HAUSSARD Lucien, Eugène [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy

Né le 11 juillet 1893 à Saint-Quentin (Aisne), mort le 3 décembre 1969 à Brive-la-Gaillarde (Corrèze) ; correcteur d’imprimerie ; anarchiste.

Lucien Haussard, Emma Goldman, Pierre Ramus en 1924.

Apprenti ébéniste, Lucien Haussard fut membre du groupe anarchiste de Saint-Quentin qui s’affilia à la Fédération communiste anarchiste en août 1912. Il gagna ensuite la capitale. En 1914, il habitait chez M. Guyot, au 19, avenue Parmentier, à Maisons-Alfort, et était secrétaire du groupe d’Alfortville de la Fédération communiste anarchiste révolutionnaire (FCAR), qui se réunissait au 18, rue de Seine, à Alfortville.

En 1914, à la déclaration de guerre, sans travail, il retourna à Saint-Quentin où il fut fait prisonnier lors de l’avance allemande.

La guerre finie, il repartit pour Paris et devint correcteur d’imprimerie. Dès décembre 1918, il fut l’un des artisans du regroupement des libertaires et de la fondation de la Fédération anarchiste, dont il fut le premier trésorier, Le Meillour* en étant le secrétaire.

En 1921, domicilié au 60, rue Belgrand, à Paris 20e, il était un militant influent de l’Union anarchiste. Il assista au IIe congrès de l’Union anarchiste (UA) qui eut lieu à Villeurbanne les 26 et 27 novembre 1921. Il partit ensuite pour Berlin où, du 25 décembre 1921 au 2 janvier 1922, il assista avec Fister*, Berteletto et Mauricius* au congrès anarchiste international. Il fut ensuite notamment responsable de la préparation du IIIe congrès de l’UA, tenu à Levallois-Perret, du 2 au 4 décembre 1922.

À l’issue du congrès international anarchiste tenu à Paris les 9 et 10 octobre 1923, il accéda à la fonction de secrétaire international de l’Union anarchiste universelle qui y avait été fondée. Il publia alors plusieurs circulaires (au moins deux, novembre 1923 et début 1924) faisant le compte rendu de ce congrès et envisageant la parution d’un bulletin international dont nous ignorons s’il est paru..

Au IVe congrès de l’UA, à Paris, les 12 et 13 août 1923, Haussard, qui représentait Paris 20e, fut élu membre du conseil d’administration du Libertaire dont il fut décidé qu’il deviendrait quotidien.

En janvier 1924, avec entre autres Lucien Guérineau*, il soutint au nom de l’UA la création du Groupement de défense des révolutionnaires emprisonnés en Russie, dont le secrétaire était Jacques Reclus*.

En mars 1924, Haussard fonda et administra L’Idée anarchiste, « tribune où, librement, tous les points de vue, toutes les tendances de l’anarchisme pourraient s’exprimer ». Cette publication bimensuelle compta treize numéros et s’interrompit en novembre 1924. Tirée à 7 500 exemplaires (dont 5 000 envoyés en province), la revue publia des articles, entre autres, d’Alphonse Barbé*, Louis Bertoni*, Anatoli Gorelik, Gaston Leval*, Errico Malatesta, Marc Mratchny, Arthur Lehning*, Max Nettlau*, Rudolf Rocker, Diego Abad de Santillan, Alexandre Schapiro* et Samuel Schwartzbard*.
Une photo aux côtés de’Emma Goldman et de Ramus témoigne de sa présence à une réunion du bureau de l’Association internationale antimilitariste en 1924.

En 1925, suite à un désaccord avec les dirigeants de l’UA, Haussard cessa d’assister aux réunions et se recentra sur le Comité de défense sociale. Il était également membre à cette époque de l’Œuvre des éditions internationales anarchistes.

En 1926, il s’occupait des dépositaires de la revue Plus loin (voir Marc Pierrot). Il devait en être le gérant, en remplacement de Charles Desplanques*, du n°73 (mai 1931) au n°166 (avril 1939).

En 1928, il cofonda le Comité Makhno* pour venir en aide à l’ancien Batko de la révolution en Ukraine, et fréquentait le groupe éditeur de La Revue anarchiste.

En 1930, il dut, pour raisons de santé, interrompre ses activités et devint marchand forain.

À la faveur de l’unité antifasciste, Lucien Haussard redevint un militant actif de l’UA et du Libertaire.

Pendant la guerre d’Espagne il fut l’un des responsables du Comité pour l’Espagne libre (CEL, voir Louis Lecoin). De janvier à mai 1937, il fut le représentant du CEL et de l’UA à Barcelone où il réalisa de nombreux entretiens (dont Gaston Leval*, Joaquin Ascaso, etc.) publiés dans le Libertaire. Il participa également aux émissions de radio de la CNT-FAI. Après les Journées de mai 1937, il fut arrêté et ne dut son salut qu’à la destruction de tous les papiers prouvant son appartenance au mouvement libertaire, et à l’appui d’un communiste arrêté en même temps que lui. À sa sortie de prison, une somme de 18 000 francs destinée au Libertaire lui aurait été confisquée.

Il prit part au congrès de l’UA, à Paris, du 30 octobre au 1er novembre 1937, où il représenta le groupe interlocal de la Thiérache, à la frontière franco-belge. Il résidait alors à Grougis (Aisne). Le congrès acta la transformation du Comité pour l’Espagne libre (voir Louis Lecoin) en section française de la Solidarité internationale antifasciste (SIA). Haussard y déploya une grande activité.

Lors de la Retirada de janvier-février 1939, il fut, avec Chazoff*, l’envoyé spécial de la SIA à Port-Vendres où il aida de nombreux réfugiés espagnols à échapper à l’internement dans les camps. Début février, il fut arrêté par la police mobile de Perpignan pour avoir fait passer en auto des réfugiés sans papiers, dont l’un possédait une arme. Il fut inculpé de « trafic d’armes et munitions » et fut condamné le 15 mars 1939 à quatre mois de prison pour « aide à immigrants illégaux ». Il resta emprisonné deux mois.

En septembre 1939, à la déclaration de guerre, Haussard, qui résidait toujours à Grougis avec sa femme Jeanne (née Bertault, le 8 avril 1899 à Paris), fut dénoncé comme l’auteur d’un sabotage de fils téléphoniques et fut assigné à résidence. Accusé en mars 1940 d’« espionnage et de menées communistes » il fut arrêté à Mennevret (Aisne) et interné à Montignac (Dordogne), au château du Sablon ; il fut libéré en avril 1941, date à laquelle, selon le témoignage de Louis Dorlet* (2 décembre 1984), il aurait établi « une filière pour faire passer les “suspects” en Espagne ».

En 1944, il reprit à Brive son métier de marchand forain et devint président de la Libre Pensée ; il présida également l’association des marchands forains de la Corrèze.

Il fut conseiller municipal de Brive du 26 mars 1965 à juillet 1966. À la fin de sa vie, il collaborait à l’hebdomadaire franco-espagnol de la CNT, Espoir (Toulouse).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153679, notice HAUSSARD Lucien, Eugène [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy, version mise en ligne le 28 février 2014, dernière modification le 3 avril 2019.

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy

Lucien Haussard, Emma Goldman, Pierre Ramus en 1924.

SOURCES : Arch. PPo BA/1899, BA/2008. ― Arch. Nat. F7/13061 et F7/13053, rapport 20 mai 1931. ― Le Libertaire des 3 et 7 août 1919, du 8 février 1920, du 27 mai 1937 des 3 juin et 17 juin 1937. ― SIA des 2 et 9 février et du 16 mars 1939 ― Plus loin n°167, mai 1939. ― Espoir, 18 janvier et 1er février 1970. ― Notes de la femme de Lucien Haussard, Brive, 5 décembre 1972. ― Lettre du maire adjoint de Brive, 23 octobre 1975. ― Bulletin du CIRA-Marseille, 1er semestre 1985, 188 p. ― René Bianco « Un siècle de presse... », op. cit. ― David Berry,« French Anarchist Volunteers in Spain, 1936-39 : Contribution to a Collective Biography of the French Anarchist Movement » (work in progress) sur Raforum.info. ― Notes de Guillaume Davranche et Daniel Vidal.

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