BOURGEOIS Guy [Dictionnaire des anarchistes]

Par Guillaume Davranche

Né le 9 avril 1927 à Mâcon (Saône-et-Loire), décédé le 3 août 2004 à Mâcon ; communiste libertaire, anticolonialiste et libre-penseur.

Guy Bourgeois (1950)
Guy Bourgeois (1950)
Coll. Micheline Bourgeois/Archives d’AL/FACL

En 1943, à Mâcon, Guy Bourgeois, alors lycéen, dirigeait le réseau de résistance des Forces unies de la jeunesse (FUJ). Le travail principal de ce réseau est de convoyer des déserteurs de la Wehrmacht, tchèques ou yougoslaves, de la gare de Mâcon à la gare de Bourg-en-Bresse, où un relais les attend pour les conduire à un maquis dans l’Ain.

Mais les FUJ assuraient également la réception, en gare de Mâcon, de la presse clandestine (Combat, Libération, Franc-Tireur, Témoignage Chrétien…), acheminée depuis Lyon, dissimulée dans des cageots de légumes. Collages de tracts antinazis et antimilice, collectes d’armes ou de cartes d’alimentation pour les maquis, l’activité des FUJ fut soutenue, jusqu’à la trahison et au démantèlement du réseau. Guy échappa de peu à la Milice et dut se cacher, avant de rejoindre un maquis en Saône-et-Loire.

À la Libération il découvrit Le Libertaire, qui venait de reparaître. Assez rapidement, il adhéra à la Fédération anarchiste (FA) naissante, et anima le groupe de Mâcon. Il fut de tous les combats politiques menés par la FA de l’époque (grèves de 1947, opposition à la guerre d’Indochine…). Il fut également de ceux qui jugèrent que les structures adoptées par la FA en 1945 n’étaient plus adaptées à l’époque, et qu’il fallait qu’elle évolue. Il fut donc favorable à la transformation de la FA en Fédération communiste libertaire (FCL) en 1953 (voir Georges Fontenis).

Lorsqu’à la Toussaint 1954 l’insurrection éclata en Algérie, la FCL fut au premier rang de la bataille anticolonialiste. Le groupe FCL de Mâcon avait dès avant l’insurrection tissé des liens étroits avec les ouvriers algériens, notamment en menant une campagne contre les conditions de vie désastreuses des travailleurs immigrés dans des baraquements insalubres. Sur les chantiers, les militants Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD, dirigé par Messali Hadj) distribuaient le bulletin local de la FCL, Le Libertaire de Mâcon, tandis que les libertaires diffusaient l’hebdomadaire L’Algérie libre.

Après la Toussaint 1954, l’organisation de Messali Hadj disparaissant progressivement au profit du Front de libération nationale (FLN), la FCL apporta son soutien critique à ce nouvel acteur.

Grâce au réseau de relations que lui valait son activité de secrétaire départemental de la Libre Pensée, Guy Bourgeois mit alors sur pied un réseau de soutien dans la « Willaya 3 » de la fédération de France du FLN, c’est-à-dire en Rhône-Alpes et au sud de la Bourgogne. Outre l’impression clandestine de tracts, son réseau aida notamment à exfiltrer vers la Suisse des gens pourchassés par la police (déserteurs, militants algériens…). Poursuivant la lutte anti-impérialiste, Guy Bourgeois devait, après la guerre d’Algérie, participer aux comités Vietnam.

En décembre 1955, plusieurs groupes (dont Mâcon, Grenoble et Maison-Alfort) démissionnèrent la FCL, en désaccord total avec l’aventure électorale sans lendemain tentée par la FCL aux élections législatives de janvier 1956. Ils constituèrent alors les Groupes anarchistes d’action révolutionnaire (GAAR), qui éditèrent la revue Noir et Rouge.

Après les événements de mai 1958 (voir Christian Lagant), les GAAR décidèrent de franchir une étape organisationnelle et, en 1960, se transformèrent en Fédération anarchiste communiste (FAC). Celle-ci se scinda cependant dès l’année suivante. En mai 1961, une partie de ses militants – dont Guy Bourgeois – entrèrent en tant que tendance au sein de la FA synthésiste, sous le nom d’Union des groupes anarchistes communistes (Ugac). Ceux qui s’y refusèrent se recentrèrent sur l’édition de Noir et Rouge.

L’Ugac, dont Guy Bourgeois était un des principaux animateurs, prit son autonomie de la FA en 1964 et développa dès lors des thèses assez « hétérodoxes ».
S’intéressant de près à l’autogestion yougoslave, Guy Bourgeois organisa plusieurs « voyages d’étude » en Yougoslavie entre 1966 et 1968. Dans un de ses tracts, cité dans Internationale situationniste n°11, l’Ugac affirmait : « En Yougoslavie les comités de travailleurs gèrent les entreprises. Au Vietnam, le Vietcong crée des comités d’autogestion populaire. En France, pourquoi pas ? ».

L’Ugac était très marquée par le tiers-mondisme alors en vogue. Dans une Lettre au mouvement anarchiste international publiée en 1966, l’organisation synthétisait ainsi ses positions : le tiers-monde devient le « terrain essentiel des luttes révolutionnaires » ; les révolutionnaires occidentaux doivent les soutenir « inconditionnellement » ; le mouvement anarchiste communiste n’a pas vocation à assumer un quelconque leadership : il « n’est qu’une des tendances du mouvement révolutionnaire ».

Partant de cette thèse, l’Ugac tenta à plusieurs reprises de constituer des « fronts » avec des organisations maoïstes ou trotskistes-pablistes. Bientôt elle ne se considéra plus comme une organisation, mais comme une « tendance » au sein de regroupements plus larges. Fin 1969, elle prit le nom de Tendance anarchiste communiste (TAC) et continua la publication de sa revue, Tribune anarchiste communiste (TAC).

En mai 1989, Guy Bourgeois fit partie des 100 premiers signataires de l’Appel pour une alternative libertaire, qui voulait unifier le mouvement communiste libertaire (voir Patrice Spadoni). La TAC s’engagea dans les discussions mais, au dernier moment, se retira du processus. Tribune anarchiste communiste cessa de paraître en 1993.

En 1968, Guy Bourgeois avait adhéré à la Ligue des droits de l’homme, dont il fut président départemental de 1997 à fin 2003. Bon vivant, chaleureux, passionné de jazz, il anima pendant des années plusieurs émissions sur une radio locale mâconnaise.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153830, notice BOURGEOIS Guy [Dictionnaire des anarchistes] par Guillaume Davranche, version mise en ligne le 27 avril 2014, dernière modification le 18 octobre 2022.

Par Guillaume Davranche

Guy Bourgeois (1950)
Guy Bourgeois (1950)
Coll. Micheline Bourgeois/Archives d’AL/FACL

SOURCES : Témoignage de Micheline Bourgeois — Internationale situationniste n°11 (octobre 1967) — Roland Biard, Histoire du mouvement anarchiste 1945-1975, Galilée, 1976 — Témoignage de Guy Bourgeois dans L’Insurrection algérienne et les communistes libertaires, Alternative libertaire, 1992 — Nécrologie de Guy Bourgeois dans Alternative libertaire de juin 2005 — Georges Fontenis, Changer le monde, Alternative libertaire, 2008.

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