Par Jean Maitron, notice complétée par Dominique Petit
Né le 18 janvier 1857 à Launois-sur-Vence (Ardennes), mort le 4 juillet 1912 à Nouzon ; ouvrier ferronnier, puis frappeur ; militant anarchiste à Nouzon (Ardennes).
Gustave Bouillard était fils de Joseph Bouillard, facteur rural, puis cantonnier à Launois-sur-Vence, et de Marie-Anne Rempelle. Il faisait partie de la classe 1877, sous le numéro de matricule 26.
Il s’est marié le 23 février 1884 à Neuville-les-This (Ardennes), village natal de sa femme Félicie Lebeau, et à cette occasion ils ont reconnu comme leur fille Berthe, née à Gruyères (Ardennes) le 1er juin 1878 . Ils ont divorcé en 1900 (jugement du Tribunal civil de Charleville du 21 décembre 1900).
Le 1er avril 1878, lors du Conseil de révision tenu à Charleville, il manifesta ses opinions antimilitaristes ; arrêté, il aggrava son cas en déclarant « les agents de police et la gendarmerie sont des canailles », ce qui lui valut une peine de 8 jours de prison.
Arrivé le 8 novembre 1878 au régiment d’infanterie de marine de Toulon, il fut réformé le 5 mars 1879.
Le 8 juin 1885, il subissait une nouvelle condamnation à un mois pour avoir traité des gendarmes de « lâches ». Le 21 décembre 1888, lors d’une réunion électorale à Nouzon, il invectiva le maire : « Je t’emmerde, toi et ton écharpe ; je suis anarchiste, je ne reconnais pas ton autorité. » Poursuivi, il fut condamné à 6 semaines de détention.
Après une longue période de maladie, il fut embauché en août 1891 à l’entreprise Génot de Nouzon et adhéra à l’automne au groupe anarchiste Les Sans Patrie fondé à Charleville le 10 octobre.
Le 31 janvier et le 7 février 1892, lors de réunions chez Mouny, débitant à Charleville où Tisseron fit appel aux déclassés, aux repris de justice et prêchait la Révolution, le pillage et l’assassinat : "Puisqu’on ne nous laisse pas travailler au grand jour, nous travaillons dans l’ombre ; nous ferons parler la dynamite". Tous les membres des Sans Patrie présents ajoutèrent : "qu’ils ne redoutaient ni la correctionnelle, ni les assises, ni l’échafaud".
Le 27 avril 1892, il écrivit à Moray et Malfait, poursuivis pour incitation d’un militaire à la désertion et réfugiés en Belgique.
Fin avril 1892, il demeurait à Nouzon, rue Chanzy, il fut arrêté pour son appartenance au groupe et fut inculpé « de complicité dans une association de malfaiteurs ». Relaxé le 15 mai 1892, il n’avait sans doute plus de travail, et pour subsister avec sa compagne Félicie Lebeau, il vendit la presse anarchiste à Rethel. A la même époque il afficha les placards du Père Peinard à Revin et accompagna Fortuné Henry lors de plusieurs conférences. Le 2 octobre 1892, Fortuné et Gustave Bouillard, arrivèrent à la gare de Revin, où ils étaient attendus par Emmanuel Delobbe, conseiller municipal, belge naturalisé depuis peu et qui avait pris une part active lors de la grève chez Faure. C’était la 3ème réunion où Bouillard accompagnait Fortuné Henry.
Durant leur séjour à Revin, ils habitèrent chez Amélie Dromzée-Diseur, débitante au quartier de la Bouverie.
De grandes affiches rouges furent collées dans la ville : « Grande conférence publique et contradictoire, organisée par les anarchistes ardennais, avec le concours de Henry Fortuné, copain du Père Peinard. Programme : Ce que veulent les anarchistes ». C’était Bouillard qui s’était chargé d’obtenir l’autorisation du maire pour le collage d’affiches.
Le 4 octobre 1892, Bouillard et Amélie Dromzée-Diseur, accompagnèrent F. Henry à la conférence. Bouillard se plaça à l’entrée de la salle pour percevoir les 50 centimes de prix d’entrée. Puis il se plaçait à une table sur le palier du 1er étage, à l’entrée de la salle où il vendait des brochures. Au cours de la réunion, le commissaire spécial adjoint de police Givet fut signalé par Clamart : « Taisez- vous là-bas, voilà la mouche et ça pique ! » ce qui déclencha une bagarre et la fin de la réunion. À la sortie, Bouillard bouscule le commissaire, en le poussant du ventre et en disant : « Pourquoi m’empêches-tu d’entrer, sale mouchard, fous le camp ou je te casse la gueule ». Invective qui lui valut une condamnation à 3 mois de prison, pour menaces et voies de fait, par le tribunal de Rocroi le 9 novembre 1892.
Il fit appel et par courrier indiqua au procureur général de Nancy que des témoins pouvaient attester qu’il n’avait pas bougé de la table où se trouvaient les brochures. Le jugement en appel à Nancy, le 8 février 1893, ne prit pas en compte ces témoignages et confirma le jugement de Rocroi.
A sa sortie de prison Bouillard, adhéra au groupe anarchiste communiste Les Deshérités fondé à Nouzon le 4 septembre 1892 et dont le principal responsable était Emile Roger. Il fit sans doute partie du groupe de 17 anarchistes de Nouzon, poursuivis en décembre 1892 suite à l’apparition sur les murs de la ville dans la nuit du 6 au 7 décembre d’un placard intitulé « Dynamite et Panama » qui commençait par cette phrase : « Il y a quelques semaines la dynamite parlait. Sa forte voix agréable à nos oreilles faisait défaillir toute la haute pègre des dirigeants et des exploiteurs. » Ce placard publié par le groupe L’avant-garde de Londres avait été interdit en France et son affichage à Nouzon coïncidait avec l’envoi de nombreuses lettres anonymes de menaces à des chefs d’atelier. Toutefois, faute de preuves, l’instruction se solda par un non-lieu.
Le 21 novembre 1893, Fortuné Henry écrivit à Thomassin de Mézières depuis la prison de Clairvaux. Dans sa lettre il indiqua :« j’ai appris avec peine la position du pauvre Bouillard qui me dis-tu est encore malade. Assure-le de mon amitié et présente lui mes souhaits de bonne santé ».
Bouillard fut l’objet les 21 janvier et 21 juin 1894 de perquisitions de la police qui ne trouva rien. Puis il continua de participer aux réunions du groupe Les libertaires de Nouzon fondé en 1896 qui, à partir de septembre 1904 se tinrent à la colonie libertaire L’Essai fondée à Aiglemont l’année précédente par Fortuné Henry.
Le 7 décembre 1910 la police signalait qu’il avait versé 0,50f pour soutenir le journal La Guerre Sociale.
Gustave Bouillard mourut à Nouzon le 4 juillet 1912, qualifié alors de forgeron, "en son domicile passage Colbert".
Par Jean Maitron, notice complétée par Dominique Petit
SOURCES : Arch. Dép. des Ardennes 3 U 2122, 6 U 755, registres matricules — Arch. dép. de Meurthe et Moselle 2 U 647 — Arch. nat. BB18/6461, F7 12508 — « Deshérités de Nouzon : syndicalistes révolutionnaires et autres anarchistes » par Dominique Petit, Publications de la Question Sociale, n°4, juin 1996) — Note biographique de Dominique Petit in Terres Ardennaises, n° spécial 46, mars 1994, "Visages du mouvement ouvrier". — État-civil des communes concernées. — Arch. Dép. des Ardennes, 4U195 aux pour le jugement de divorce, publié dans Le Petit Ardennais du 9 mai 1901. — Notes de Agnès Tisserand.