Par André Balent
Née le 24 février 1939 à Perpignan (Pyrénées-Orientales) ; professeure de philosophie ; militante de l’UNEF à Montpellier (Hérault) ; militante du SNES dans la Haute-Vienne, l’Aude, l’Hérault et les Pyrénées-Orientales ; militante du PCF dans l’Hérault, la Haute-Vienne et l’Aude ; secrétaire de la section (S2) de l’Aude du SNES ; membre du bureau de la fédération de l’Aude du PCF (1966-1982) ; conseillère municipale de Carcassonne (Aude) de 1965 à 1977.
Danièle Tané est la fille de Roger Tané, gendarme devenu lieutenant, né à Perpignan dans une famille de maraîchers —des « jardins Saint-Jacques » dans la périphérie de la capitale de Roussillon et d’Elne (Pyrénées-Orientales)— et de Gilette Bocabarteille, secrétaire du Génie rural, originaire, aussi, de Perpignan. Selon son témoignage, son milieu familial était plutôt de « centre-droit conformiste [dont la] tonalité religieuse [se rattachait à un] catholicisme non pratiquant sociologique ». Son père fut successivement en poste à Perpignan, puis à Gourdon (Lot), Saint-Quentin (Aisne), Ivry-sur-Seine (Seine) et Maisons-Alfort (Seine-et-Marne). Après la mort de son père dans un accident d’automobile en 1953, Danièle Tané revint avec sa mère s’installer à Perpignan
Lorsqu’elle demeurait à Ivry, où il n’y avait pas de lycée, elle fut inscrite, après avoir été reçue au concours d’entrée en 6e, au lycée Sophie Germain, dans le IVe arrondissement de Paris. En 1954, reçue à l’examen d’entrée à l’École normale d’institutrices de Perpignan, elle fit ensuite deux années d’études à l’École normale d’institutrices de Montpellier (Hérault) où elle obtint le baccalauréat (Philosophie). Admissible à l’École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses, et de ce fait aux IPES, elle préféra poursuivre ses études supérieures de philosophie à la Faculté des Lettres de Montpellier. Reçue au CAPES de philosophie en 1963, elle effectua son stage de CPR à Poitiers, où elle participa aux activités de l’Université nouvelle animée par des communistes, et prépara l’agrégation à laquelle elle fut reçue en 1964. Nommée la même année professeur de philosophie au lycée de jeunes filles de Carcassonne (Aude), elle fut ensuite mutée en 1969 au lycée mixte Paul Sabatier de cette ville. En 1990, mutée au lycée Joffre de Montpellier (Hérault), elle assura un service complet en classes préparatoires (hypokhâgne et khâgne) à partir de 1994. Elle prit sa retraite en 1999.
Étudiante, elle fit la connaissance de Marcel Peytavi*, professeur, futur communiste, qu’elle épousa le 12 juillet 1958 à Perpignan. Le couple eut deux enfants : Roger né en 1959 et décédé à l’âge de 23 ans ; Hélène, née en 1961, attachée à l’administration centrale principale de l’Éducation nationale, militante de la CFDT puis de la CGT.
Ses premières révoltes et interrogations sociales datent de ses années 4e et de 3e au lycée Sophie Germain. Elle lut alors avec intérêt Voltaire et Anatole France et se lia d’amitié avec une condisciple issue d’une famille communiste. Plus tard, en classe de philosophie, à Montpellier, elle échangeait des livres avec des camarades et lut alors Le Deuxième sexe de Simone de Beauvoir.
À Montpellier, Danièle Tané adhéra bientôt à l’UNEF. Ce premier militantisme fut loin d’être paisible dans une ville investie par des étudiants activistes de la droite ultra, souvent venus d’Algérie comme Susini, « pilier » de la faculté de Droit.
Elle adhéra au SNES dès les IPES, en 1959. Dés 1964, elle fut secrétaire de la section syndicale (S1) de son établissement à Carcassonne. Après avoir été membre de la commission administrative de la section académique du SNES (S3), en 1974, elle devint secrétaire de la section de l’Aude du SNES (S2), et le demeura jusqu’en 1989. Après son départ à la retraite, elle adhéra à la section de retraités du SNES des Pyrénées-Orientales. Dès le début de sa vie syndicale, elle milita activement au courant « Unité et Action » avec lequel elle se sentit toujours en accord. Les grèves de mai-juin 1968 furent un des temps forts de son engagement syndical. Son lycée (aujourd’hui le collège Varsovie de Carcassonne) fut occupé, la grève étant massivement suivie, relayée, en ville, par un comité de grève dont elle pensait, en 2008, qu’il fut « très vigoureux ».
Au plan politique, elle adhéra à l’UEC en 1957. Selon son témoignage de mai 2008, la guerre d’Algérie, et toutes ses conséquences, —montée de l’extrême droite, les tortures (la révélation de l’affaire Audin en particulier), événements d’Alger— motivèrent en premier lieu son adhésion à l’UEC puis au PCF. Alors que depuis 1956, elle n’a cessé d’être une fidèle lectrice du Monde, elle resta relativement indifférente à la déstalinisation et aux révélations du rapport secret de Khrouchtchev et aux événements de Hongrie, estimant qu’elle n’était alors ni « pro » ni « anti » soviétique. Avant tout anticolonialiste et anti-impérialiste, elle fut bien davantage scandalisée par l’expédition de Suez. Elle a pu dire en 2008 : « Pour moi, le communisme a d’abord été l’internationalisme et l’anti-impérialisme ». L’adhésion au PCF se fit à Bellac en 1960 où elle rejoignit son mari affecté dans cette localité. Ce fut pour elle la révélation du premier vrai contact avec la classe ouvrière : elle découvrit à Bellac l’exploitation d’une classe de prolétaires mi ouvriers et mi paysans durement exploités. Des réunions de cellule, dont son mari était le secrétaire, quasi clandestines dans des granges, l’ont profondément marquée. Elle était membre du bureau de la section communiste.
A Carcassonne, membre du comité de la section communiste, de sa commission d’éducation, elle devint bientôt une des rédactrices de la page régionale de l’Humanité-Dimanche. Trésorière de l’Union des femmes françaises, elle militait au Mouvement de la paix à la fin des années 1960 et participait au bureau de l’association France-Espagne. Elle entra au comité de la fédération communiste en 1966 et fut intégrée au bureau fédéral de 1966 à 1979, responsable du travail en direction des femmes et de l’éducation de 1970 à 1972, puis à partir de 1972, des questions éducatives seulement. Elle suivit l’école centrale du 31 juillet au 27 août 1966, où elle fut considérée par le directeur comme « la meilleure de l’école ». Elle redevint membre du seul comité fédéral de 1979 à 1982, après l’avis du secrétaire fédéral, « éprouve et manifeste des problèmes politiques ». Deux rapports de Jean Rieu* qui suivait la fédération indiquaient en 1965 qu’elle subissait l’influence des analyses du Parti socialiste unifié, comme les autres militants de la cellule Eluard du lycée. Quand, lors de la conférence fédérale de décembre 1966, Henri Callat refusa de condamner le Parti communiste chinois, les dirigeants de la fédération refusèrent sa réélection au comité fédéral ; elle émit des réserves sur cette sanction. Aussi dans la discussion de la commission des candidatures, le secrétariat sortant envisageait-il d’intégrer directement Danièle Peytavi dans le secrétariat. L’envoyé du comité central, Rieu, s’y opposa et elle fut simplement élue au bureau en dépit des réserves de Rieu.
Danièle Peytavi adhéra pleinement à la dynamique unitaire du milieu des années 1960. Elle participa, en 1965, très activement à la campagne présidentielle de François Mitterrand, sillonnant le département et assurant des réunions dans de nombreux petits villages. En 1968, outre sa participation active à la grève de mai-juin, elle suivit avec passion le Printemps de Prague, à ses yeux porteur d’espoir et de renouveau. Aussi vécut-elle comme un traumatisme la nouvelle de l’invasion de la Tchécoslovaquie, cette fois-ci par les troupes du Pacte de Varsovie qu’elle apprit à Latour-de-Carol où elle était en vacances. Elle approuva la position initiale du PCF. Mais, en septembre, au comité fédéral de rentrée, elle fut atterrée, en découvrant que plus de la moitié des membres jugeaient que le PCF était allé beaucoup trop loin dans sa condamnation de l’URSS. Dans les années 1960, elle s’intéressa vivement au débat idéologique qui traversait le PCF. D’emblée, alors que Roger Garaudy avait le vent en poupe, elle s’affirma très réservée, pour ne pas dire hostile à ses orientations et à ses problématiques. Elle le trouvait inconsistant, « nul », pour reprendre un de ses mots. Toutefois, en octobre 1969, elle ne vota pas le blâme à Callat qui se prononçait dans un sens différent et venait d’écrire un long texte défendant les analyses de Garaudy.
Danièle Peytavi était attirée par la rigueur de Louis Althusser et appréciait ses analyses. Abonnée à La Pensée et à La Nouvelle Critique, elle avait participé en 1966 à des réunions en marge de la réunion du comité central d’Argenteuil où furent traitées des questions idéologiques. Contre le garaudysme ambiant, elle prit position en faveur d’Althusser. Toutefois, son adhésion aux thèses d’Althusser fut purement intellectuelle. Dans un département comme l’Aude où Althusser était peu ou pas connu, elle ne pouvait en aucune façon être attirée par les positions pro-chinoises de nombreux disciples du philosophe de la rue d’Ulm. Par ailleurs son althussérisme était en porte-à-faux avec la sympathie qu’elle éprouvait pour le Printemps de Prague.
Dans les années 1970, elle fut très engagée —« déchaînée », comme elle le confia lors d’un entretien en mai 2008— au moment où le programme commun de gouvernement sembla ouvrir de nouvelles perspectives politiques. Si elle manifestait déjà des réserves à l’égard de la politique intérieure soviétique, du manque de libertés, de la répression des dissidents — elle lisait toujours attentivement Le Monde, ce qui lui permettait de détecter les insuffisances flagrantes de l’Humanité qui ne la satisfaisait pas — ce fut la rupture de l’Union de la gauche qui la déstabilisa. L’invasion de l’Afghanistan par l’Armée rouge et les positions adoptées par Georges Marchais et la direction du PCF l’éloignèrent encore davantage d’une ligne politique qu’elle pouvait de moins en moins assumer. Lasse, elle finit par ne plus reprendre sa carte en 1982.
Danièle Peytavi fut conseillère municipale de Carcassonne pendant deux mandats. En 1965, elle fut élue sur la liste d’union de la gauche conduite par Jules Fil* (SFIO) et en 1971, en quatrième position des candidats communistes, sur celle conduite par Antoine Gayraud (PS). Elle fut la candidate du PCF dans le canton de Montréal lors du renouvellement général des conseils généraux de 1967. Au premier tour, elle obtint le score inespéré de 17% des exprimés —le pourcentage des suffrages exprimés fut presque multiplié par deux—, dans un canton jusqu’alors fief de la droite. Elle se désista en faveur de Joseph Vidal* (PS) qui fut élu. Aux élections législatives de 1978, elle fut la suppléante de Maurice Martin candidat du PCF dans la circonscription de Carcassonne.
Après sa rupture avec le PCF, elle continua à s’intéresser à la vie politique. Un moment tentée par ATTAC, elle renonça à y adhérer. Au bout du compte, seul le SNES lui permettait de faire le lien avec son passé militant. En 2008, elle estimait être toujours marxiste et favorable à « une pensée critique » et à « une politique d’émancipation ».
Depuis sa retraite, elle vit à Latour-de-Carol (Pyrénées-Orientales), village de Cerdagne d’où était originaire sa grand-mère maternelle et qu’elle fréquentait régulièrement, y ayant conservé de nombreuses attaches.
Par André Balent
SOURCES : Archives du Comité national du PCF dépouillées par Jacques Girault. — Réponse à un questionnaire écrit d’André Balent, 16 mai 2008. —Entretiens avec Danièle Peytavi, Latour-de-Carol, 31 mai, 22 juin, 10 juillet 2008.