LIMBOURG Vital.

Par Jean Puissant

Strépy-Bracquegnies (aujourd’hui commune de La Louvière, pr. Hainaut, arr. Soignies), 1862 − Strépy-Bracquegnies, 30 mai 1931. Ouvrier mineur, employé à la coopérative Le Progrès de Jolimont (pr. Hainaut, arr. Soignies/Charleroi), militant socialiste, syndicaliste, conseiller provincial du Hainaut représentant le Parti ouvrier belge, bourgmestre de Strépy-Bracquegnies.

Le hasard fait que les circonstances de l’apparition victorieuse du mouvement ouvrier socialiste dans la commune de Strépy-Bracquegnies est bien établie selon deux sources crédibles différentes, la relation de l’ouvrage DE LA SOCIALE, Histoire du socialisme et de la coopération dans le Centre, La Louvière, 1894 (p. 203 et sv.), mais aussi celle, circonstanciée du commissaire spécial des chemins de fer basé à Feignies, dans le département du Nord en France (p. 71, 87 et sv.). Sans doute les deux sources sont partiales. Ainsi le policier français témoigne incontestablement d’un anticléricalisme affirmé, mais aussi d’opposition aux socialistes. Mais elles se confirment avec précision. L’exposé qui suit en bénéficie, trop longuement sans doute, mais de manière éclairante.

Ouvrier à la taille au puits Saint-Julien du charbonnage de Strépy-Bracquegnies (1.200 ouvriers), Vital Limbourg est renvoyé en raison de sa candidature aux élections communales qui ont lieu lors de la deuxième quinzaine de septembre 1890. Une grève s’en suit, avec des meetings de soutien rassemblant des centaines de participants. Un syndicat de mineurs se forme avec 500 membres. Il en est un des dirigeants. Selon le commissaire de Feignies, c’est à l’intransigeance du directeur gérant du charbonnage, Sottiaux, que l’on doit la force du mouvement socialiste dans la localité. « … Une administration adroite a toujours maintenu les ouvriers sous la domination patronale, Bracquegnies devait tôt ou tard devenir un centre d’agitation socialiste par la conduite politique de Mr Sottiaux, dont l’intransigeance exagérée amena les circonstances à la suite desquelles se créèrent… la chambre syndicale des ouvriers mineurs, le cercle socialiste et la libre pensée. » (Commissaire de Feignies, p. 87 et sv.) Le charbonnage soutient en effet la majorité catholique à la commune (5.600 habitants), mais les libéraux ont gagné les élections de 1887.

Pour les élections de 1890, se forme une liste d’union entre libéraux (progressistes) et socialistes. Vital Limbourg est le candidat ouvrier et le reste malgré les pressions du charbonnage qui le licencie. La lutte, soutenue par des organes de presse créés à cet effet, est terrible. La campagne électorale devient un enjeu régional, voire national. La liste de gauche est élue mais les électeurs catholiques se sont abstenus. Les résultats sont validés par la Députation permanente - libérale - du Hainaut, mais annulés par le ministre catholique de l’Intérieur. Les nouvelles élections en janvier 1891 donnent une très courte majorité à la liste catholique, soulevant un tollé dans la presse anticléricale.

À la suite de ces événements, Vital Limbourg travaille un moment au charbonnage de Maurage (aujourd’hui commune de La Louvière), où on lui aurait proposé un poste de porion qu’il aurait décliné « pour rester l’égal de ses camarades », avant d’être engagé à la coopérative, Le Progrès. Le commissaire de Feignies exagère le rôle du directeur gérant et méconnait la chronologie de l’apparition des organisations. Selon De la Sociale, se forment, dès 1886, des ligues ouvrières aux côtés d’une coopérative. Limbourg fonde, avec David Coulisse*, un cercle de propagande socialiste à Bracquegnies en 1887, qui compte soixante membres dès l’année suivante (payant un franc par mois). Il en est le secrétaire adjoint.

Luttes sociales et politiques se mêlent ensuite. Les mineurs participent massivement à la grève en faveur du suffrage universel et au 1er mai 1891. Ils se mettent en grève contre l’usage d’une waroquère, considérée comme dangereuse, pendant une semaine. Ils obtiennent satisfaction et réclament le paiement des salaires perdus. Le syndicat procède devant le conseil des prudhommes. Ils sont conseillés par Maître Fernand Michel qui a défendu à plusieurs reprises des ouvriers. Il obtient un jugement favorable qui condamne le charbonnage à payer les salaires perdus. Si le directeur Sottiaux n’est pas à l’origine des organisations socialistes, son attitude leur en a incontestablement donné vigueur.

Vital Limbourg est devenu un dirigeant, en l’occurrence le secrétaire, de la Fédération régionale des mineurs. Boulanger au Progrès, il crée un magasin, La Démocratique, ainsi qu’une Maison du peuple dans sa commune en 1903. Il devient directeur de la succursale de la brasserie coopérative de Strépy-Bracquegnies qu’il contribue à créer en 1908. Il siège également au Comité fédéral du POB de Soignies.

Élu conseiller communal en 1890 lors d’une élection finalement invalidée, Vital Limbourg doit attendre 1895 et la démocratisation du suffrage pour entrer au conseil. La majorité est alors détenue par un cartel libéral-socialiste. Mais en 1903, contrecoup de l’échec de la grève générale de 1902 et du recul consécutif du POB, les libéraux font alliance avec les catholiques jusqu’en 1914. En 1912, il est élu conseiller provincial du Hainaut.

Après la Première Guerre mondiale, le suffrage universel pur et simple donne la majorité absolue au POB en 1921, avec neuf sièges sur onze. Vital Limbourg devient alors bourgmestre de Strépy-Bracquegnies jusqu’à son décès.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article152843, notice LIMBOURG Vital. par Jean Puissant, version mise en ligne le 30 janvier 2014, dernière modification le 14 janvier 2020.

Par Jean Puissant

SOURCES : DE LA SOCIALE, Histoire du socialisme et de la coopération dans le Centre, La Louvière, 1894, p. 206 − JORIS F., 1885-1985. Histoire des fédérations. Soignies-Thuin, Bruxelles, 1985 (Mémoire ouvrière, 10) − PUISSANT J. (éd.), Sous la loupe de la police française, le bassin industriel du Centre (1885-1893), Cercle d’histoire H. Guillemin, Haine-Saint-Pierre, 1988 − DELPLANCQ T. (coord.), La Louvière… aux urnes. Vie et combats politiques de l’entité louviéroise du 19e siècle à l’an 2000, La Louvière, 2007.

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