CHOLET André, Jean, Amédée, alias LENFANT

Par Jean-Pierre Ravery

Né le 27 novembre 1901 à Faverney (Haute-Saône), fusillé le 13 mai 1943 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; radio-électricien ; chef du service radio de la Confrérie-Notre-Dame (CND), résistant.

Deux pages de la dernière lettre
Deux pages de la dernière lettre

André Cholet, marié et père d’un enfant, gérait un petit atelier de radio-électricité à Paris (XVIIe arr.). À l’automne 1941, il dirigeait le service radio de la Confrérie-Notre-Dame du colonel Rémy. Il fabriquait des postes émetteurs-récepteurs utilisés par les « pianistes » du réseau, supervisait le trafic radio, le codage et le décodage des messages, la diffusion des questionnaires de recherche de renseignements.Après l’arrestation du radio Bernard Anquetil, André Cholet fut sollicité à l’automne 1941 pour implanter à Brest un émetteur pour la surveillance de la Kriegsmarine. Il se rendit dans la cité du Ponant en compagnie de Gilbert Renault, emportant dans ses bagages un poste récepteur qui fut réceptionné par Jean Philippon (alias Hilarion) rue du Château, René Berthon et Arsène Gall, le futur manipulateur radio brestois.
Les juges militaires allemands (FK 887 d’Angoulême, en Charente) qui le condamnèrent à mort le 9 avril 1943 ne s’y trompèrent pas, en le désignant comme « un membre très actif et très important pour le succès du réseau ». Pour sa part, le colonel Rémy en fit un portrait chaleureux dans ses Mémoires : « le type même de l’artisan parisien, André Cholet a laissé chez tous ses camarades un souvenir inoubliable, fait de sa bravoure, de son abnégation, de sa constante gentillesse ».
André Cholet fut arrêté le 23 ou le 25 mars 1942 (selon les sources) par le contre-espionnage allemand grâce aux indications fournies par le nouveau chef du service radio de la CND, Roger Subsol. La perquisition de son atelier – pourtant minuscule – fut bâclée. L’un des radios de son groupe, André Crémailh, qu’il avait réussi à disculper aux yeux des Allemands et qui fut remis en liberté peu après la fin du procès, lui avait promis de venir en aide à sa veuve et à son fils. En rassemblant ce qui n’avait pas été pillé et qui pourrait être revendu, Crémailh découvrit dans l’atelier « une valise d’émission complète, des liasses de questionnaires Wehrmacht, Luftwaffe et Kriegsmarine, des carnets de silhouettes d’avions allemands, des explosifs, de la poudre incendiaire, du cordon Bickford, des ``routines’’ d’émission, etc. ». Dans ses Mémoires, le colonel Rémy releva après-guerre cette « nonchalance de la police allemande » dont il trouva d’autres traces dans d’autres affaires. Cela ne suffit cependant pas à sauver la vie d’André Cholet et de ses onze camarades condamnés à mort pour « espionnage » par le tribunal de guerre de l’hôtel Crillon.
Dans un texte rédigé à la Libération et cité par le colonel Rémy, sa veuve raconta les souvenirs qu’elle conservait de son conjoint : « J’ai pu voir mon mari pour la première fois après son arrestation le 1er mars 1943. C’est la première fois que je l’ai vu pleurer devant moi. Je l’ai revu le 25 mars 1943 lorsque commença le procès. Il descendait menottes aux mains, de l’autobus qui l’avait amené devant l’hôtel Crillon. Depuis ce jour jusqu’au 9 avril, date du verdict, je suis allée tous les jours avec mon fils place de la Concorde, à neuf heures du matin et à midi, pour le voir rentrer et sortir malgré la défense des gardes allemands dont l’un me repoussa un jour jusque dans l’escalier de la station de métro ``Concorde’’, un revolver appuyé dans le creux de l’estomac. Le jour du verdict, j’ai pu le voir dans la cour de l’hôtel Crillon. Jamais on n’aurait pu penser qu’il était condamné à mort, tant il avait le visage souriant. Il m’a serrée sur son cœur, de son unique bras libre, et m’a promis qu’il reviendrait. Depuis ce jour, j’ai eu la permission de le revoir chaque semaine. Je l’ai vu cinq fois. Le 13 mai 1943, l’interprète allemand nous laissa plus longtemps que d’habitude ensemble. Il avait ses raisons pour cela : c’était la dernière fois que je voyais mon mari ! Mais je l’ignorais alors ».
Mme Cholet appris l’exécution de son mari le dimanche suivant lorsque son amie, Mme Dixon, une résistante de la CND encore en liberté, vint lui dire que l’aumônier allemand Franz Stock l’avait informée que « tout était fini ». Le lendemain, elle lui rendit visite « pour connaître les derniers moments de (son) mari ». L’abbé qui était chargé d’accompagner, jour après jour, les condamnés à mort, lui remit de la part du supplicié son alliance, un mouchoir qu’elle lui avait offert, son chapelet et un missel sur lequel il avait écrit : « Pour mon fils Jean-Louis, en souvenir de son Dad. Fresnes, le 13 mai 1943. »
À la Libération, André Cholet fut homologué au grade de capitaine le 15 mai 1947,Chevalier de la Légion d’Honneur le 22 Octobre 1946 et Médaillé de la Résistance le 31 Mars 1947.

Il repose au cimetière parisien d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), dans le carré des fusillés.

Lettre à sa femme et à son fils. Prison de Fresnes 13 mai 1943.
Orthographe d’origine respectée.
 
Ma petite chérie, mon amour,
Je t’ai vu ce matin, pour la dernière fois, je l’ai su vers midi, que notre sort était décidé et qu’à 4 heures nous seront fusillés. Tu ne le saura probablement que bien après quand tout sera fini. Pardon ma petite de briser ainsi ta vie, j’aurais voulu pouvoir continuer à te rendre heureuse mais hélas cela ne devrai pas être.
Ce que je vais te demander c’est de vivre, si tu peux pour ton petit car il est bien jeune encore. Si, comme tu le souhaite, tu arrive à survivre de cette douleur, ma grande aimée tu sauras que je suis mort pour la France, je n’ai qu’un seul regret c’est toi, mon petit, et Jean Lou.
Je sais que ce sera dur pour toi, très dure, mais en souvenir de moi, fait le pour notre fils.
Naturellement j’ai vu l’aumonier, et je lui ai donné ton dernier petit mouchoir.
Que te dire d’autre que tu ne saches. Que jusqu’à mon dernier instant je penserai à toi, à tous les doux et tendre instant passés avec toi, toujoursj’ai pensé à toi, et je continuerai jusqu’à mon dernier instant.
Je t’ai rendu, je crois, heureuse, si dans le cours de ces 17 ans je t’ai dit ou fait des chagrins je t’en demande pardon.
Je te laisse le soin d’annoncer à Édith cette nouvelle. Car une lettre pourrait arriver et vu la façon se de (sic) conforter d’Édith, il est préférable que tu lui dise - ou comme tu le jugeras bon.
Remercie ceux qui se sont occupé de toi et ton temoigner et te temoigneront encore leur sympathie.
Je t’aime mon mon petite, ma chére. C’est tout ce que je peux te dire - toi qui a été la seule que j’ai aimée dans toute ma vie. Mes derniers et plus doux baisers. Ton Dad qui signe pour la dernière fois. Je t’aime.
André Cholet.

D’après les clichés du Musée du Mont-Valérien.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153313, notice CHOLET André, Jean, Amédée, alias LENFANT par Jean-Pierre Ravery, version mise en ligne le 12 février 2014, dernière modification le 28 septembre 2021.

Par Jean-Pierre Ravery

Deux pages de la dernière lettre
Deux pages de la dernière lettre

SOURCES : DAVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). – Rémy (Colonel), Mémoires d’un agent secret de la France Libre, Éd. Aux Trois Couleurs et Raoul Solar, 1946. – Site Internet Mémoire des Hommes. — Mont-Valérien.— resistance-brest.net.

ICONOGRAPHIE : Rémy (Colonel), Mémoires d’un agent secret de la France Libre, Éd. Aux Trois Couleurs et Raoul Solar, 1946

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