Par Jean Maitron, notice complétée par Anne Steiner
Né le 30 décembre 1881 à Vieux-Condé (Nord), mort le 14 juillet 1953 à Paris (XIVe arr.) ; typographe ; correcteur ; traducteur ; syndicaliste et anarchiste.
La mort de son père, fonctionnaire des douanes, obligea Alzir Hella à interrompre, à l’âge de quatorze ans, les études qu’il poursuivait à l’école moyenne de Peruweltz (Belgique). Il travailla d’abord dans une raffinerie de sucre comme aide-chimiste, puis entra dans une imprimerie où il apprit le métier de typographe. Après avoir voyagé, "sur le trimard", en Allemagne et en Europe centrale, vivant de son travail de typographe, il s’installa dans les Vosges, puis à Paris. Il était petit de taille et souffrait d’une déformation de la colonne vertébrale, mais compensait ce handicap par une formidable capacité de travail.
Il encourut à plusieurs reprises des peines d’amende ou de courtes peines de prison pour violence, faits de propagande et infraction à la police des chemins de fer. Le 7 septembre 1905, il fut écroué à Saint-Dié pour outrages à la gendarmerie et port d’armes prohibées et condamné le jour même à vingt jours de prison. Pour provocation et injures à l’armée, il fut encore condamné le 16 avril 1908, à Douai, à deux années de prison.
En octobre 1909, le journal individualiste l’anarchie annonçait dans la rubrique "Trois mots aux amis" qu’il était en traitement à La Salpêtrière. Jusqu’en 1911, il collabora régulièrement avec l’équipe de ce journal comme typographe et signait des articles de son nom. Il en fut même le gérant en décembre 1910 et janvier 1911 mais, ne s’entendant pas avec Lorulot*, il s’en éloigna. En décembre 1910, il faisait paraître une petite annonce dans l’anarchie pour proposer ses services comme traducteur d’allemand en français. En août 1911, il écrivait dans La vie anarchiste et le faisait savoir dans l’anarchie.
En 1913, il participait à la rédaction du Libertaire. Resté proche de plusieurs anciens collaborateurs de l’anarchie, il fut très surveillé par la police pendant l’affaire Bonnot* et soupçonné d’héberger des membres de la bande. À la fin du mois de février 1913, Alzir Hella qui collaborait alors au Libertaire reprocha à Lorulot de multiplier les conférences payantes sur les bandits et de se faire ainsi de l’argent sur leur dos.
Le 1er août 1912, il adhéra au syndicat des correcteurs de Paris dont il devint très vite un militant en vue. Il en fut le secrétaire de 1925 à 1928. Il appartint au comité syndical de 1914 à 1916, de 1919 à 1922, de 1924 à 1928 et de 1932 à 1934. Il représenta son syndicat au congrès confédéral de Lille en 1921 et en août 1924, où il intervint dans un sens très unitaire, de même à celui de Toulouse, en août 1929 où il s’affirma communiste, et à celui de Strasbourg en 1934. Il fut membre du comité fédéral pendant cinq ans, de 1935 à 1939. Il fut également conseiller prudhomme de la Seine de 1922 à 1926, section des Produits chimiques, puis de 1936 à 1938, section des produits chimiques et de l’Alimentation et vice-président de cette section en 1937 et 1938.
En 1916-1917, il collabora au journal de Sébastien Faure* Ce qu’il faut dire puis, vers 1921-1923, il se rapprocha des communistes — ce qui lui valut les attaques du Libertaire (21 janvier 1921 au 30 mars 1923) — et adhéra au parti SFIC, qu’il quitta ensuite pour entrer à la SFIO.
À partir de 1926, Alzir Hella mena parallèlement à son activité professionnelle et militante une brillante carrière de traducteur d’allemand en français. Seul ou en collaboration avec Olivier Bournac, il traduisit la presque totalité de l’œuvre de Stefan Zweig dont il devint l’ami, l’ouvrage d’Erich Maria Remarque, À l’ouest, rien de nouveau, plusieurs ouvrages de Ernst Theodor Amadeus Hoffmann, ainsi que des œuvres d’auteurs moins renommés tels que Andreas Latzko, Wilhem Hauff et Chalom Ash.
Dans une notice nécrologique parue le 6 août 1953 dans le journal Franc Tireur, Henri Vergnolle écrivit : "Beaucoup de ceux qui l’ont connu et aimé auront appris avec émotion et chagrin, en vacances, la mort de cet homme hors série, de ce magnifique militant ouvrier, de cet écrivain qui avait connu la notoriété par ses traductions de Stefan Zweig, de cet homme d’esprit, de ce camarade si attachant."
Par Jean Maitron, notice complétée par Anne Steiner
SOURCES : Arch. Nat., F7/13053 et BB 18/2324-1. — Arch. Dép. Vosges, série M, 1905. — État civil de Vieux-Condé. — Arch PpoE141, E142. — Lorulot, Histoire de ma vie. — L’Idée libre, septembre-octobre 1953. — L’anarchie 1909-1913 — M. Body, Contre-courant, mai-juin 1960. — Agendas de la Bourse du Travail de Paris. — Comptes rendus des XIIe et XIIIe congrès du Livre CGT août 1924 et août 1929 — Yves Blondeau, Le syndicat des correcteurs de paris et de la région parisienne 1881-1973, thèse de doctorat de troisième cycle en histoire contemporaine, Paris 1, 1973.