ÉPINETTE Louis, Émile [Dictionnaire des anarchistes]

Par Robert Balland, notice complétée par Guillaume Davranche

Né le 16 mars 1881 à Nogent-le-Bernard (Sarthe), mort le 3 octobre 1949 à Argenteuil (Seine-et-Oise) ; terrassier ; anarcho-syndicaliste.

Dans les premières années de l’après-guerre (1919-1923), Louis Épinette déploya une grande activité et eut une influence certaine dans la région d’Argenteuil. La police s’appliqua à noter avec précision les étapes marquantes de sa carrière ; elle le considéra constamment comme « dangereux », mais elle n’omit pas de rendre hommage à ses qualités morales et le tint pour « probe, consciencieux et dévoué ».

Louis Épinette s’était marié le 30 décembre 1905 à Cormeilles-en-Parisis (Seine-et-Oise). En 1909, dans cette même ville, il déclencha une grève sérieuse et longue à l’usine Lambert, où il travaillait alors. Ce coup d’envoi le conduisit en peu de temps à la tête du mouvement syndicaliste révolutionnaire à Argenteuil et dans les environs. Il fut inscrit au Carnet B de Seine-et-Oise le 2 octobre 1911.
En mai 1913, durant la vague de répression contre la CGT, son domicile fut perquisitionné. En février 1914, il conduisit une manifestation contre la loi des trois ans lors de l’inauguration du monument Berteaux.

Envoyé au front durant la guerre, il revint travailler à Argenteuil comme ouvrier-cimentier au chantier du matériel flottant en 1918 et 1919. Commencèrent pour lui les années les plus remplies de sa carrière militante. Il donna une grande impulsion à plusieurs mouvements de grève et de lutte contre la vie chère, avec pour camarades de combat Ernest Girault, Taffet, Stenger, Gouvernet, Gorce, Lardeux, Bader, etc.

Quand fut fondé le « premier Parti communiste » par Raymond Péricat fin mai 1919 (voir Alexandre Lebourg), Girault fonda sa section (dite « soviet ») d’Argenteuil, et Épinette y adhéra.

En 1919, alors qu’il était secrétaire permanent du comité intersyndical (l’union locale) d’Argenteuil, Épinette participa à la mise sur pied de la Maison du peuple. Ouverte en août au 48, rue de Sartrouville, la Maison du peuple d’Argenteuil avait la particularité d’être la propriété des syndicats et de ne dépendre en aucune façon de la municipalité, à la différence des bourses du travail. L’achat avait été fait pour la somme de 20 000 francs par les secrétaires des syndicats de la région et les principaux militants syndicalistes groupés en une Société civile de la Maison du peuple. Les syndicats y eurent leurs locaux et y tinrent leurs permanences. Elle devint rapidement une sorte de quartier général des grèves ou des manifestations de la région, comme le meeting du 20 février 1920 en solidarité avec les cheminots en lutte. Le « soviet d’Argenteuil » y eut également son siège.

En tant que secrétaire de la Maison du peuple, Louis Épinette était appointé 500 francs par mois. Quand l’union locale n’eut plus les moyens de verser cette indemnité, il continuer de tout de même d’y travailler, et s’y logea en compensation.

Lors du comité confédéral national des 12, 13 et 14 janvier 1920, Louis Épinette fut candidat à la commission administrative de la CGT, mais n’obtint que 5 voix.
Au congrès confédéral CGT tenu à Orléans du 27 septembre au 2 octobre 1920, Louis Épinette fut délégué par trois syndicats du bâtiment : celui d’Argenteuil (minoritaire) et ceux de Versailles et de Conflans-Sainte-Honorine (majoritaires). Il participa également à l’assemblée générale des syndicats minoritaires, en marge du congrès, qui décida la création des Comité syndicalistes révolutionnaires (CSR). Il constitua celui de la région d’Argenteuil.

Il devint alors un des principaux « meneurs » de la région, prenant la parole dans de multiples meetings. Il se dépensa beaucoup pour les grèves de Gennevilliers, en mars-avril 1921, pour lesquelles la Maison du peuple joua un rôle pivot.
Lors du congrès de la fédération du Bâtiment tenu du 16 au 21 mai 1921 à Dijon, les syndicalistes révolutionnaires reconquirent la majorité fédérale. Suite à cette victoire, le 23 juillet, Louis Épinette fut élu à la commission exécutive de la fédération.

Après la scission confédérale de décembre 1921, Épinette opta pour la CGTU, où il se classa dans la tendance Besnard.

Du 4 au 7 juillet 1923, il fut délégué au congrès de la fédération CGTU du bâtiment à Paris, où les procommunistes furent battus par une très nette majorité syndicaliste révolutionnaire – ou « anarcho-syndicaliste » pour reprendre leur expression. Il fut alors élu secrétaire fédéral avec Pol Jouteau, Parant et Maurice Forget. Cependant, il démissionna en cours de mandat, sans doute découragée par la crise traversée par la fédération du Bâtiment au moment de sa rupture avec la CGTU, en novembre 1924.

Louis Épinette resta fixé à la Maison du peuple d’Argenteuil jusqu’en 1927, semble-t-il. Ensuite les rapports de police ont désigné comme dernier domicile pour le militant la maison qu’il avait bâtie lui-même, au 12, rue de la Rotonde, et où il résidait encore en 1934. À cette date son activité s’était bien ralentie. Il paraissait moins en public, restait « peu communicatif », évitant « de se livrer ». « Toujours fervent », il était seulement « moins ardent ».

Dans les années 1930, la Maison du peuple d’Argenteuil fut gérée par l’union locale de la CGT-SR.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153771, notice ÉPINETTE Louis, Émile [Dictionnaire des anarchistes] par Robert Balland, notice complétée par Guillaume Davranche, version mise en ligne le 3 avril 2014, dernière modification le 9 décembre 2018.

Par Robert Balland, notice complétée par Guillaume Davranche

SOURCES : État civil de Nogent-le-Bernard — Arch. Dép. Seine-et-Oise, 16 M 46 — 4 M 30 et 31 — lettre du préfet de Seine-et-Oise au citoyen Offroy, en date du 20 juin 1920 — Bulletin communiste, 12 juillet 1923 — Le Travailleur du Bâtiment, mars 1924 — Pierre Berthet, « Les libertaires français face à la révolution bolchévique en 1919 : autour de Raymond Péricat et du Parti communiste », mémoire de maîtrise, Paris-IV, 1991 — Boris Ratel, « L’anarcho-syndicalisme dans le bâtiment de 1919 à 1939 », mémoire de maîtrise en histoire, université Paris-I, 2000.

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