GIRAN Olivier, Marcel

Par Bertrand Gogendeau

Né le 14 septembre 1920 à Sèvres (Seine-et-Oise, Hauts-de-Seine), fusillé le 16 avril 1943 à Angers (Maine-et-Loire) ; étudiant ; résistant membre du réseau Agir.

Plaque à Orry-la-Ville
Plaque à Orry-la-Ville

Olivier Giran et sa sœur, Claire, étaient les enfants d’Étienne et de Claude Rocheblave, demeurant rue des Rossignols à Sèvres. Étienne Giran* (1871-1944), philosophe et historien, était pasteur de l’Église wallonne d’Amsterdam, ainsi que le secrétaire de l’Union des libres penseurs et des libres croyants pour la culture normale. En 1936, il fonda le journal L’esprit et la vie. Durant la Première Guerre mondiale, il servit dans le 1er régiment de marche de zouaves. Il fut fait chevalier de la Légion d’Honneur et décoré de la Croix de guerre 1914-1918. Après l’occupation de la France, en juin 1940, il se savait menacé pour avoir écrit plusieurs livres pour dénoncer le danger hitlérien. Malgré cela, il s’engagea dans la Résistance, adhéra au réseau Agir et eut des contacts avec Défense de la France. Arrêté une première fois en 1943, il le fut à nouveau le 5 juin 1944 et fut déporté à Buchenwald, où il arriva le 22 août 1944 (matricule no 78551). Il mourut au camp de concentration de Dora, le 14 septembre 1944. À titre posthume, on lui décerna la Médaille de la Résistance française (décret du 31 mars 1947, JO 13 juil. 1947).
Quant à Olivier Giran, la France ayant déclaré la guerre à l’Allemagne le 2 septembre 1939, il décida de servir et défendre son pays et s’engagea volontairement pour la durée de la guerre, le 8 décembre 1939, à l’intendance militaire de Versailles au titre de dépôt de l’infanterie. Il intégra le corps le 11 décembre 1939 et fut affecté au peloton des élèves officiers de réserve de l’École d’application d’infanterie de Vincennes, le 2 janvier 1940. Nommé aspirant le 6 mai 1940, il rejoignit le bataillon du Larzac le 26 juin 1940. Mais, l’armistice ayant été signé entre temps, il n’eut pas l’occasion de combattre. Le 5 août 1940, démobilisé, il fut rayé des contrôles militaires.
Ce jeune officier de réserve n’accepta pas la défaite militaire et l’occupation de la France. Étant à Marseille en cette fin d’été, il se joignit à un groupe qui souhaitait rejoindre le général de Gaulle à Londres. Mais ce projet tourna mal et il fut arrêté. Il passa alors plusieurs mois en prison. Une fois libéré, il retourna chez ses parents à Paris. Cette période d’incarcération n’avait pas atténué sa motivation de bouter les Allemands hors du pays et d’évincer le régime de Vichy, et il chercha à s’engager dans la Résistance.
Au cours de l’automne 1941, il se présenta chez Michel Hollard, domicilié à Paris (Ve arr.). Il avait entendu parler de l’action clandestine de Michel Hollard, au cours d’une conversation entre leurs parents qui étaient amis. Très rapidement, Olivier Giran devint l’adjoint de Michel Hollard, créateur et responsable du réseau Agir. Ce réseau faisait uniquement du renseignement sur tout le territoire occupé par l’ennemi. Il recensa les unités militaires allemandes implantées en France. Les informations étaient ensuite transmises au major Fryer, attaché militaire de l’ambassade de Grande-Bretagne à Berne, en Suisse. Michel Hollard devint pour les Britanniques « le Français qui a sauvé Londres » car il repéra des rampes de lancement de bombes volantes V1 qui étaient pointées sur Londres. Ces rampes furent bombardées à partir du 22 décembre 1943 avant qu’elles ne soient utilisées. Olivier Giran effectua des liaisons avec la Suisse à la place de son chef. Dans le même temps, il collectait des informations sur l’ennemi dans la région de Dijon (Côte-d’Or). Il réalisa aussi des missions d’espionnage entre l’Ille-et-Vilaine, le Maine-et-Loire et la Vienne et prit contact avec plusieurs groupes de Résistance. Il aida aussi des jeunes Hollandais, pourchassés par la police allemande, à passer en Suisse.
Le 30 juin 1942, à 12 h 35, il était en gare de Dijon avec des Hollandais pour les conduire en Suisse, lorsque des agents de la Sipo-SD les appréhendèrent. L’un des deux Hollandais n’était autre que Freddy Carnet, un agent de la police allemande infiltré. Les enquêteurs allemands savaient, grâce à cet informateur, qu’il s’était rendu de nombreuses fois en Suisse. Pour ne pas impliquer son réseau, Olivier Giran prétendit se rendre en Suisse pour faire de la contrebande. Il fut directement conduit à la prison de Dijon. Le temps de l’instruction, il fut mis au secret, seul, dans une cellule durant quinze jours. Ensuite, il fut transféré dans la cellule no 55. Il quitta la prison de Dijon, avec un groupe de détenus, le mercredi 14 octobre 1942 à 4 heures du matin en direction de Paris en train. Arrivés à destination, les détenus furent embarqués dans un bus, qui après un périple dans les rues de la capitale parvint à la prison de Fresnes. Olivier Giran arriva dans le quartier allemand de la prison du Pré-Pigeon d’Angers (Maine-et-Loire), le 9 décembre 1942 à 3 heures du matin, transféré par des Feldgendarmes de la Felkommandantur 756. Il reçut le matricule no 1076. Le 24 mars 1943, il comparut devant la cour du tribunal militaire allemand de la Feldkommandantur 595 d’Angers ou du Gross Paris, selon les sources. Dans le box des accusés, il était avec Georges Beuret, André Lourioux, André Mérand, Robert Tschanz et Jean Vuillecot. Le 30 mars suivant, le verdict tomba. Ils furent tous les six condamnés à mort. Olivier Giran fut reconnu coupable d’espionnage.
À travers sa dernière lettre qui débutait le 6 avril 1943 et qu’il acheva le jour de son exécution, il fit comprendre à ses parents qu’il attendait la mort avec courage et sérénité. Il écrivait entre autres : « Je ne comprends pas le suicide, on n’en a pas le droit et la mort vient toute seule sans qu’on la cherche, et on est vite prêt. » Ayant appris qu’il n’avait plus que trente minutes avant que l’on vienne le chercher pour l’exécuter, vers 7 heures du matin, il se remit à écrire. Ses derniers mots sont : « Oui, Vive la France ! Les hommes sont lâches, traîtres, ou salauds ; la France est pure, propre, vivante, je suis heureux, je ne meurs ni pour une faction, ni pour un homme, mais pour idée à moi de la servir, pour elle, pour mon patrimoine, pour vous deux [ses parents] que j’adore. Je suis heureux, je vous aime... On ouvre. Adieu. Je vous embrasse fort. Olivier. »
Deux heures auparavant, il avait rencontré l’aumônier allemand de la prison, le pasteur Hermann Hühn. Grâce à une lettre que ce dernier a écrite à Mme Giran, le 4 mars 1946, nous connaissons les derniers instants de la vie de son fils. Ensemble, ils ont parlé et prié dans une cellule mise à leur disposition. Ensuite, le pasteur rencontra deux autres condamnés. À 8 h 40, l’aumônier retrouva Olivier Giran* et deux autres prisonniers à la sortie de la prison où un camion les attendait. Chacun des détenus était enchaîné à un soldat de la Feldgendarmerie. Olivier Giran demanda que le véhicule ne soit pas bâché complètement. En contrepartie, il s’engagea à ne pas crier durant le parcours. Sur la route, après avoir demandé au pasteur s’il connaissait la France, Olivier Giran dit : « Alors vous comprendrez comme il est beau de mourir en combattant pour la liberté de ce pays. Le pays est beau, indiciblement beau, et les hommes sont bons. C’est seulement le gouvernement qui est mauvais. C’est dommage que vous n’ayez que peu d’occasions, parce que vous êtes allemand, de connaître des hommes bons et valeureux. » Ensuite, montrant qu’il n’avait pas de rancœur envers les soldats qui les conduisaient vers la mort, il sortit de sa poche un paquet de cigarettes et des allumettes et les offrit à un Feldgendarme. Arrivés sur le lieu d’exécution, à Belle-Beille (Angers), les condamnés furent attachés au poteau d’exécution, puis eurent les yeux bandés. La sentence fut lue en allemand et en français. Olivier Giran cria alors « Merci, Stülpnagel ! ». Les trois condamnés récitèrent une dernière fois le Notre Père avec l’aumônier. Juste avant les salves, il eut le temps de crier « Vive la France. » Ce 16 avril 1943, à 9 heures, Olivier Giran tomba, tué sur le coup, en même temps que Georges Beuret, Robert Tschanz et Jean Vuillecot. Mis en bière immédiatement, son corps fut amené par les Allemands au cimetière d’Angers-Est pour y être inhumé.
Il est le seul fusillé d’Angers à être toujours enterré dans la même concession (no 15891, carré 5, rang 7, fosse 2). Les autorités allemandes n’ayant pas donné son nom au moment de son inhumation, le maire d’Angers fit procéder à son exhumation pour identification, le 23 avril 1944, à 19 heures.
À titre posthume, il fut homologué au grade de capitaine dans les Forces françaises combattantes (chargé de mission 1re classe). Il fut, de même, promu chevalier de la Légion d’honneur et décoré de la Croix de guerre 1939-1945. Grâce à l’action menée en 1955 par l’Association nationale des anciennes déportées et internées de la Résistance dont le siège était à Paris, il reçut le statut d’interné de la Résistance française pour la période du 30 juin 1942 au 16 avril 1943. Par le décret royal no 5 du 24 mai 1950, avec son père, Olivier Giran obtint la « Verzetkruis 1940-1945 » (Croix de la Résistance hollandaise). Cette dernière, créée par un décret royal, le 3 mai 1946, n’a été décernée par les autorités néerlandaises qu’à 95 résistants.
À Angers, par décision municipale du 30 mai 1958, la place devant la prison du Pré-Pigeon porte son nom. Son nom est aussi gravé sur une plaque perpétuant la mémoire des vingt martyrs du réseau Agir, située au 207 rue de Bercy à Paris (XIIe arr.) ainsi que parmi les noms des morts pour la France 1939-1945 dans les escaliers de la mairie de Sèvres (Hauts-de-Seine). Dans le cimetière militaire néerlandais de la commune d’Orry-la-Ville (Oise), une plaque rend hommage à des résistants français, dont Olivier Giran. Tous les troisièmes dimanches du mois d’octobre, une cérémonie a lieu devant le monument des fusillés de Belle-Beille au cours de laquelle son nom est cité.



Angers, champ de tir de Belle-Beille (Maine-et-Loire) 1944 –1944

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153661, notice GIRAN Olivier, Marcel par Bertrand Gogendeau, version mise en ligne le 19 février 2014, dernière modification le 18 octobre 2022.

Par Bertrand Gogendeau

Plaque à Orry-la-Ville
Plaque à Orry-la-Ville

SOURCES : DAVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). – Arch. Nat. 72AJ35 (réseau Agir). – Arch. Dép. Maine-et-Loire, 303 W 902, 303 W 292. – Arch. mun. Angers, 4 H 103 ; délibération du conseil municipal d’Angers du 30 mai 1958. – Registre des inhumations du cimetière de l’Est à Angers. – Registre de la maison d’arrêt d’Angers (p. 118-119). – Oorlgsgravenstichting (Fondation néerlandaise des sépultures de guerre) à La Haye (Pays-Bas). – Lettres d’Olivier, AFMD 49, Angers-Beaucouzé, 2007. – BOEM no 328-3, Unités combattantes de la Résistance. – Jacques Poujol, Protestants dans la France en guerre : 1939-1945. Dictionnaire thématique et biographique, Éd. de Paris, Paris, 2000. – Article de Pierre Mercier dans le journal local de Sèvres, Une semaine, no 78 du 24 février 1985. – Courrier de l’Ouest, 14 mai 1998. – Mémorial GenWeb. – État civil.

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