BURGAT Georges, Gaston [dit Robert Colinet, Degouy] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, notice revue par Rolf Dupuy

Né le 5 janvier 1903 au Havre (Seine-Inférieure), mort le 2 avril 1993 à Domme (Dordogne) ; mouleur en fonte, cordonnier puis peintre paysagiste ; anarchiste et pacifiste.

Fils d’un peintre décorateur, Georges Burgat obtint son certificat d’études primaires puis devint mouleur en fonte. Il fréquenta très tôt le groupe libertaire du Havre, comme il le raconta plus tard dans une autobiographie : « J’avais commencé à militer chez les anars, vers 16 ans, à peine le premier conflit mondial terminé. J’y allais de bon cœur, de toute ma foi, de toute ma passion, de toute mon énergie...  »

En 1920, il représenta le groupe anarchiste au comité d’action contre la guerre. Ayant crié « A bas la guerre » lors d’une une manifestation devant l’hôtel de ville, il fut condamné à trois mois de prison et 200 francs d’amende pour provocation de militaires à la désobéissance ; il fut toutefois acquitté en appel à Rouen.

Militant dans la minorité révolutionnaire de la CGT, il alla porter la contradiction à Alphonse Merrheim dans un meeting en janvier 1921.

En 1922, il fréquenta à Paris l’école du propagandiste que dirigeait André Colomer pour le compte de l’Union anarchiste.

Secrétaire du syndicat des mouleurs, il prit part à plusieurs grèves et, en 1925-1926 devint secrétaire du comité de défense de Sacco et Vanzetti. Il était à la même époque secrétaire du groupe du Havre de l’Union anarchiste communiste (UAC). En 1928 toutefois, refusant la Plate-forme (voir Archinov) que venait d’adopter l’UAC, il rejoignit l’Association des fédéralistes anarchistes (AFA).

Cette même année, il apprit le métier de cordonnier auprès d’un vieux bottier et s’installa à son compte.

Dans les années 1930, il anima la section havraise de la Ligue internationale des combattants de la paix (LICP) dont il devait devenir le président en 1935. En 1933, il fut initié à la franc-maçonnerie. Il étudiait et pratiquait alors l’espéranto.

Insoumis en septembre 1939, il quitta Le Havre avec pour tout papier un certificat d’exemption militaire au nom de Robert Colinet, un compagnon qui, avant de se suicider en 1938, le lui avait donné en prévision du futur conflit. Burgat allait vivre désormais sous cette identité pendant près de dix-sept ans.

Installé dans la banlieue de Rouen, un camarade vannier, Charles Noël, lui confectionna une gouttière en cuir destinée à empêcher son genou de se plier. Désormais Burgat, ou plus exactement Colinet, n’était plus qu’un « pauvre infirme, bien portant, mais visiblement invalide ». Il s’installa quelques jours plus tard comme cordonnier à Gouy. Pour tromper son ennui et le manque de travail, il commença à y dessiner et à peindre avec acharnement, signant ses œuvres Degouy.

Suite à un contrôle d’identité le 3 mars 1940, il fut convoqué à la gendarmerie et décida immédiatement de fuir Gouy. Ayant regagné Le Havre, il se cacha quelque temps chez Nénette et Henri Demaille, puis chez sa femme Lucienne, avant de parvenir à se faire établir une carte d’identité au nom de Colinet par la mairie de Gouy.

Le 10 juillet 1941, suite à une lettre le dénonçant comme « juif et résistant », il fut l’objet d’une perquisition par la police allemande qui, ne trouvant rien de compromettant, le laissa en liberté. A partir de 1943, il commença à collaborer avec la Résistance qui s’organisait, distribuant tracts et journaux clandestins, transmettant des renseignements sur les mouvements de troupes et cachant un certain nombre de gens traqués. Au moment des opérations du débarquement de juin 1944, la population de Gouy se réfugia dans des grottes voisines. Burgat-Colinet fut à ce moment, et au péril de sa vie, plusieurs fois volontaire pour assurer le ravitaillement de ces réfugiés.

En 1946, il apprit qu’il avait été condamné par contumace, en 1940, à cinq ans de prison et dix ans d’interdiction de séjour pour insoumission. N’étant pas sûr que sa participation à la Résistance lui permette d’être « blanchi », il garda sa fausse identité et fin juin 1948, s’installa, sous le nom de Colinet, comme cordonnier-bottier à Domme (Dordogne).

En 1949 il réorganisa l’Amicale laïque et commença l’année suivante à s’investir dans le syndicat d’initiative dont il allait devenir rapidement le vice-président. Il le demeura jusqu’au 27 décembre 1957, date à laquelle, suite à une dénonciation, il fut arrêté puis condamné à deux ans de prison avec sursis, bientôt amnistié pour faits de Résistance. Il reprit alors son véritable nom et ses activités militantes.

En 1961, élu président du syndicat d’initiative de Domme, il réorganisa le musée Paul-Reclus et abandonna le métier de bottier pour se consacrer à la peinture à l’huile et à la céramique. Il écrivait dans La Raison, organe de la Libre-Pensée, sous le nom de Jacques Morin.

En décembre 1967, il appartint au Comité pour l’extinction des guerres (voir Louis Lecoin).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153837, notice BURGAT Georges, Gaston [dit Robert Colinet, Degouy] [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, notice revue par Rolf Dupuy, version mise en ligne le 7 mars 2014, dernière modification le 19 octobre 2020.

Par Jean Maitron, notice revue par Rolf Dupuy

ŒUVRE : Doit-on faire communier les enfants ? (brochure) — Je m’appelle Colinet, L’Amitié par le livre, 1971.

SOURCES : Autobiographie, 22 février 1973 — Trait d’union libertaire n°1, 1er janvier 1928 — Liberté n°1, 31 janvier 1958 — Bulletin du CIRA Marseille n°23-25, 1985 — Groupe libertaire Jules Durand, Cent vingt ans d’anarchisme au Havre, Editions du Libertaire, 2000. — FIchier des décès INSEE.

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