Par Justininen Raymond, Yves Le Floch, notice revue par Constance Bantman et Anthony Lorry
Né le 20 janvier 1862 à Nantes (Loire-Inférieure), mort le 3 décembre 1945 à Port-Blanc-en-Penvénan (Côtes-du-Nord) ; homme de lettres ; anarchiste puis socialiste.
Originaire de Nantes, Augustin Hamon suivit sa famille à Paris où il demeura à dater de 1868. Titulaire du seul baccalauréat, il vécut en écrivant et en donnant des cours au Collège libre des sciences sociales de Paris et à l’Université nouvelle de Bruxelles. Selon ses souvenirs, il vint au socialisme vers 1886, mais ses premiers engagements furent en fait marqués par l’éclectisme, et par un fort antisémitisme, développé notamment dans son ouvrage L’Agonie d’une société (Savine, 1889).
De 1891 à 1896, il collabora à des revues scientifiques en tant que critique, puis à la revue belge anarchisante La Société nouvelle et, en 1893, fit partie du comité directeur de La Revue socialiste. La même année il aida Fernand Pelloutier à s’installer dans la capitale et eut une influence déterminante dans sa conversion à l’anarchisme. Ses sympathies anarchistes lui valurent de passer plusieurs mois outre-Manche en 1895-1896, à Londres puis en Écosse. Comme Émile Pouget et Louise Michel, il collabora notamment à The Torch, journal anarchiste d’initiative anglo-italienne, favorable à l’entrée dans les syndicats.
Plusieurs des brochures de propagande qu’il écrivit à cette époque portent sur l’anarchisme : Les Hommes et les théories de l’anarchie (1893), L’Anarchisme est-il du socialisme ? (1898), Socialisme et anarchisme, étude sociologique, définition (1905).
Il fit date avec sa Psychologie de l’anarchiste socialiste (1895), l’un des premiers essais consacrés à la culture libertaire. Ce travail, fondé sur de nombreux témoignages de compagnons, notamment étrangers, constitue une synthèse éclairante de l’idéologie anarchiste communiste de ces années, même si, comme le suggère le titre, Hamon ne se soucie guère des anarchistes individualistes, qu’il considère comme de simples truands. A l’aune de la redécouverte de ces deux ouvrages au cours des années 1980, Hamon a pu être décrit par certains chercheurs comme un des pères de la psychologie sociale, à l’instar d’un Gabriel Tarde ou d’un Gustave Le Bon.
Dans les années 1890, il continua de verser dans l’antisémitisme « de gauche », ce qui lui valut notamment les semonces de Kropotkine.
Hamon, en compagnie de Pelloutier, d’Émile Pouget et de Bernard Lazare, joua un rôle déterminant dans la préparation de la délégation anti-autoritaire au Congrès socialiste international de Londres (1896), en obtenant notamment un mandats pour Malatesta*. Lui-même y fut délégué par la bourse du travail de Nantes. Il en fit le compte-rendu du congrès dans Le Congrès de Londres et le socialisme.
En 1897, avec Élie Reclus* et Élisée Reclus, Gabriel de la Salle, Edmond Picard, Clémence Royer, Guillaume de Greef, il fonda la revue L’Humanité nouvelle, à laquelle participèrent notamment Jean Grave, Christiaan Cornelissen, Ferdinand Domela Nieuwenhuis, Fernand Pelloutier, mais aussi le guesdiste Charles Brunellière, Georges Valois, Georges Sorel ainsi que des intellectuels et militants britanniques d’horizons divers avec qui il avait noué des liens lors de son séjour en Grande-Bretagne (Patrick Geddes, James Keir Hardie, Havelock Ellis, Tom Mann).
Au prix d’un volontarisme forcené, son réseau de relations finit par dépasser très largement les milieux libertaires, avant qu’il ne s’éloigne lui-même du mouvement.
En 1897, il donna un cours de criminologie à l’Université nouvelle de Bruxelles et des leçons sur l’histoire contemporaine du socialisme au Collège libre de sciences sociales de Paris.
A Bruxelles il rencontra Henriette Rynenbroeck, collaboratrice de L’Humanité nouvelle, qu’il devait épouser en mars 1901 et avec qui il mena notamment la traduction de l’œuvre de Bernard Shaw, pionner du socialisme « gradualiste » britannique et écrivain, auquel il consacra également un ouvrage, Le Molière du XXe siècle : Bernard Shaw.
Se remémorant l’année 1904, Hamon écrivait : « j’étais dans le monde scientifique et littéraire français un En-dehors, n’appartenant à aucune coterie, ne fréquentant pas le monde, sauf un milieu international socialiste et anarchisant ». La Libre Pensée et la franc-maçonnerie comptaient parmi ses nombreuses affiliations : franc-maçon depuis 1894, il avait adhéré aux Chevaliers du travail, loge fondée par des socialistes ayant souvent des sympathies syndicalistes révolutionnaires. Il devint vénérable de la loge de Tréguier puis, en 1905, secrétaire de la Fédération maçonnique de Bretagne, et fonda la loge de Saint-Brieuc avec E. Brilleaud.
En 1904, il quitta Paris pour les Côtes-du-Nord. Il se lança alors dans l’action socialiste locale et participa à la fondation des premières sections de la région, notamment celle de Lannion en 1905. À la SFIO, il se classa dans l’opposition de gauche à la direction, occupa plusieurs postes de responsabilité dans les instances régionales et privilégia avant tout l’unité ouvrière.
En août 1932, il participa malgré l’opposition de l’Internationale au congrès mondial d’Amsterdam contre la guerre et le fascisme et y devint le seul socialiste au secrétariat du Comité Amsterdam-Pleyel. Sa dernière prise de position politique fut de quitter la SFIO en 1944 pour adhérer au Parti communiste. Il mourut peu après, le 3 décembre 1945.
Par Justininen Raymond, Yves Le Floch, notice revue par Constance Bantman et Anthony Lorry
ŒUVRE de sa période anarchiste : De la définition du crime, Storck, Lyon, 1891 — Les Hommes et les théories de l’anarchie, L’Art social, [1893] — Psychologie du militaire professionnel, P.-V. Stock, 1893 — Documents pour servir à l’histoire de notre époque (avec Gabriel de La Salle), supplément à L’Art social de nov. 1893-fév. 1894 — Psychologie de l’anarchiste-socialiste, P.-V. Stock, 1895 — Patrie et internationalisme (« Conférence faite à Nantes le 21 août 1895 »), publ. des Temps nouveaux n° 1, 1896 — Le Socialisme et le congrès de Londres, P.-V. Stock, 1897 — Déterminisme et responsabilité, Schleicher Frères, Bibliothèque internationale des sciences, 1898 — À propos du désarmement, éd. de l’Humanité nouvelle, 1898 — Le Congrès général des organisations socialistes françaises (croquis de Couturier), sans éditeur, Paris, 1900 — Mémoire au sujet de l’affaire de l’Humanité nouvelle (A. Hamon contre Schleicher frères), 1901 — Socialisme et anarchisme. Études sociologiques. Définitions (préface d’Alfred Naquet), éd. E. Sansot et Cie, 1905.
SOURCES : Archives Hamon (CHT Nantes et IISG Amsterdam) — Notes d’Augustin Hamon rédigées en 1904 sur ses parents — Bernard Shaw, Notices biographiques. Bernard Shaw et ses traducteurs français,Augustin et Henriette Hamon, A. Munier, 1909 — Compère-Morel, Grand dictionnaire socialiste, Publication sociales, 1924 — J. Bossu, nécrologie dans L’Idée libre, mars 1946 — Notes de ses filles sur sa vie entre 1939 et 1945 — Claude Willard, La Correspondance de Charles Brunellière, socialiste nantais, 1880-1917, Klincksieck, 1968 — Erika Apfelbaum et Yan Lubek, « Augustin Hamon aux origines de la psychologie sociale française », Recherches de psychologie sociale n.4, 1982 — Dominique Lepage, « Augustin Hamon (1852-1945). Présentation biographique d’un en-dehors », mémoire de DEA, université de Bretagne-Ouest, 1988 — « Les études de psychologie sociale d’Augustin Hamon », Hermès n° 5-6, 1989 — Guillaume Davranche, « Pelloutier, Pouget, Hamon, Lazare et le retour de l’anarchisme au socialisme (1893-1900) », Cahiers d’histoire n°110, octobre-décembre 2009.