HENRI Marius [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, notice complétée par Daniel Vidal

Né à Bessèges (Gard) le 28 juillet 1859 ; ouvrier mineur ; militant anarchiste et syndicaliste.

Né de père inconnu, Henri épousa, le 30 décembre 1880, une veuve dont il eut deux enfants. Il vécut à Bessèges puis à Bordezac, localités gardoises ; il revint à Bessèges après avoir accompli son service militaire.

Sachant lire et écrire, considéré comme très intelligent, Henri ne buvait pas, menait une vie ordonnée et jouit très vite d’un certain ascendant sur ses camarades de travail à la mine de Lalle, près de Bessèges où il était employé et où il regroupa beaucoup de ceux qui avaient participé activement à la grève de 1882 et avaient été un temps licenciés. En 1886, J. Renaud, étant venu travailler à Lalle, aida Henri à créer la chambre syndicale des Travailleurs réunis de Bessèges. Henri bénéficia également des conseils de Michel Rondet, de Saint-Étienne. Vers 1886, il milita au groupe anarchiste de Bessèges avec Laurent Mège* et Paul Reclus*.

Délégué par ses camarades de la chambre syndicale au congrès des ouvriers mineurs de Saint-Étienne, Henri rendit compte de son mandat le 19 février 1887 devant trois cents personnes réunies à Bessèges et en profita pour critiquer les députés ouvriers dont Basly : « Le Parlement ne fera jamais rien pour les ouvriers (...). La Chambre des députés est un sac de pommes de terre pourries dans lequel on mettrait une pomme de terre saine : celle-ci se détériore en vingt-quatre heures au contact des autres. » Du 2 au 10 mars 1887, une grève fut déclenchée à la mine de Lalle par Henri et ses amis ; elle fit tache d’huile et le sous-préfet d’Alais reçut officiellement Henri, qui lui présenta les revendications des grévistes, à la fois mineurs et métallurgistes. Les Compagnies durent céder devant l’ampleur du mouvement et prirent une série d’engagements, garantis par le préfet et communiqués à la « délégation des ouvriers » : c’était reconnaître la chambre syndicale et son animateur Henri. Cependant, cette organisation était illégale dans la mesure où elle regroupait plusieurs professions (mineurs, métallurgistes, cordonniers, horlogers, vanniers, commerçants, etc...) et cela lui valut d’être dissoute par les autorités. Quant à Henri, il passa en procès en décembre 1887. Accusé d’infraction à la loi de 1884 sur les syndicats, d’exhibition d’objets propres à troubler l’ordre public (il avait exposé une petite guillotine sur la fenêtre du local syndical, le 14 juillet 1887), il fut condamné à un mois de prison avec sursis.

Mais, alors que se déroulait ce procès, le mouvement syndical de Bessèges s’était déjà reconstitué, avec notamment une « chambre syndicale des Mineurs » et Henri, qui en était le secrétaire, poursuivait sa propagande d’action directe hostile au réformisme et à l’électoralisme. La grande grève de 1890 montre son influence.
Chargé d’organiser la journée du 1er Mai dans le bassin houiller du Gard, Henri cessa le travail en compagnie de ses camarades de la mine de Lalle et formula la revendication essentielle de cette journée : réduction à huit heures de la durée journalière du travail. Le soir, il organisa à Bessèges une réunion au cours de laquelle il invita les mille mineurs présents à se mettre en grève pour l’obtention de la journée de huit heures, d’un salaire de 8 f par jour pour les mineurs et 6 f pour les manœuvres, de la gestion de la caisse de secours par les ouvriers eux-mêmes. Le 3 mai, la grève s’était déjà étendue de façon considérable et cela grâce au « rayonnement de Marius Henri », dit l’ingénieur en chef des mines de Lalle qui poursuivait : « Le rôle d’Henri est très important. Il a déjà été la cause de plusieurs grèves à Lalle et semble encore être le meneur le plus actif cette fois, puisque c’est lui qui a organisé le Premier Mai dans le bassin à partir de la mine de Lalle ». C’est ce jour-là que fut prise la décision d’arrêter la grève et, le lendemain, la police se présentait à son domicile. Mais Henri avait pris la fuite et, jusqu’au 10 mai, il mit en échec ses poursuivants. Il fut alors condamné, le 16, par le tribunal correctionnel d’Alais, à douze jours de prison, et congédié de la mine. Il partit pour St Etienne (Loire). La grève avait échoué et près de cinq cents mineurs connurent le même sort.

Avaient dirigé, en 1886-1887, la chambre syndicale des Travailleurs réunis de Bessèges : Chanal, secrétaire ; Henri, secrétaire adjoint ; Ginestière, trésorier ; Deloule, trésorier adjoint.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153681, notice HENRI Marius [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, notice complétée par Daniel Vidal, version mise en ligne le 3 avril 2014, dernière modification le 3 novembre 2019.

Par Jean Maitron, notice complétée par Daniel Vidal

SOURCES : Arch. Dép. Gard, 6 M 1414, 14 M 444 et 447, 4U5/302, 5 E 1983 – DBMOF - Note de J-F. Aupetitgendre.

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