CIANFARANI Dominique [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot, Louis-Pierre Montoy

Né en 1886 à Sartène (Corse), mort le 4 février 1959 à Ruffey-les-Echirey (Côte-d’Or, France) où il avait pris sa retraite ; instituteur, un des principaux animateurs du socialisme colonial dans le Constantinois, passé de la SFIO au Parti socialiste de France (1934) puis après 1945 « Républicain Socialiste et d’Union française ». Conseiller municipal de Philippeville (Skikda) en 1945, conseiller général (1945), membre de l’Assemblée de l’Union française (1947).

C’est à l’âge de quatre ans que Dominique Cianfarani arrive en Algérie. Petit paysan de la région de Sartène en Corse, son père a obtenu une concession (lot de terres de colonisation dite officielle, sous la IIIe République donc) à Canrobert (Oum-El-Bouaghi.) sur les hauts plateaux céréaliers à une centaine de klms au sud de Constantine. Après des études à l’École normale d’Alger à La Bouzaréah, comme un frère Paul (ci-dessous), D.Cianfarani est nommé instituteur en Oranie. A la veille de la première Guerre mondiale, il revient dans le Constantinois, instituteur à Bougie (Bejaia) puis directeur de l’école indigène de Batna avant d’être nommé directeur de l’école Anatole France à Philippeville Skikda) où il demeure jusqu’à sa retraite. Depuis 1937, il est aussi conseiller départemental de l’Instruction primaire. Franc-maçon, il appartient à la loge l’Étoile du Sahel à Bougie, loge de l’Aurès à Batna, loge des Enfants de Mars à Philippeville.

Il adhère à la SFIO avant la guerre de 1914 et fait partie de l’importante Fédération socialiste du Constantinois qui compte plus de 500 membres. Au retour de la guerre qu’il fit sur le front en France, il devient d’abord secrétaire de la section SFIO de Bougie. Il fait campagne contre l’adhésion à l’IC ; en 1921, secrétaire du comité socialiste de résistance du département de Constantine, il anime la toute petite opposition socialiste au passage au PC. Il échoue à faire vivre un journal « républicain et socialiste » : La Kabylie nouvelle. Dans La Dépêche de Constantine du 25 janvier 1921 il lance un appel contre « le soviétisme mystique et terroriste » puis multiplie les attaques contre les communistes dans Le Travailleur et Le Cri de l’Algérie, journaux qui paraissaient à Constantine.

En 1922 il devient secrétaire du comité fédéral provisoire de la SFIO à Constantine et il signe dans L’Union républicaine de Sétif du 5 janvier 1922 sous le titre « Opinions », une violente diatribe contre la IIIe Internationale et contre « la bolchévite aigüe ». Il se prononce contre « l’irrédentisme stupide » de la 8e condition du programme de l’IC, contre « tout nationalisme indigène » ; la seule voie est celle de l’assimilation progressive par la France : « l’émancipation des indigènes sera l’œuvre de notre nation civilisatrice ».

En 1925, il est secrétaire départemental de la SFIO et collabore à L’Etincelle qui devient l’organe de la Fédération SFIO ; il organise à Constantine le 31 juillet 1927 une conférence commémorative sur Jean Jaurès. La même année, il fonde une section de la SFIO à Souk-Ahras. Autant dire qu’il est le réorganisateur de la Fédération socialiste où se retrouvent ses collègues instituteurs : Raoul Borra*, Mohamed Bilek*, Maurice Collet*, César Comolli*, Henri Doumenc*, Ali Satour*, Larbi Tahrat* entre autres. En 1928, il est candidat malheureux aux élections législatives. L’année suivante il se présente à Philippeville aux élections au conseil général, mais échoua par 331 voix contre 552 à son adversaire « républicain indépendant ». Il essuie un nouvel échec en 1932 lors des élections législatives où il se présente comme candidat « socialiste unifié » contre Emile Morinaud, député sortant et maire radical de Constantine.

En 1934, à la suite de la scission en France de la SFIO qui exclut « Pierre Renaudel et ses amis » qui fondent le Parti socialiste de France, D. Cianfarani rallie ce nouveau parti encore plus fervent que la SFIO, en nationalisme français, mais sans être foncièrement colonial (Paul Renaudel soutient la revue Maghreb publiée par les Jeunes Marocains). D.Cianfarani est porté par son extrême nationalisme français qu’il nomme patriotisme ; il tente de lancer à Phillippevile un hebdomadaire Peuple socialiste ; le nouveau parti ne prend guère et D. Cianfarani se rabat sur le Parti d’Union socialiste et républicaine, fondé en 1931 en France par un vieux routier du socialisme, Paul Boncourt ; sans suite, mais il conservera pour lui l’appellation.

« Candidat unique de la gauche » aux élections législatives en février 1936, en fait radicaux et socialistes sans les communistes, malgré le soutien de Paul Cuttoli, maire de Philippeville, il n’obtient que 5028 voix contre 6447 à son adversaire, le maire « républicain radical » mais non radical-socialiste, de Constantine, E.Morinaud. En 1937, D. Cianfarani est secrétaire du Comité de Front populaire à Philippeville et également président de la section de la Ligue internationale contre l’antisémitisme. En s’alliant à la Fédération des Élus, il conduit la campagne en faveur de l’adoption du projet Blum-Viollette qu’il présente dans une conférence à l’Université populaire comme un rempart contre le risque nationaliste : « le risque que les indigènes se replient sur eux-mêmes dans un nationalisme racial et religieux, le plus abject des nationalismes, et (que) tôt ou tard, ils accèdent à une indépendance qui en fera la proie d’un impérialisme dont ils n’ont rien à attendre… ».

Sous Vichy, D. Cianfarani manifeste une hostilité constante au discours du Maréchal Pétain. Après le débarquement allié de novembre 1942, en dépit du rôle actif des communistes, il devient président du Comité de La France combattante de Philippeville. En 1945, candidat sur la liste d’Union républicaine antifasciste conduite par Paul Cuttoli, il est élu conseiller municipal et devient deuxième adjoint du maire. La même année, il est élu conseiller général sous l’étiquette « républicain et socialiste d’union française ».

En 1947, il entre à l’assemblée de l’Union française au titre de l’Union républicaine, en fait agréée par la SFIO. Le retour en force de la droite coloniale, la mort du maire Paul Cuttoli lui font perdre ses mandats ; il ne paraît plus au Conseil de l’Union française. Depuis 1954, il a pris sa retraite en Bourgogne près de Dijon à Bellefond par Ruffey-lès-Echirey (Côte-d’Or) où il meurt en février 1959 ; ses obsèques on lieu religieusement à l’église du lieu.. Il était chevalier de la Légion d’honneur (1934), Officier de l’instruction publique, titulaire des Palmes académiques.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153470, notice CIANFARANI Dominique [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, Louis-Pierre Montoy, version mise en ligne le 15 février 2014, dernière modification le 7 décembre 2020.

Par René Gallissot, Louis-Pierre Montoy

SOURCES : L.-P. Montoy, La presse dans le département de Constantine, thèse d’État, op.cit. – A.Sekfali, Le rôle des instituteurs dans la vie politique et sociale du département de Constantine. 1930-1939. Thèse de 3e cycle, Université d’Aix-Marseille I, 1982. — Le Bien public, Dijon, 5 novembre 1959. – Notice de L.-P. Montoy, Parcours, op.cit., n° 6-7, décembre 1986.

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