CROUZET Michel [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Né le 7 janvier 1928 à Nantes (Loire-Inférieure) ; assistant de littérature française à la Sorbonnne ; secrétaire de la cellule communiste Sorbonne-Lettres dans les premières années de guerre en Algérie ; en 1958, exclu du PCF pour avoir endossé la résolution critique des oppositionnels ; participant au Comité Maurice Audin ; figure de la droite universitaire, professeur à l’Université de Paris 4.

Fils de l’inspecteur général d’histoire, progressiste, Maurice Crouzet, élève du lycée Louis-le Grand à Paris, Michel Crouzet entre à l’École normale supérieure (lettres, 1948) ; il est agrégé de lettres en 1951. Après avoir enseigné dans le second degré, il devient assistant de littérature française à la Sorbonne. Membre du Parti communiste depuis 1947, ayant eu des responsabilités à la cellule de l’ENS, il devient rapidement secrétaire de la cellule Sorbonne-Lettres qui comprend entre autres intellectuels ayant une compréhension des luttes de libération : Jean Chesneaux, François Chatelet*, Marcel Cohen, Jean-Pierre Vernant, très actif le germaniste Edouard Pfrimmer, et les géographes Jean Dresch*, Raymond Guglielmo, Yves Lacoste*, André Prenant * qui rend compte de ses séjours en Algérie.

En 1955-1956, Michel Crouzet se range derrière la direction du PCF qui suspend le soutien aux manifestations de rappelés et met en retrait le mot d’ordre d’indépendance de l’Algérie lors de la campagne électorale. Le secrétaire général de la SFIO, Guy Mollet prend la tête du gouvernement ; il bat en retraite à Alger le 6 février 1956. La critique monte au sein de la cellule Sorbonne-Lettres, que s’efforce d’endiguer Michel Crouzet, « jouant au plus malin » suivant une formule d’André Prenant (voir sa notice).

Le moment crucial est atteint lors de l’approbation du vote par le groupe parlementaire communiste, des pouvoirs spéciaux pour le maintien de l’ordre en Algérie (mars 1956) ; l’opposition se renforce dans les débats de préparation du 14e congrès du PCF pour juin. À la réunion de la section communiste du Ve arrondissement (Maubert), forte de quelque 2 000 militants, le porte parole de la cellule Sorbonne-Lettres est Maxime Rodinson qui défend la résolution qui proteste majoritairement contre le vote. La motion est écartée suivant les directives de Laurent Casanova*, secrétaire de Maurice Thorez, qui suit la réunion de section et s’exprime non seulement en haut dirigeant du parti mais en se référant à son identité d’Algérien, comme Européen d’Algérie, disant « mon Peuple ». Sa position est relayée par le représentant des Étudiants communistes, Philippe Robrieux et suivie par Michel Crouzet.

C’est après le 13 mai 1958 et le retour au pouvoir du général De Gaulle, que Michel Crouzet se place derrière la majorité de la cellule ; celle-ci systématise sa critique des « graves erreurs d’appréciation du parti… sur l’importance des problèmes coloniaux et plus particulièrement du problème algérien ». La cellule Sorbonne-Lettres, avec l’appui de la section du Ve, adresse au Bureau politique du PCF, le 10 octobre 1958, une lettre faisant état des critiques ; le texte a été préparé par une commission comprenant Jean Dresch, Raymond Guglielmo, Edouard Pfrimmer, André Prenant et Jean-Pierre Vernant ; cette lettre est approuvée à l’unanimité de la cellule moins une voix. C’est le secrétaire de cellule, Michel Crouzet qui prend la responsabilité de l’adresse avec l’aval de F. Durand-Dastès, représentant de la cellule au bureau de section, autre géographe. La direction du PCF fait exclure pour un an, ce qui permet de faire passer la sanction dans une réunion de cellule restreinte, les deux signataires de l’envoi. La réintégration est possible sur demande et par décision du Comité central ; ce ne fut pas le cas.

Après ce qui est devenu « l’Affaire de la cellule Sorbonne-Lettres », Michel Crouzet apparaît comme le chef de file des oppositionnels communistes. Il devient effectivement un oppositionnel actif. Il est engagé dans le Comité Audin alors que le PCF est à la traine ; il le représente à plusieurs reprises dans les contacts entre groupes de gauche pour organiser une riposte contre la guerre d’Algérie et l’installation de la Ve République. Contrairement à ce qu’écrit Pierre Vidal-Naquet, Michel Crouzet ne participe pas au comité de rédaction de Vérité-Liberté qui, à partir de mai 1960, se propose de soutenir la lutte du peuple algérien et de dénoncer les atteintes à la légalité de la politique gouvernementale. S’en tenant à « des principes éthiques », il écrit un article dans La Nef, revue dirigée par Lucie Faure, où il analyse ses désaccords avec P.Vidal-Naquet.

Michel Crouzet devient maître-assistant à la Faculté des lettres de Clermont-Ferrand. Il mène une activité de chercheur et d’enseignant, centrée sur le romantisme. Il soutient sa thèse de doctorat d’État devant l’Université de Paris IV en 1979 sous le titre « Littérature et politique chez Stendhal, l’écrivain révolté ou le point de départ ». Il est successivement professeur aux universités de Lille, d’Amiens puis de Paris 4 (Paris-Sorbonne), et siège au Comité national des universités. Il défend les positions de la droite universitaire. Sa bibliographie comporte 23 éditions, 13 ouvrages, 5 recueils d’articles, 7 ouvrages sous sa direction, et une centaine d’articles.
Michel Crouzet est le fondateur (1997) et le rédacteur en chef de la revue annuelle HB, revue internationale d’études stendhaliennes, éditée par les éditions Eurédit, qui comptera en septembre 2018, 22 numéros parus.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153623, notice CROUZET Michel [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 19 février 2014, dernière modification le 23 janvier 2019.

Par René Gallissot

SOURCES : Arch. comité national du PCF et fonds Léon Feix, Arch. Dép. Seine-et-Denis, Bobigny. — F. Chatelet, Les années de démolition, J.-E. Hallier, Paris, 1976. — J.-P. Vernant, Entre mythe et politique, Le Seuil, Paris, 1996. — P. Vidal-Naquet, Mémoires. Le trouble et la lumière 1955-1998, t. 2, Paris, Le Seuil-La Découverte, 1998. — Echanges avec André Prenant. — Notice de J. Girault, DBMOMS, t. 4, 2008.

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