GAONAC’H François, Yves, Marie. Écrit parfois GAONACH

Par Gilles Pichavant

Né le 26 février 1901 à Briec-de-l’Odet (Finistère), mort le 3 novembre 1978 à Rouen (Seine-Maritime) ; instituteur puis professeur dans l’enseignement technique ; militant syndicaliste CGTU dans la Finistère, CGTU puis CGT en Seine-Inférieure [Seine-Maritime] ; militant communiste, secrétaire de la section de Rouen-gauche, exclu en 1953 ; conseiller municipal de Rouen (1945-1953) ; résistant.

François Gaonac’h dans l’Humanité du 26 mars 1926
François Gaonac’h dans l’Humanité du 26 mars 1926

Fils d’un tailleur d’habits, François Goanac’h devint instituteur à Lennon (Finistère), où il se maria en avril 1926 avec Marie le Gall, fille de cultivateurs.

François Gaonac’h adhéra en 1922 au Parti communiste, et fut élu au comité fédéral en janvier 1924. Il fut inscrit au carnet B du Finistère le 26 juillet. L’année suivante, il était secrétaire du rayon communiste de Carhaix.

Membre du Syndicat de l’enseignement laïc du Finistère, affilié à la Fédération unitaire de l’enseignement, il devint secrétaire adjoint de Charles Tillon à l’Union régionale CGTU en 1925. Cette année-là fut particulièrement mouvementée dans le Finistère, marquée par la grève des sardinières à Douarnenez en décembre 1924 et janvier 1925, la victoire électorale de la liste communiste dès le premier tour des municipales à Douarnenez, le 3 mai, tout cela dans un contexte de lutte contre la préparation de l’intervention militaire française au Maroc, au sein d’un département marqué par une forte présence militaire, avec la ville de Brest et son arsenal.

Le 2 mai 1925, la veille du premier tour des élections municipales, François Gaonac’h vint apporter la contradiction dans une réunion de campagne électorale pour les municipales — comme cela se faisait beaucoup à l’époque — au sénateur-maire de Carhaix, candidat du bloc des gauches. Son intervention fut courtoise, mais elle mit gravement en difficulté le maire sur sa position à propos la guerre du Maroc en préparation. Quelques semaines plus tard une plainte fut déposée, et Gaonac’h fut poursuivit en justice pour avoir tenu des propos antimilitaristes en réunion, et avoir fait coller affiches antimilitaristes sur les murs de la ville, ce qu’il niera.

Le 5 novembre, François Gaonac’h fut condamné à quatre mois de prison par le tribunal correctionnel de Châteaulin. Il ne fut pas le seul condamné dans la période, alors que d’autres instituteurs comme les époux Cornec étaient inquiétés. Le 8 février, il fut de nouveau condamné en appel, à huit mois par le tribunal de Rennes. En conséquence, il fut révoqué de l’enseignement, le 25 mars 1926 pour s’être prononcé contre l’intervention au Maroc, et pour la paix.

Pour peser afin de tenter obtenir une amnistie et sa réintégration, le syndicat CGTU de l’enseignement décida de le présenter aux élections au Conseil départemental de l’enseignement, organisme officiel siégeant en préfecture. Le 19 avril 1926, quatre scrutins eurent lieu, pour désigner deux instituteur laïques, deux institutrices laïques, un instituteur privé, et une institutrice privés. Chez les instructeurs laïcs la liste fut conduite par Charles Drapier. Les deux candidats CGTU devancèrent les instituteurs confédérés, Gaonac’h arrivant 2e, avec 474 voix contre 349 au candidat du SN le mieux placé. Chez les institutrices les sièges furent partagés : furent élues Mme Le Gall, unitaire, et Mme Goubin, confédérée.

Les candidats ayant obtenu la majorité furent proclamés élus, à l’exception de Gaonac’h, que le préfet déclara inéligible. Alors, ce fut un beau tapage. La proclamation du résultat fut accueillie par les cris de : « À bas l’Administration ! ». Violemment pris à parti par Josette Cornec et Emmanuel Allot, soutenus par les vociférations de leurs collègues, le préfet dût quitter la salle à reculons, sous les sifflets. Après son départ, Emmanuel Allot, de Douarnenez, fut choisi comme candidat en remplacement de François Gaonac’h. Une souscription nationale fut lancée par la Fédération unitaire de l’enseignement pour assurer son salaire.

François Goanac’h participa, le 30 mai 1926, au congrès de la région communiste bretonne, salle du gymnase à Quimper. Il fut délégué du Finistère, avec son épouse.

Il fut emprisonné le 10 septembre 1926, et fut libéré huit mois plus tard. De l’automne 1925 jusqu’à sa libération au printemps 1927, une grande campagne de solidarité se développa pour le soutien aux « emprisonnés de la guerre du Maroc » (Théo Kerdraon, Dubessy, Maurice Garay, Gaonac’h, Le Rest, et d’autres). Il reçu le soutien de socialistes de gauche comme Messager et Goasdoué, qui participèrent à des réunions publiques à Brest, Carhaix, Quimper, Morlaix, et. La campagne de solidarité fut nationale, marquée par des interventions à la Chambre, des communiqué réguliers de la FUE, les journaux comme l’Humanité ou Le Rappel, mais aussi des journaux de provinces, comme la Provence ouvrière et paysanne, leur donnant de l’écho.

Devenu secrétaire du comité départemental communiste du Finistère, François Gaonac’h fut réélu au congrès du 3 mars 1928. Il fut candidat aux élections législatives en 1928, dans la première circonscription (Quimper). Le 22 avril, lors du 1er tour il obtint 2 222 voix et 12,47% des exprimés. Il se maintint au second tour et obtint 2289 voix et 13,02%.

Il fut alors membre du bureau de l’Union locale CGTU de Quimper. Licencié de l’enseignement, il fut désigné gérant de la librairie dépendant du syndicat unitaire des instituteurs populaire installée rue Jean-Jaurès, à Quimper. Mais il fut un piètre gérant, et après l’impossibilité exprimée par lui de diffuser le manuel d’histoire de la Fédération, la liquidation judiciaire de la librairie fut prononcée en octobre 1928. D’après Kerbaul, il fut alors accablé pour sa gestion, par la tendance trotskiste du syndicat. Il prit très mal la chose, et se livra alors à une critique systématique de toutes les organisations ouvrières, y compris… le PCF. Il finit par être exclu du syndicat le 9 novembre 1929, avec son épouse. Il en advint de même au Parti communiste. Ils quittèrent alors le département. On perd alors sa trace dans le Finistère..

François Gaonac’h put finalement réintégrer l’enseignement. Mais le Finistère lui étant interdit, il fut nommé instituteur en Seine-inférieure, département déficitaire, à Bois-Robert, petit village situé à 10 km au sud-est de Dieppe. Il réintégra le syndicat et le parti communiste. Il fut inscrit sur le carnet B de la Seine-inférieure le 9 septembre 1934. Lors des élections législatives de 1936, il apporta la contradiction, pour le PCF, à deux candidats, lors de deux réunions électorales qui furent tenues à Bois-Robert : l’une contre Paumelle, candidat radical, l’autre contre le comte Louis Jacques Jean Robert Le Gras du Luart, dit Jacques du Luart, député sortant.

Le dimanche 12 juillet 1936, Gaonac’h intervint au titre de délégué de l’Union locale de Dieppe dans les syndicats agricoles, au cours d’une assemblée général des délégués syndicaux de l’UL. Il attira leur attention sur fortes attentes des ouvriers agricoles, absents des grèves de juin. Le 13 juin 1937, il fut élu membre de la Commission administrative de l’UL. Chargé de l’activité dans le milieu rural, il présenta au congrès un rapport sur la création de syndicats d’ouvriers agricoles, et il appela les ouvriers des villes à se lever « contre le séant réactionnaire pour obtenir les mêmes avantages aux ouvriers agricoles ». Il proposa un cahier revendicatif pour ces salariés, comprenant conventions collectives, diminution du temps de travail, insista-t-il : « mêmes droits pour les ouvriers agricoles que pour les ouvriers des villes, tout travailleur doit avoir la même retraite ». « C’est le prolétariat agricole que nous voulons organiser dans la CGT ».

Dans le rapport moral présenté lors du congrès de l’Union locale des 27 et 28 novembre 1938, Marcel Dufriche, évoquant les dures luttes qui eurent lieu dans le secteur de Luneray en pleine période du congrès de 1937, qui furent marquée par la mise en place de « brigades cyclistes », chargées de circuler dans les campagnes pour mettre en grève les ouvriers qui ne le seraient pas encore, il cita à plusieurs reprises Gaonac’h pour souligner les efforts qu’il poursuivit pour l’organisation des ouvriers agricoles : « Des bases existent dans nos campagnes, l’esprit syndicaliste a pénétré grâce surtout à quelques instituteurs tels que Gaonac’h, Mania, Blondel ». A la veille de la guerre, la police nota de lui qu’il était un membre influent de la section de Dieppe du parti communiste.

En octobre 1938, François Gaonac’h fut nommé à l’école Thomas-Corneille à Rouen, et habita 55 rue Thiers. Il fut mobilisé de septembre 1939 au 17 août 1940. En septembre 1941 le préfet diligenta une une enquête de police visant à établir qu’il continuait à se livrer à de la propagande en faveur du parti communiste, mais celle-ci ne permit pas de l’établir. La police nota seulement qu’il se rendait régulièrement à Bois-Robert.
En janvier 1942, François Gaonac’h fut inquiété par la Gestapo suite à l’enquête dans le milieu de l’enseignement. L’instituteur de l’école Géricault Monsieur Longé fut dans ce cadre fusillé le 30 janvier 1942. Les autorité d’occupation et la Gestapo se rendirent chez le maire de Rouen, Maurice Poissant. Ce dernier signa un blanc-seing s’engageant personnellement sur la probité de M. Gaonach et le fait qu’il ne soit nullement un agent communiste. Gaonach échappera ainsi aux poursuites allemandes cette fois.

À la Libération, François Gaonac’h était secrétaire de la section départementale de Seine-inférieure du Syndicat national des instituteurs, et membre du bureau de l’Union départementale CGT de Seine-Maritime. En même temps, il était responsable de la section fédérale des travailleurs de l’agriculture, poursuivant ainsi son engagement d’avant-guerre.

Il fut membre du bureau national du Syndicat national de l’enseignement technique (branche apprentissage). Lors de la scission de 1948, ce syndicat resta à la CGT pour devenir le Syndicat national de l’enseignement technique professionnel, et François Gaonac’h en fut le trésorier national jusqu’à son départ en retraite.

Par ailleurs, toujours militant du Parti communiste, il fut conseiller municipal de Rouen de la Libération à 1953, ainsi que membre du comité fédéral du PCF en Seine-Maritime. En octobre 1947 il fut présenté en seconde position de la liste d’Union républicaine de de défense des intérêts communaux présentée par le parti communiste à Rouen, conduite par Fernand Legagneux. Il était le secrétaire de la section de Rouen-droite du parti communiste. Au tout début des années 1950, fortement critiqué parmi certains militants ouvriers, notamment du port de Rouen, pour la manière dont il exerçait son mandat de conseiller municipal, il fut exclu du PCF pour « opportunisme », et ne fut pas représenté aux élections municipales de 1953. Il semble avoir cessé, alors, toute activité politique, mais continua son activité de trésorier du syndicat national de l’enseignement technique CGT.

Au moins à partir de sa retraite, il habita avec son épouse à Mont-Saint-Aignan (Seine-Maritime). Il mourut à l’hôpital de Rouen.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153598, notice GAONAC'H François, Yves, Marie. Écrit parfois GAONACH par Gilles Pichavant, version mise en ligne le 8 mars 2014, dernière modification le 6 décembre 2022.

Par Gilles Pichavant

François Gaonac'h dans l'Humanité du 26 mars 1926
François Gaonac’h dans l’Humanité du 26 mars 1926

SOURCES : Arch. Nat. F7/13081, 13104 (année 1926) et 13747 (année 1927). — Arch. Dép. Finistère (élections 1928). — Arch. Dép. Seine-Maritime, 1 M 304-316 — Presse syndicale. ­— DBMOF, (notice de Georges-Michel Thomas). — LE BARS (Loïc), La Fédération unitaire de l’enseignement (1918-1935). Aux origines du syndicalisme enseignant, Paris, Syllepse, 2005. — Gallica.fr, dont La Provence ouvrière et paysanne (23 mai 1925) ; École et famille (juillet-août 1925) ; l’Humanité (notamment les numéros des 17 août 1925, 14 octobre 1925, 11 novembre 1925, 6 février 1926, 29 mars 1926, 3 mai 1926, 17 septembre 1926, 30 avril 1928) ; Le Rappel (notamment les numéros des 27 avril 1926, 19 septembre 1926, 28 septembre 1926, 21 octobre 1926, 21 novembre 1926, 26 septembre 1926) ; Le JO, débats parlementaires, du 2 juin 1928. — Le Libertaire 9 avril 1926L’Avenir Normand, 12 novembre 1944, 30 décembre 1944, 27 janvier 1945, 17 juin 1947, 18 octobre 1947 — Notes de Eugène Kerbaul, de Julien Veyret et de Jacques Girault.

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