BRISSET Victor, Henri. Pseudonyme à Paris : Jean GEMIER, à Moscou : René LENOIR

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

Né le 13 janvier 1899 à Paris (XVIIIe arr.) ; exerça plusieurs métiers dont mécanicien-électricien puis cheminot ; militant syndicaliste, socialiste anarchisant puis communiste de Paris et de la Seine ; responsable communiste à Ivry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne), conseiller municipal ; responsable de l’appareil illégal du PCF et du Komintern.

Victor Brisset était fils naturel sur l’état civil. Sa mère Céline, Rosalie, Françoise Brisset, âgée de vingt-neuf ans, travaillait comme domestique. Dans une autobiographie de 1932, il précise : « D’origine ouvrière ma mère était ouvrière à domicile, mon père était ouvrier serrurier et abandonna ma mère quelques mois après ma naissance. » Sa mère ayant perdu son travail, l’enfant fut confié à une tante, puis à son arrière grand-mère avant qu’un oncle, cheminot, l’adoptât. Il avait déjà dix ans quand il vint agrandir cette famille de cinq enfants domiciliée en Eure-et-Loir. « Enfance plutôt malheureuse tant au point de vue physique que moral » écrit-il en 1932. Victor ne se sentait bien qu’à l’école et, l’influence de son instituteur supplanta, dit-il, celle du curé. Malgré son éducation religieuse, il perdit la foi vers douze ans. Au même âge, il réussit le certificat d’études primaires à Châteaudun (Eure-et-Loir) puis quitta l’école pour devenir apprenti serrurier. Âgé de quinze ans, il travaillait chez un mécanicien à la déclaration de guerre. Il fut ardemment patriote, dévorant récits de guerre et journaux et attendant avec impatience les dix-huit ans pour pouvoir s’engager dans l’armée. Au début de l’année 1917, il partit travailler dans l’Aisne où il entendit dire « le 133e régiment d’infanterie s’est révolté ». Les nouvelles du front le firent réfléchir. Rentré à Paris au cours de l’année, Victor Brisset se sentait tantôt patriote, tantôt pacifiste. « Touché par la propagande d’ouvriers d’ateliers, je vins peu à peu aux idées révolutionnaires » (1932). Il adhéra au syndicat des électriciens en juin 1918 sous l’influence d’un ouvrier lyonnais mais il fallut attendre l’armistice pour le voir participer plus activement à la vie politique et sociale.

Entré aux chemins de fer Paris-Orléans au début de l’année 1919, il lisait l’Humanité et Le Populaire, adhéra à la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et fréquenta le groupe « Clarté ». Il s’affilia au groupe socialiste des grandes carrières, 18e section socialiste de Paris en juillet 1919. La majorité réformiste dominait (Victor Brisset garda le souvenir de Montagnon, Marcel Sembat, Renaudel, Varenne), mais il adhéra à la minorité formée, selon sa propre expression, d’une « trentaine de révoltés plus que de révolutionnaires ». Vite « dégoûté » des discussions au sein de la section socialiste, il fréquenta les réunions anarchistes qui depuis plusieurs années l’attiraient. Il suivit également les cours de l’école marxiste de Charles Rappoport qu’il jugea intéressants mais trop théoriques. Sa vision politique s’éclaircit avec l’expérience des grèves de mai 1920. Pour lui, les réformistes portaient la responsabilité de l’échec. Il renforça son action au Comité de la IIIe Internationale (il y avait adhéré en janvier à la 13e section) et réorganisa le syndicat des cheminots dans son secteur.

Son appel sous les drapeaux, en octobre 1920, l’empêcha de vivre les mois de la scission. Encaserné à Épinal (Vosges), il fréquenta les réunions d’un groupe « anarchiste » (qui était, disait-il, influencé par Maurice Chambelland). Reconnu à la sortie de la Bourse du Travail, il fut envoyé en Syrie où il resta un an après sa démobilisation, travaillant comme ouvrier et suivant l’évolution du mouvement ouvrier français par la lecture de l’Humanité. Il fit également un séjour en Égypte et fut rapatrié par l’ambassade en décembre 1922.

Installé à Ivry-sur-Seine, ouvrier électricien dans diverses usines d’Ivry (Lemoine, Compagnie des lampes) ou de Paris, il prit sa carte du Parti communiste en avril 1923, entra quelques mois plus tard au comité de section dont il devint secrétaire. Il participa à l’organisation du 4e rayon et en fut secrétaire temporaire (1924-1925). Le Parti communiste le désigna pour suivre les cours de l’École de Bobigny, fin 1924-début 1925. Victor Brisset, alors électricien, fut élu conseiller municipal communiste de la deuxième section (Port) d’Ivry-sur-Seine le 10 mai 1925, sur la liste dirigée par Georges Marrane. Son nom ne figura pas sur la liste élue en mai 1929.

Permanent du comité central pendant six mois, en 1925, il en fut, dit-il, « renvoyé comme incapable de remplir l’emploi ». De 1926 à 1928, Victor Brisset se spécialisa dans le travail antimilitariste illégal comme chef de secteur comprenant les forts d’Ivry, de Charenton, de Bicêtre, le 23e colonial dans le XIIIe arrondissement et le champ d’aviation d’Orly (Seine, Val-de-Marne). En 1928, le Parti communiste lui demanda d’abandonner tout travail en usine et toute activité communiste publique pour se voir confier des tâches illégales plus importantes : fabrication de faux passeports, contacts avec l’étranger (notamment avec la Belgique), acheminement clandestin de documents et de personnes. Il semble que ce mandat ait pris fin le 1er juin 1932, quinze jours avant la rédaction de son autobiographie pour la commission des cadres dans laquelle il se présentait comme « faible » politiquement, et incapable de tirer bénéfice des cours de l’École léniniste et des articles de fonds qu’il tente de lire. Un questionnaire du 29 octobre 1932 atteste de son passage dans les locaux du Komintern et précise une de ses fonctions : travail de contre-espionnage.

Son nom disparaît ensuite. On peut faire l’hypothèse d’une mise à l’écart dans la réorganisation des services après « l’affaire Barbé-Celor ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article1539, notice BRISSET Victor, Henri. Pseudonyme à Paris : Jean GEMIER, à Moscou : René LENOIR par Jean Maitron, Claude Pennetier, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 22 novembre 2022.

Par Jean Maitron, Claude Pennetier

SOURCES : RGASPI, 495 270 8631, Arch. Paris. DM3, Versement 10451/76/1. — Alfred Bernard (Kurella), La Génération léniniste, 1925 (en langue russe). — D. Tartakowsky, Les Premiers communistes français, op. cit., p. 184, n. 88. — État civil, pas de mention de mariage ni de décès ; on peut faire l’hypothèse d’une mort avant la Libération.

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