ILLI Gaston [Dictionnaire des anarchistes]

Par Claire Auzias, Rolf Dupuy

Né à Vevey (Suisse), mort à Genève vers 1980. Livreur de charbon, ouvrier, chauffeur ; militant anarchiste suisse actif à Lyon (Rhône) entre les deux guerres.

Sa mère avait abandonné le domicile conjugal quand il avait huit ans, et Gaston Illi fut confié à une tante qui se livrait à la boisson. Après s’être battu avec un instituteur, il fut finalement confié à l’Assistance publique. Il fut placé, à lâge de 13 ans, pour travailler chez des paysans du canton de Zurich où la prédominance de la langue allemande contribua un peu plus à perturber le jeune garçon élevé dans la la langue française.

Après le décès de son père, monteur électricien qui avait travaillé tour à tour en Suisse, en France et à Barcelone, Gaston Illi vint dans la région lyonnaise en quête de travail. Il allait y rester et militer pendant une vingtaine d’années.

Vers 1925 Illi adhéra au groupe libertaire qui se réunissait au local de la rue Marignan dans le quartier de la Guillotière : « C’était une petite ruelle vers la place du pont.. c’était un pied-à-terre ; on se chauffait là, et puis, alors, on se réunissait le vendredi et le dimanche ». Il y fut responsable pendant de nombreuses années des services de presse du groupe dont Paul Massoubre était le trésorier. Il participa activement à cette époque à la campagne et aux manifestations en faveur de Sacco et Vanzetti ainsi qu’aux campagnes abstentionnistes menées par les libertaires lors des diverses élections. Fervent naturiste, il fréquentait les foyers et les restaurants végétaliens locaux, participait aux sorties champêtres organisées par les compagnons. Il faisait également partie des Amis de la Nature – une organisation para-communiste où il portait parfois la contradiction – et à la Société mycologique de la rue de Sèze (Lyon 6ème arr.), ce qui l’amenait fréquemment à aller à la cueillette des champignons dans la campagne lyonnaise.

Gaston Illi travaillait comme livreur de charbon-encaisseur pour la Compagnie des mines de Blanzy. Il utilisa à plusieurs reprises des formes de résistance illégales (perruque et macadam). C’est ainsi qu’il organisa ce qu’il nommait l’opération « le compte et demi » qui consistait à livrer des quantités incomplètes de charbon, puis à revendre à moitié prix les sacs qui avaient été détournés. Il simula également un accident du travail dans lequel une chute dans un escalier devint « commotion cérébrale » grâce à un médecin compréhensif.

Les 15 et 16 novembre 1926 il assista au congrès de fondation à Lyon de la CGTSR où, se souvenait-il, « il y avait le secrétaire de l’AIT, un juif… Sébastien Faure en observateur… Boudoux qui avait eu la gueule cassée à la Grange-aux-Belles. Il y avait Huart, puis Fourcade, Argence, Massoubre, Berthet, Journet, Valpin ; le vieux noyau du SUB – La Blédine, Peau d’âne, la Vipère, les deux frères Chabany, le Bulgare… ».

Illi travailla également à l’usine d’automobiles Berliet. Après un licenciement, il fut accueilli par un vieux syndicaliste révolutionnaire, Prignol, qui, avec sa pension de guerre, avait acheté l’auberge La Cascade à Saint-Genis-les-Ollières. Après la mort de Prignol vers 1927, Gaston Illi fit venir à l’auberge de nombreux compagnons pour y passer des vacances ou pour des fêtes. La Cascade permit plus tard pendant la guerre à plusieurs compagnons de s’y réfugier.

Gaston Illi fut membre du groupement de libre pensée intégrale La Pensée libre fondé en décembre 1927 et dont le responsable était Richard, un militant du SUB.

En 1934 il participa à plusieurs manifestations contre l’Action Française, dont l’une, salle Rameau, donna lieu a des heurts violents. Au moment du Front populaire il travaillait comme laveur de vitres avec un autre compagnon ; « Je gagnais plus qu’un ouvrier qualifié et je ne travaillais qu’une demi journée par jour. » L’expérience prit fin avec l’incarcération de son associé pour infraction à un arrêté d’expulsion datant de 1928.

En 1938 il adhéra à la section lyonnaise de la Solidarité internationale antifasciste (SIA).

Se définissant comme proudhonien, Gaston Illi défendait fortement le coopératisme : « J’estime qu’il faut travailler en coopérative, du producteur au consommateur », ajoutant « tout anar ne peut pas ne pas être coopérateur ».

Néo-malthusien convaincu, il pratiqua de longues années et dans toute la France des avortements, tout en diffusant tous moyens contraceptifs et les ouvrages d’enseignement tels les livres de Gabriel Giroud Questions de population et L’avortement, ses procédés, ses dangers. Il devint l’assistant du compagnon autrichien Norbert Bartosek qui, après avoir été poursuivi pour « stérilisation non autorisée » et avant d’aller à Bordeaux, s’était réfugié à Lyon où il fut accueilli par la famille Marsella. Gaston Illi participa avec lui à plusieurs dizaines d’opérations de vasectomie effectuées le plus souvent dans l’arrière-salle d’un café tenu par Antoine Lagrange, le secrétaire de l’union locale CGTSR.

Vers la fin 1938 il fut arrêté et interné pendant huit mois à la prison Saint-Paul. Dès sa libération, et se sachant recherché, il regagna la Suisse où sa compagne vint le rejoindre à Genève et où le couple s’installa définitivement.

Gaston Illi avait vécu en union libre et avait eu un fils, qui lui fut confié lors de la séparation du couple et qu’il éleva seul avec passion jusqu’à l’âge de six ans, puis, au début des années 1930, avec l’aide de sa nouvelle compagne.

Á Genève, Gaston Illi travailla pour la Croix-Rouge internationale et, à la fin de la guerre, participa au rapatriement des déportés dont des anarchistes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153668, notice ILLI Gaston [Dictionnaire des anarchistes] par Claire Auzias, Rolf Dupuy, version mise en ligne le 22 mars 2014, dernière modification le 28 janvier 2022.

Par Claire Auzias, Rolf Dupuy

SOURCES : Claire Auzias, Mémoires libertaires…, op. cit.

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