INAL Ahmed [Dictionnaire Algérie]

Par Amar Benamrouche et René Gallissot

Né le 21 février 1931 à Tlemcen, mort le 1er novembre 1956 ; instituteur dans sa région, puis étudiant en histoire à la Sorbonne ; responsable des étudiants communistes d’Algérie à Paris qui fondent l’UGEA ; professeur au collège de Tlemcen ; communiste monté au maquis de la Wilaya 5, blessé au combat, fait prisonnier, torturé et tué par l’armée française.

Le père d’Ahmed Inal était adjoint technique de la santé publique, aide médical qui a exercé en milieu rural dans la région de Tlemcen, à Sebdou et à Lamoricière (Ouled-Mimoun). Il est aussi allé travailler en Tunisie au milieu des années 1930. La mère appartenait à une vieille famille de Tlemcen. En 1942 et 1943, elle perd successivement, trois de ses enfants, son mari et son père. Elle se met au travail de la laine à la maison. Chaque matin, les enfants vont vendre ce qu’elle produit au marché, tout en suivant l’école. Ahmed Inal se retrouve responsable de ses frères et sœurs à onze ans.

Dès seize ans, il milite parmi les collégiens. À dix sept ans et demi, il est bachelier. Parce qu’il est connu comme militant, il se voit refuser la bourse ou le prêt d’honneur pour faire des études. Ahmed Inal se fait instituteur à l’école de Aïn-El-Hout près de Tlemcen et, en 1950, à l’école communale de Sebdou. Cette année-là, il entre pleinement au PCA déployant une intense activité dans les campagnes en compagnie de son ami Abdelkader Guerroudj*. Il quitte l’Algérie en 1951 pour Paris et suivre les cours d’histoire à la Sorbonne.

Moins héritiers de familles bourgeoises qu’un bon nombre d’étudiants marocains et tunisiens et sans accès à la cité universitaire internationale, puisque juridiquement français, les étudiants algériens de Paris, voués à des études qui se prolongent, subsistent chichement au prix de tous les boulots. Évoquant son amitié avec Ahmed Inal dans ses Mémoires politiques, M. Harbi en fait le portrait quand le nouvel arrivant devient le principal animateur des étudiants communistes. « Le meneur de la lutte était Ahmed Inal, un Tlemcénien blond aux yeux pétillants de malice, au visage ouvert et souriant, révolté par la misère à laquelle son déclassement le rendait sensible, et toujours porté à l’action ».

L’influence du PCA, exercée sur place par le PCF qui supervise les « groupes de langue », grandit, mais les étudiants communistes restent minoritaires dans l’AEMNA à Paris. En décembre 1953, les communistes créent l’Union des étudiants de Paris avec Ahmed Inal à leur tête, avec l’appui de l’UDMA et des Oulémas, et outre des sans-parti, de la tendance des étudiants du MTLD qui suivent M. Yazid* partisan de la déconfessionnalisation. Des étudiants « européens » ou « juifs » venant d’Algérie (il s’agit le plus souvent d’étudiants communistes) sont admis à l’UEAP sans être cependant portés au bureau pour ne pas exciter les conflits.

À Alger en 1954, le MTLD emmené par l’ancien président des étudiants musulmans, Belaïd Abdesslam, perd la direction de l’AEMAN (Association des étudiants musulmans d’Afrique du Nord). B. Abdeslam rejoint Paris pour reprendre l’initiative contre les communistes. Contre l’UEAP, il lance l’idée de l’UGEMA (la lettre M pour dire étudiants musulmans) avec le concours même du MNA de Messali. La proposition d’UGEMA l’emporte contre les communistes grâce à un retournement, de l’UDMA qui obtient la vice-présidence pour Layachi Yaker et des Oulémas qui gagnent la présidence pour Ahmed Taleb. Le FLN en France commence à peine à s’organiser. M. Yazid est au Caire, mais les étudiants qui l’ont suivi de la Fédération du MTLD à la Fédération de France du FLN maintiennent l’alliance avec les communistes.

Dans le débat entre Algérie algérienne, Algérie arabo-berbère ou Algérie arabo-musulmane, Ahmed Inal et les étudiants progressistes sont gênés et même entravés par l’attachement du PCF à la thèse de la nation algérienne en formation de Maurice Thorez. Ahmed Inal, assisté de M. Harbi, ne réussit pas à se faire entendre de leurs interlocuteurs à la direction du PCF (Louis Baillot, Claude Poperen) et moins encore du responsable de la Commission coloniale Elie Mignot qui ne semble pas avoir évolué depuis 1938 à Alger, assis sur ses positions d’Union française qu’il croit léninistes parce que fidèles à Moscou.

Le PCF ne soutient pas la formation d’une UGEA ; les étudiants communistes d’Alger acceptent l’appellation musulmane en croyant « aller aux Musulmans » pour sortir du cercle minoritaire « européen » et optent donc pour UGEMA. La plupart des animateurs et protagonistes communistes du front étudiant se sont engagés aux côtés du FLN ou directement dans l’action armée comme Ahmed Inal.

Celui-ci a obtenu, en 1955, la licence d’histoire à la Sorbonne. Il rentre à Tlemcen où il enseigne au Collège de Slane et organise pour le PCA des groupes de lycéens. En cours d’année scolaire, dès janvier 1956, il rejoint l’ALN suivi quelques mois plus tard par deux de ses frères, Mustapha et Rachid. Les trois frères sont surnommés « les Inaux ». Portant le nom de guerre de Djaâfar, Ahmed Inal est secrétaire du responsable du Secteur 7 (Sebdou) puis de la Zone 5 (Sebdou/Sidi-bel-Abbès) de la Wilata 5 (Oranie). On retrouve son nom sur la liste des participants à la réunion des officiers de la wilaya 5, tenue à Oujda (Maroc) après le congrès de la Soummam.

Blessé lors d’un accrochage avec une compagnie française (commandée par le capitaine Vincent) à Moulay Slisser près de Telagh dans la ferme de Boucif le 21 octobre 1956, fait prisonnier, il est transporté par hélicoptère à Descartes (Ben Badis) dans la ferme d’un colon attenante à celle de Chaïbedraâ tenue par l’armée française, où il est atrocement torturé pendant dix jours et arrosé d’essence, brûlé vif. Il meurt le 1er novembre 1956. Dans Le démantèlement, le romancier algérien Rachid Boudjedra cite cette ferme comme appartenant à un colon dont le fils avait été l’élève d’Ahmed Inal. Une autre version circule en 1962 et après : elle situe la mort en 1957 et l’attribue au fait que, communiste, il aurait été particulièrement exposé au combat. Pour ceux qui sont restés proches de lui, cette version est sans fondement.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article152746, notice INAL Ahmed [Dictionnaire Algérie] par Amar Benamrouche et René Gallissot, version mise en ligne le 25 janvier 2014, dernière modification le 9 juillet 2020.

Par Amar Benamrouche et René Gallissot

SOURCES : Témoignages recueillis par A. Taleb-Bendiad, notes des années 1966-1976. — Saoût Echaâb (PAGS, ex PCA) n° 93 du 15 octobre 1979. — Rachid Boudjedra, Le démantèlement, Paris, Denoël, 1982. — M. Harbi, Une vie debout. Mémoires politiques, tome 1 : 1945-1962. La Découverte, Paris, 2001. — G. Meynier, Histoire intérieure du FLN. 1954-1962, Fayard, Paris, 2002. — Mohamed Arab Bessaoud , « Le complot des lieutenants » en willaya 5", (1957), extrait de Heureux les martyrs qui n’ont rien vu, Chez l’auteur, Alger, 1962, cité dans M. Harbi et G. Meynier, Le FLN. Documents et histoire. 1954-1962, Fayard, Paris, 1964. — Notice biographique par son ami D. I. communiquée par M. Harbi.

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