrogés dans les bureaux de la police. La presse parle de « l’affaire du Prado ». Inculpés d’aide au FLN, les trois prêtres sont laissés en liberté provisoire. Finalement, l’affaire est classée, sans jugement Isolé un temps dans une résidence appartenant à des jésuites au Chatelard (Haute-Savoie), Albert Cartéron était intervenu à plusieurs reprises en faveur d’Algériens accusés ; il avait réuni un dossier sur les sévices infligés par la police. Ces informations amenèrent le cardinal Gerlier à dénoncer les méthodes d’interrogatoire. Le ministre de l’Intérieur riposta, mais les expertises médicales étaient formelles.

Albert Cartéron suscite de nombreuses rencontres entre Algériens et Français, le plus souvent des chrétiens, et apporte son aide matérielle et morale à tous les Algériens, hébergement compris. Non-violent, il n’est pas membre du FLN et s’abstient de tout transport ou dépôt d’armes.

En 1964, il part pour l’Algérie, ayant acquis la nationalité algérienne. Après une formation d’infirmier en deux ans dans une école paramédicale de Constantine, il exerce dans le secteur de Sedrata (Annaba). Il obtient le diplôme d’assistant médical à l’Institut national de la santé publique d’Alger en 1972. Il travaille dans le secteur de Zighout Youcef dans le Constantinois, puis est nommé en 1976, formateur à l’école paramédicale de Biskra. Retraité depuis 1989, il assure bénévolement des cours à l’annexe d’Ouled Djellal jusqu’à son décès dans un accident de la route ; il est inhumé selon ses voeux à l’hôpital de Biskra.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article152708, notice CARTÉRON Albert, Pierre, Marie, dit Monsieur Albert, dit Ammi Larbi [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 24 janvier 2014, dernière modification le 8 septembre 2020.

Par René Gallissot

ŒUVRE : « Place du problème algérien dans la perspective ouvrière occidentale », Documents ACO, avril 1959. — Les convictions qui ont guidé mon action, juillet 1991 et Mission d’Église, sd, 9 p. (CNAEF 82 CE 4).

SOURCES : CAMT, Roubaix, Fonds Mission de France, 19970015 0124. – Robert Davezies, Le Temps de la justice, Lausanne, La Cité éditeur, 1961. – Hervé Hamon et Patrick Rotman, Les Porteurs de valises : la Résistance française à la guerre d’Algérie, Albin-Michel, 1980. — Sybille Chapeu, Des chrétiens dans la guerre d’Algérie. L’action de la Mission de France, Éd. de l’Atelier et Témoignage chrétien, 2004. — El Moudjahid, 9 avril 1992. — El Watan, 12 avril 1992. — Le Progrès, 2 mai 1992. — Henri Le Masne, « Un pionnier : Albert Cartéron », La Croix, 3 juillet 1992. — À propos des articles de la presse algérienne, polycopié, s.d., 1992. — Albert Cartéron, Ammi Larbi. La mort choisit les bonnes dattes, témoignages, novembre 1992. — Louis Magnin, manuscrit, archives du Prado, Limonest. — Georges Arnold, entretiens avec Nathalie Viet-Depaule, 13 mai 1998. – Autres renvois dans la notice rédigée par André Caudron, utilisée ici, DBMOMS, t. 3, 2007.

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