BELLUGUE Fernand, Pierre [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, Claude Pennetier, notice revue par Claire Auzias et Guillaume Davranche

Né le 18 ou le 20 septembre 1892 à Saint-Sébastien (Espagne), mort le 29 septembre 1944 à Mauthausen (Allemagne) ; tailleur pour dames ; syndicaliste et anarchiste, puis communiste.

Issu d’une famille de dix enfants, Fernand Bellugue fut apprenti mécanicien dentiste, puis représentant en papeterie et librairie, avant de travailler à domicile comme tailleur pour dames, comme son père.

Il commença à militer dans le mouvement syndical en 1911. En 1912, il appartenait à la Jeunesse syndicaliste de Paris 15e et était élu au comité d’entente des Jeunesses syndicalistes de la Seine. Cela le conduisit, en décembre 1912, à être impliqué dans l’affaire du Mouvement anarchiste (voir François Parmeland). Il fréquentait alors les milieux libertaires, pétri des œuvres de Kropotkine et Bakounine, et était membre de la Fédération ouvrière antialcoolique.

Il organisa le premier syndicat de locataires à Paris 15e. Il travailla dans des maisons de couture, comme chez Paquin où il était, en 1912, le seul syndiqué sur 60 ouvriers. Il subit dès cette époque la répression, allant de contraventions pour défaut de timbres sur des affiches antimilitaristes à des perquisitions et arrestations (huit au total). Poursuivi en application des lois scélérates de 1893-94, il fut défendu par les avocats Berthon et Pierre Laval.

Il fut délégué au congrès des Jeunesses syndicalistes de la Seine, tenu à Paris les 27 juillet et 10 août 1913.

Pendant la guerre, d’abord ajourné pour faiblesse générale, il fut ensuite affecté dans les services auxiliaires au 12e régiment de cuirassiers. Étant resté en lien avec la CGT, il versa le reliquat des JS de Paris 15e au fonds de secours du comité d’action PS-CGT et assista, parfois en uniforme, aux réunions syndicales. En 1915, il présida une assemblée générale de son syndicat et fut l’objet d’enquêtes sur la base du Carnet B.

Dans Le Libertaire du 6 juillet 1919, il appela les jeunes de venir au syndicalisme pour « y apporter toute leur ardeur libertaire ».

Démobilisé en août 1919, il fut quelques mois chômeur et participa à la résurrection des Jeunesses syndicalistes puisque, le 5 septembre il devint gérant du journal Le Cri des jeunes syndicalistes, qui parut pendant un an. Il suivit particulièrement les relations entre les JS de la Seine et celles de province.

En octobre 1920, en marge du congrès confédéral d’Orléans, il participa à l’assemblée générale de la minorité de la CGT, qui créa les Comités syndicalistes révolutionnaires (CSR). Il fut alors élu au comité central des CSR.

Hostile à une éventuelle scission confédérale, il déclarait à l’assemblée générale du CSR de l’Habillement, le 6 janvier 1921 : « Au congrès d’Orléans nous nous sommes prononcés, nous minoritaires, contre la scission. C’est pourquoi je vous engage à ne pas la faire aujourd’hui. Nous avons décidé à cette époque de ne plus donner d’argent aux fonctionnaires majoritaires qui sont nos adversaires, mais nous avons reconnu, depuis, qu’il valait mieux rester au sein de la CGT pour la combattre, ou tout au moins pour lutter contre les mauvais bergers qu’elle abrite. » Il fit alors adopter la motion suivante : « Le CSR de l’Habillement s’engage à prendre la carte confédérale de 1921 afin de mieux combattre les parlementaires de la CGT dont la besogne contre-révolutionnaire a été dévoilée, et décide de verser 100 francs au journal La Vie ouvrière qui a toujours soutenu les intérêts ouvriers en signe de protestation contre la fondation du journal Le Peuple par la CGT parlementaire. »

Le 2 avril 1921, il fut élu secrétaire appointé du syndicat de l’Habillement de la Seine, dont la direction se confondait avec celle du CSR de l’Habillement.

Il entra à la commission exécutive des CSR le 31 juillet 1921. Au congrès de la fédération de l’Habillement réuni à Lille du 1er au 4 août 1921, il précisa sa position sur les rapports parti-syndicat : « Je dis que nous n’appartiendrons à aucun parti politique car ceci n’est pas notre conception. Je puis l’affirmer, étant du comité central des CSR. Nous ne disons pas que quelquefois on ne doit pas faire une action en accord avec un parti politique, mais non en liaison permanente. » (c.r. congrès, p. 37).

Après la scission confédérale de décembre 1921, Fernand Bellugue se retrouva à la CGTU dans la tendance Monmousseau, et y fut un des reconstructeur de la fédération de l’Habillement.

En février 1922, il soutint la grève des midinettes de la maison Esders.

Il fut un des représentants de la CGTU au congrès de l’ISR à Moscou en novembre 1922.

En 1923, il était toujours secrétaire du syndicat de l’Habillement CGTU de la Seine, mais non appointé, et anima la grève des midinettes. En 1924, il était de nouveau travailleur à domicile.

L’itinéraire de Fernand Bellugue, désormais affilié au PCF, s’éloigne alors de l’anarchisme. La suite de sa biographie figure dans le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français.

Fernand Bellugue mourut en déportation à Mauthausen en octobre 1943.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153805, notice BELLUGUE Fernand, Pierre [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, Claude Pennetier, notice revue par Claire Auzias et Guillaume Davranche, version mise en ligne le 7 mars 2014, dernière modification le 31 juillet 2021.

Par Jean Maitron, Claude Pennetier, notice revue par Claire Auzias et Guillaume Davranche

SOURCES : Arch. Nat., F7/13053, F7/13578, rapport du 20 décembre 1922, F 7/13584, rapport du 3 mars 1926, F7/13586. — Arch. PPo. 296, rapport du 5 décembre 1921, carton 101 — Le Libertaire du 6 juillet 1919 — Livre-Mémorial de la Fondation pour la mémoire de la déportation — Guillaume Davranche, Trop jeunes pour mourir. Ouvriers et révolutionnaires face à la guerre (1909-1914), L’Insomniaque/Libertalia, 2014 — notes de Jean-Pierre Besse.

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