DE BOË Jean, Adelin

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy, Marianne Enckell et A. Steiner

Né le 20 mars 1889 à Cureghem (Anderlecht, Bruxelles), mort le 2 janvier 1974 ; typographe et linotypiste ; anarchiste individualiste, lié à l’affaire Bonnot, puis syndicaliste révolutionnaire.

Jean De Boë (1912)
Jean De Boë (1912)
cc Arch PPo.

Après des études primaires, Jean de Boë qui, orphelin, avait été élevé par sa grand-mère blanchisseuse, entra en apprentissage, comme ciseleur d’abord, puis comme typographe. Fin janvier 1906, il adhéra à l’Association libre des compositeurs et imprimeurs typographes de Bruxelles, le plus ancien syndicat du pays, et sa carrière professionnelle se déroula en Belgique, mais aussi en Suisse et en France, marquée par une action militante coopérative et, avant tout, syndicale.

En février 1909, il fut arrêté distribuant des tracts lors d’un meeting à Bruxelles et après avoir crié « Mort aux vaches ! ». Il avait d’abord été membre des Jeunes Gardes Socialistes avant de se rapprocher de la colonie communiste L’Expérience de Stockel, fondée par Émile Chapelier en 1906. Il participa alors à la rédaction et à la fabrication du journal Le Révolté et appartint au Groupe révolutionnaire de Bruxelles de tendance individualiste.

Insoumis, Jean de Boë gagna en 1910 la France et s’installa à Romainville, rue Paul de Kock. Il fut impliqué en France dans l’affaire Bonnot avec trois autres anciens membres du Groupe révolutionnaire de Bruxelles émigrés eux aussi à Paris : Edouard Carouy, Raymond Callemin et Victor Kibaltchiche (Victor Serge).

Arrêté le 29 février 1912 à Marseille avec sa compagne Ida Barthelmess, il fut accusé d’avoir participé au vol de l’usine Fumouze à Romainville et d’avoir négocié des titres volés rue Ordener. Il fut condamné par la cour d’assises de la Seine, le 28 février 1913, à dix ans de travaux forcés et dix ans d’interdiction de séjour pour « recel et association de malfaiteurs ».

Fin 1913, De Boë arrivait à l’Île du Diable, près des côtes de la Guyane française. Au régime politique, il put certes compléter ses connaissances par des lectures, mais cette détention loin du pays et des siens fut dure à supporter. Toutefois, après un essai d’évasion, De Boë décida de tenir et de subir sa peine. Astreint ensuite à la relégation, il réussit à fuir et à gagner la Guyane hollandaise. Il travailla pour payer son passage par bateau et put enfin regagner Bruxelles où il arriva en juin 1922. Son ancien patron imprimeur le reprit aussitôt.

Sans renier ses opinions d’antan, De Boë se consacra alors principalement à l’action syndicale. Il anima plusieurs grèves, notamment celle de neuf semaines qui se déroula en 1925 et celle de décembre 1930-janvier 1931. En 1926, il fut un des fondateurs de la coopérative « Les Arts graphiques ». Il collaborait à l’époque, souvent sous le pseudonyme de G. Dem ou Georges Demos au bi-mensuel anarchiste Le Combat (Flemalle-Grande & Bruxelles, février 1926 à avril 1928) dont le rédacteur principal était Camille Mattart et le gérant Hem Day.

En 1929 il participa à la campagne menée par le Comité International de Défense Anarchiste (CIDA) et le Comité d’Aide pour les victimes politiques (CAPVP) contre l’expulsion du militant italien Angelo Bartolommei et au bulletin Droit d’Asile (Bruxelles, un numéro unique en septembre 1929) publié à cette occasion par Hem Day.

Au début des années 1930 il était, avec Pierre Mahni, le correspondant pour la Belgique du bulletin Correspondance Internationale Ouvrière (Paris & Nimes, septembre 1932 à mai 1933) dont les deux principaux animateurs étaient Jean Dautry et André Prudhommeaux. Il dirigea également Le Creuset (1925-1932), bulletin mensuel de propagande syndicale, fondé à Bruxelles en avril 1925 et dans lequel il publia en 1930, sous forme de feuilleton, le récit de son voyage en URSS sous le titre "Le pélerin de Moscou : 50 jours à travers la Russie nouvelle". Il fut également avec J. Van Trier, le gérant du dernier numéro (n°12, a avril 1931) du journal italien Fede publié jusque là à Paris par Virgilio Gozzoli.

Il sympathisa activement avec la révolution espagnole à laquelle les anarchistes prirent si grande part et, en 1936-1937, il se rendit en Espagne. À son retour, il fit des tournées de conférences et publia une brochure. En 1939, il adopta deux fillettes des Asturies dont le père avait été fusillé par les franquistes. Il milita également à la SIA (Solidarité internationale antifasciste).

Puis ce fut la guerre et, la Belgique étant envahie, la Gestapo vint arrêter De Boë en juillet 1941. Absent de chez lui, il put passer en France, sans doute à Grenoble ; il revint à Bruxelles en août 1943 et dut rester caché jusqu’à la libération de la capitale.

Il reprit alors l’action syndicale et réussit à unifier le mouvement du Livre alors divisé en six organisations. Le 1er janvier 1945 il était désigné comme secrétaire général du syndicat unifié du Livre et Papier de Bruxelles et, peu après, président de la Centrale de l’industrie du Livre et Papier de Belgique. C’est en 1949 que fut constituée à Stockholm la Fédération graphique internationale et J. De Boë fut secrétaire, pendant neuf ans, du groupe 1, celui des typographes. La devise qu’il avait adoptée et qui figure sur la couverture de ses Propos subversifs est la suivante : « Ne jamais mentir. Ne jamais trahir. Ne jamais désespérer. »

Très attentif à la répression en Espagne, il était en mars 1950 le gérant du numéro unique de SIA publié à Bruxelles (l’association avait été fondée en 1946 et publia nombre de tracts et de brochures) et entièrement consacré à la répression policière contre les militants anarchistes en Espagne ; il fut actif dans la nouvelle SIA jusqu’en 1958. Il collaborait également au journal Contre Courant (Paris) de L. Louvet.

En 1952 il prit l’initiative d’un regroupement, l’Action commune libertaire, à laquelle participèrent Alfred Lepape, Guy Badot, Joseph De Smet, Adamas, tous proches du groupe Pensée et Action de Hem Day. Après deux ans, le groupe divisé ne se réunit plus.

A la fin des années 1950, De Boë collabora é La Révolution prolétarienne et au bulletin Commission Internationale de Liaison Ouvrière (Paris, 33 numéros de mars 1958 à septembre 1965, dont l’édition française était assurée par Louis Mercier.

Jean De Boë est mort le 2 janvier 1974 à Bruxelles.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153731, notice DE BOË Jean, Adelin par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy, Marianne Enckell et A. Steiner, version mise en ligne le 31 mars 2014, dernière modification le 3 novembre 2022.

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy, Marianne Enckell et A. Steiner

Jean De Boë (1912)
Jean De Boë (1912)
cc Arch PPo.

ŒUVRE : Des centaines d’articles sous son nom ou ses pseudonymes dans, outre les titres cités dans la notice : L’Anarchie, La Guerre Sociale (Paris, 1907-1914), Le Réveil Syndicaliste (Jupille-Liège, 1932-1934), La Vie ouvrière(CGT), La Révolution Prolétarienne, Le Réveil de Genève, Le Monde Libertaire, etc.
Ouvrages : Un siècle de luttes syndicales, Bruxelles 1952. — La Révolution en Espagne (brochure). — Notre Doctrine syndicale, conférence de J. De Boë, novembre 1962, Bruxelles, s. d., 32 p. — Propos subversifs : Ne jamais mentir, ne jamais trahir, ne jamais désespérer, Bruxelles, 1967, 352 p.

SOURCES : Arch. PPo. B a/1643. — Acte d’accusation (assises de la Seine). — ANOM COL H 4225/b, matricule 41136. — Notes autobiographiques de J. De Boë. — Le Réfractaire, n°1, 1er avril 1974 (nécrologie de A. Croix) — J. Moulaert, Le mouvement anarchiste en Belgique..., op. cit. — R. Bianco, « Un siècle de presse... », op. cit. — L. Bettini, Bibliografia..., op. cit. — Nicolas Inghels, "Histoire du mouvement anarchiste en Belgique francophone de 1945 à 1970", mémoire de licence à l’Université libre, Bruxelles, 2002. Voir aussi la notice de Jean Puissant pour le dictionnaire Belgique du Maitron-en-ligne, De Boë.

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