DESCAVES Lucien [Dictionnaire des anarchistes]

Par Rolf Dupuy, Marianne Enckell

Né à Paris le 18 mars 1861, mort à Paris le 6 septembre 1949 ; écrivain naturaliste et libertaire ; membre de l’Académie Goncourt.

Fils d’un graveur en taille douce, Lucien Descaves fit un apprentissage dans la banque, faute de pouvoir continuer ses études, mais il entra vite dans le journalisme, puis l’écriture dès après son service militaire. Son roman Sous-Offs (1889) lui valut des poursuites judiciaires pour injures envers l’armée, vite contestées par la solidarité de nombreux écrivains qui aidèrent à son acquittement.

Quand Zo d’Axa* se réfugia à Londres en janvier 1892, il confia la direction de L’En-dehors à Félix Fénéon* qui, avec Descaves, Barrucand*, Matha* et Émile Henry*, lui imprima un tour plus libertaire. Les rencontres que fit Descaves en 1892, l’année des procès contre Ravachol* et autres, donnèrent un tournant à sa vie : il se lia avec Jean Grave*, Zo d’Axa, Séverine*, découvrit les « réfractaires », les « insurgés » qu’il ne connaissait que par les romans de Jules Vallès. Séverine le fit entrer à la rédaction du Journal, puis à L’Aurore d’Ernest Vaughan, journal auquel il collabora longtemps.

En février 1899, il figura dans le comité d’organisation du Congrès international d’art social aux côtés, entre autres, de Paul Adam, Jean Ajalbert*, Fernand Pelloutier*, Octave Mirbeau* et Adolphe Retté* (L’Effort, supplément au n°11, 15 février 1899). Le congrès semble s’être tenu le 31 juillet 1900 à Toulouse, mais n’eut quasiment aucun écho.

Fin novembre 1904, lors du « procès des Quatre », Descaves témoigna en faveur de Charles Malato*.

Sa rencontre avec l’ancien communard Gustave Lefrançais* le fit se passionner pour la Commune de Paris et ses militants exilés ; il s’entretint avec des anciens, réunit une documentation importante en France et en Suisse – en partie grâce à Vaughan – pour rédiger Philémon vieux de la vieille (1913), roman de l’exil communaliste. En 1936, il vendit ses collections à l’Institut international d’histoire sociale à Amsterdam, qui ouvrit pour l’occasion une dépendance à Paris. Un premier roman, La Colonne (1901), avait déjà raconté l’épisode de la chute de la colonne Vendôme et les poursuites contre Gustave Courbet ; Descaves avait aussi publié en 1902 les Souvenirs d’un révolutionnaire de Lefrançais. En 1931, il donna encore une préface au roman posthume de Léon Cladel, I.N.R.I., hommage ardent au peuple de Paris et aux combattants de la Commune.

Homme de théâtre, Lucien Descaves écrivit aussi des pièces d’inspiration libertaire : La Cage, 1898, en collaboration avec G. Darien*, invite les hommes à se rallier à la cause révolutionnaire et à briser leurs chaînes ; La Clairière, 1900, et Les Oiseaux de passage, 1904, en collaboration avec M. Donnay, abordent, la première, le problème des « milieux libres » ou colonies anarchistes, la seconde, l’étude des mœurs des nihilistes russes. En 1914, il publia le roman Barabbas, l’histoire d’un chemineau qui refuse de se résigner, avec des illustrations de Steinlen*.

Il fut membre de l’Académie Goncourt, non sans conflits. Ses Souvenirs d’un Ours (1946) relatent ses amitiés politiques et littéraires, ainsi que certaines inimitiés.
Lucien Descaves a collaboré à un très grand nombre de titres de la presse libertaire francophone dont : L’En Dehors de Zo d’Axa (Paris, 91 numéros du 5 mai 1891 au 19 février 1893) — Albums des Temps nouveaux (le numéro sur La Mano negra, 1903) — Les Hommes d’aujourd’hui (189 ?, numéro 409 sur Zo d’Axa) — L’Almanach de la Révolution (Paris, 1901-1913) — L’Ennemi du Peuple (Paris, 29 numéros, 1903-1904) — L’Etoile socialiste (Bruxelles, 1893-1898) — les Temps Nouveaux (1895-1914) puis la série 1919-1921 (en particulier le numéro spécial de mars 1921 consacré à Kropotkine) — La Bataille syndicaliste (Paris, 1638 numéros du 27 avril 1911 au 23 octobre 1915), quotidien de la CGT — Le Grand Soir (Arras, 1911-1914) — L’Amnistie (numéro unique du 14 janvier 1933). Jean Grave publia des extraits de ses œuvres dans le Supplément littéraire de la Révolte (1888-1894) puis des Temps Nouveaux (1895-1914).

Selon une lettre de Victor Dave à Max Nettlau, du 23 février 1922, Descaves aurait été pressenti pour publier un 7e volume des Œuvres de Bakounine, aux éditions Stock ; mais ce volume n’a jamais vu le jour.

Lucien Descaves est mort le 6 septembre 1949. A cette occasion et sous le titre "Disparition d’un ennemi du militarisme", la revue de Louis Lecoin*, Défense de l’Homme, écrivait : "D’aucuns ont reproché à Descaves de s’être laissé détourner du bon combat vers la fin de sa vie, par de simples soucis de gloriole littéraire. C’est une vaine querelle que nous ne prendrons pas à notre compte, nous qui ne voulons nous souvenir que des trente années que le grand évrivain consacra inlassablement contre l’injustice et la sottise... L’œuvre d’un Lucien Descaves nous apparaît comme un phare resplendissant au-dessus de ces mornes hypocrisies et de ces déchéances intellectuelles qui pèsent sur un monde à peine sorti des décombres, un monde qui pourtant aimerait peut être vivre sa part de joie, sous un soleil tranquille... sans Dieu, ni César, ni tribun".

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153898, notice DESCAVES Lucien [Dictionnaire des anarchistes] par Rolf Dupuy, Marianne Enckell, version mise en ligne le 27 mars 2014, dernière modification le 15 novembre 2022.

Par Rolf Dupuy, Marianne Enckell

ŒUVRE (choix) : La Caserne. Misère du sabre, Tresse & Stock, 1887 — Sous-Offs, roman militaire, Tresse & Stock, Paris, 1889 — Les Chapons (avec Georges Darien), pièce en un acte, Tresse & Stock, 1890 — L’Envers du galon, drame en un acte, Tresse & Sotck, 1890 — La Clairière (avec Maurice Donnay), pièce en 5 actes, éd. de la Revue blanche, 1900 — La Colonne, Stock, 1901 — préface aux Souvenirs d’un révolutionnaire de Gustave Lefrançais, Bibliothèque des Temps nouveaux, 1902 — préface à La Vie tragique des travailleurs de Léon et Maurice Bonneff, Rouff, 1908 — préface aux Cahiers rouges de Maxime Vuillaume, Cahiers de la quinzaine, 1908-1914 — préface aux Souvenirs d’une morte-vivante de Victorine B. (Brocher), A. Lapie, 1909 — Philémon, vieux de la vieille, Ollendorff, 1913 — Barabbas. Paroles dans la vallée, illust. de Steinlen, E. Rey, 1914 — Souvenir d’un ours, Les Editions de Paris, 1946.

SOURCES : IISG, Archives Lucien Descaves, Archives Max Nettlau — Association (défunte) L’Atelier des lettres — René Bianco, « Un siècle de presse… » — notes de Guillaume Davranche — Œuvres citées.

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