MILAN Pierre, Jules, Élie [dit Pierrot]

Par Daniel Grason

Né le 29 août 1924 à Limoges (Haute-Vienne), fusillé le 9 mars 1942 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; cycliste télégraphiste aux PTT ; militant communiste ; résistant membre de l’Organisation spéciale (OS), appelée après la guerre les Bataillons de la jeunesse.

Pierre Milan
Pierre Milan

Fils d’Adrien, boulanger, et de Madeleine, née Garaud, sans profession, Pierre Milan avait un frère, Albert, né en 1921, et une sœur, Marcelle, née en 1927. Pierre Milan fut déclaré pupille de la Nation par jugement du tribunal civil de Limoges, le 27 janvier 1934. Il obtint à l’issue de sa scolarité le CEP, devint facteur aux PTT, et demeurait chez sa mère, veuve de guerre au 3 rue Henri-Ranvier à Paris (XIe arr.). Avec son camarade Roger Hanlet qui habitait chez ses parents au no 4 de la même rue, il fréquentait avant la guerre l’Union sportive ouvrière (USO) du XIe arrondissement, affiliée à la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT). En 1939, la FSGT fut dissoute comme association communiste et l’USO poursuivit ses activités sous son propre nom avec les mêmes dirigeants, ex-membres du Parti communiste.
Le 5 octobre 1939, il quitta Paris pour Limoges, sa ville natale, puis revint le 11 août 1940. Son camarade Roger Hanlet lui confia qu’il militait dans une organisation communiste clandestine et lui proposa d’agir avec lui pour chasser les Allemands. Pendant plusieurs mois, il refusa, puis accepta au début de l’année 1941. Avec lui il distribuait des tracts, notamment L’Avant-Garde, et collait des papillons avec d’autres jeunes. Du fait de l’arrestation de celui qui amenait le matériel, un autre responsable prit la relève, Gilbert [Brustlein].
En août 1941, il fit la connaissance de Benoît [Fernand Zalnikov]. Gilbert Brustlein informa Roger Hanlet et Pierre Milan que l’organisation allait passer des distributions de tracts à des sabotages contre les troupes d’occupation. Le coup de feu de Pierre Georges, futur Fabien, le 21 août 1941 au métro Barbès qui tua l’officier allemand Alfons Moser, marqua un changement d’orientation de la direction du Parti communiste clandestin.
Pierre Milan participa à cinq actions entre la première et son arrestation le 30 octobre 1941. Le 23 août une équipe de sept jeunes tenta de saboter un poste de repérage d’avions à Goussainville (Seine-et-Oise, Val-d’Oise).
Le 5 septembre vers 23 h 40, ils étaient six à Vincennes à mettre le feu à un camion allemand ; les dégâts furent peu importants. Le 19 septembre vers 6 h 40 du matin, trois bouteilles inflammables furent lancées dans le garage Soga 21 boulevard Pershing à Paris (XVIIe arr.) ; l’incendie fut immédiatement maîtrisé. Le 25 septembre avec Robert Peltier, Gilbert Brustlein et Fernand Zalkinov, il tenta de faire dérailler un train avec des explosifs sur la ligne Paris-Strasbourg à Lagny (Seine-et-Marne), mais le dispositif ne fonctionna pas. Le 1er octobre, nouvelle tentative de déraillement à l’explosif près de la gare de Lagny... nouvel échec.
Le 30 octobre 1941 des inspecteurs de la Brigade spéciale de la police judiciaire se présentèrent chez Roger Hanlet, l’interpellèrent et tendirent une souricière. Pierre Milan et Acher Semahya se présentèrent, ils furent arrêtés. Ils accompagnèrent Pierre Milan à son domicile au 3 rue Henri-Ranvier au 3e étage de l’escalier 7. Ils saisirent dans son portefeuille une feuille avec en tête « Inscriptions à faire immédiatement », « Vive l’Armée rouge », « Hoch Das Rote Armée » etc. Fernand Zalkinov fut interpellé le lendemain et Robert Peltier le 1er novembre à Creil (Oise).
Sa mère, Madeleine Milan, convoquée au 36 quai des Orfèvres à Paris (Ier arr.), déclara qu’elle ignorait tout de l’activité de son fils. Internée à la prison de la Santé, elle fut libérée le 3 février 1942.
Le journal collaborationniste Le Matin titra le 19 novembre : « Des terroristes auteurs d’attentats sont arrêtés. Mais un de leurs chefs, Gilbert-André Brustlein est en fuite. C’est un devoir national que d’aider à sa découverte. » Dans le corps de l’article sa photographie était ainsi légendée « Le bandit Brustlein ». Les nazis dénoncèrent un mythique complot « Judéo-Bolchévique ». Fernand Zalnikov du fait de l’occupation n’eut pas la possibilité de poursuivre ses études, et devint par nécessité ouvrier fourreur. Il devint selon Le Matin « fourreur juif », un des chefs du groupe (20 novembre).
Le procès des sept des Bataillons de la jeunesse se déroula au Palais Bourbon du 5 au 7 mars 1942 face à un Conseil militaire allemand qui leur imputa dix-sept attentats. Gilbert Brustlein, né dans le (XIIe arr.), d’origine alsacienne, fut présenté dans Le Matin comme un « Juif de Suisse, naturellement en fuite » donc dans l’esprit du rédacteur, Juif apatride et lâche. Le journal attribua à Pierre Milan ces propos : « Brustlein m’avait ordonné de saboter. J’ai obéi. » (5 mars 1942). Albert Clément signa un article dans Le Cri du peuple avec en titre : « Les sept terroristes sont condamnés à mort. » Les sept hommes âgés de dix-huit à vingt-sept ans furent fusillés le 9 mars 1942 au Mont-Valérien.
Pierre Milan fut inhumé au cimetière d’Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne).
Après la Libération, les inspecteurs et le commissaire de la police judiciaire comparurent devant la commission d’épuration de la police. À propos d’éventuelles violences, Madeleine Milan déclara le 30 avril 1945 : « Il parait qu’il aurait été battu », lors d’une autre audition le 23 juin 1945, à propos de sa propre arrestation et de l’implication de Pierre : « Je savais ce que mon fils faisait mais je n’allais pas le dire. »
Le 9 mars 2000, un hommage solennel fut rendu aux sept combattants, soixante ans après le procès du Palais Bourbon. Ils furent décorés de la Médaille militaire, de la Croix de guerre avec palme et de la Médaille de la Résistance à titre posthume. Laurent Fabius, président de l’Assemblée nationale présida la cérémonie. Une plaque commémorative rappelle qu’ils sont « Morts pour la France ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153100, notice MILAN Pierre, Jules, Élie [dit Pierrot] par Daniel Grason, version mise en ligne le 5 février 2014, dernière modification le 21 janvier 2022.

Par Daniel Grason

Arch. com. Nantes, fonds Luce.
Pierre Milan
Pierre Milan
Plaque à l'Assemblée nationale
Plaque à l’Assemblée nationale

SOURCES : Arch. PPo., BA 1747, BA 1752, Carton 12 rapports hebdomadaires sur l’activité communiste, 77W 1519, KB 3. – DAVCC, Caen, B VIII dossier 3 (Notes Thomas Pouty). – Arch. Com. Nantes, fonds Luce. — Arch. Dép. Loire-Atlantique. — Le Matin, 19 novembre, 20 novembre 1941, 5 mars, 6 mars, 7 mars et 15 mars 1942. – Le Cri du peuple, 7 mars 1942. – J.M. Berlière, F. Liaigre, Le sang des communistes. Les Bataillons de la jeunesse dans la lutte armée. Automne 1941, Fayard, 2004. – Site Internet Mémoire des Hommes. – Site Internet le procès du Palais Bourbon. – Mémorial GenWeb. – État civil, Limoges.

PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 184

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable