DESGRANGES Pierre, François [dit Grange] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Maurice Moissonnier, notice revue par Laurent Gallet

Né le 10 juin 1865 à Villefranche-sur-Saône (Rhône), mort le 16 juillet 1898 à Villefranche-sur-Saône ; ouvrier en balais ; anarchiste.

Pierre Desgranges était le fils de François Desgranges* né à Chevroux (Ain) le 8 août 1841, mort à Lyon le 28 septembre 1896, ouvrier en balais et militant anarchiste, qui eut un autre fils Victor (dit Joanny), né à Villefranche-sur-Saône le 5 mars 1871, également ouvrier en balais et également militant anarchiste. Il perdit sa mère le 7 mars 1881 alors qu’il était âgé de 16 ans. Il fut par la suite exempté du service militaire pour cause de tache à l’œil droit.

Il quitta le domicile familial de Villefranche-sur-Saône au début de l’année 1890 pour se fixer à Lyon. Le 27 décembre 1891, il participa, aux Brotteaux, à la constitution du groupe La Jeunesse antipatriote, puis, deux mois plus tard, au groupe Les Ennemis de toute candidature. D’une manière générale, s’il ne prit que peu la parole dans les réunions politiques, il n’hésitait pas à s’y rendre, parfois 3 soirs par semaine.

Lors des élections législatives de 1893 il fut candidat abstentionniste dans la 1ère circonscription de Lyon. Les autres candidats abstentionnistes étaient Louis Polo* et François Vitre* dans la 3e circonscription, Hippolyte Dumortier* dans la 4e, Alphonse Comberousse* dans la 5e, Daniel Condom*, Marius Debard et Claude Joly dans la 7e, Maurice Condom* dans la 9e et Marius Blain dans la 1re circonscription de Villefranche-sur-Saône.

Durant la période terroriste de 1892-1894, la police perquisitionna chez lui à plusieurs reprises : le 30 mars 1892, le 20 novembre 1893 (196 exemplaires de La Révolte et plusieurs dizaines d’autres titres et de brochures furent alors saisis) et le 1er janvier 1894. Il fut alors écroué et inculpé pour association de malfaiteurs, en vertu de la loi scélérate du 18 décembre 1893. Faute de preuves, il fut remis en liberté dès le 8 janvier. De nouveau perquisitionné le 6 juillet 1894, il déclara aux agents bredouilles : « Je ne garde rien chez moi. Je lis les journaux et les brochures qui m’intéressent et je les passe à d’autres. » En août, lors du procès Caserio, il fut l’objet d’une surveillance accrue.

Craignant pour son avenir, il se maria le 8 septembre 1894 à Lyon avec Marie, Joséphine Curtet (dite Canova), dévideuse et anarchiste, sa compagne depuis environ deux ans. Les témoins du mariage furent le patron de Desgranges, ainsi que trois militants anarchistes : Augustin Seyssel*, Louis Rotivel, et Saint-Lager. Aux compagnons qui lui reprochèrent d’avoir eu recours au passage devant le maire, Desgranges répondit qu’il avait épousé sa compagne afin qu’elle pût le suivre en cas de relégation en Guyane.

Pour la campagne abstentionniste de 1896, lors des élections municipales, Desgranges commanda 1 000 exemplaires du manifeste abstentionniste de Sébastien Faure. La police lui attribua un article du Libertaire du 25 mai 1896 répondant aux accusations du député socialiste Bonard qui reprochait à la campagne abstentionniste d’avoir causé l’échec des socialistes. Selon Desgranges, les socialistes avaient été battus en raison de « leur division due à leur grande soif d’arriver au pouvoir coûte que coûte ».

En avril 1896, les anarchistes tentèrent de fonder une « bibliothèque scientifique pour tous », afin de « rendre plus facile au peuple les moyens d’étudier les sciences [...] par le communisme des livres » (Les Temps nouveaux du 11 au 17 avril 1896). Desgranges fut le moteur de cette initiative et se fit remettre dans ce but plusieurs dizaines de volumes par Mademoiselle de Frayssinet : des romans, des ouvrages de Louis Blanc, de Proudhon, des brochures de Sébastien Faure, de Kropotkine...

En juillet 1896, il tenta de fonder une revue, La Jeunesse nouvelle, et requit la collaboration de rédacteurs confirmés comme Jean Grave, Charles-Albert et Augustin Hamon. Fin octobre, il avait réuni environ 130 francs sur les 150 qu’il estimait nécessaire. À force de persévérance et de souscriptions, il parvint à louer, 9-11, rue de la Monnaie, un local qui servit de salle de réunion et de siège à la revue dont le premier numéro parut le 5 décembre 1896. Tiré à 1 500 exemplaires, ce journal n’eut pas de 2e numéro. Desgranges tenta de pallier le manque de rédacteurs en publiant des traductions d’articles tirés de revues étrangères qu’il recevait, mais cela n’aboutit pas.

Le 18 mai 1897, Desgranges quitta Lyon pour habiter chez son frère Victor, à Villefranche-sur-Saône, 8, rue des Tanneurs. La bibliothèque fut remise à Durand, déjà dépositaire des journaux anarchistes à Lyon.

Lecteur régulier du Libertaire, le nom de Desgranges figurait sur une liste de dépositaires et d’abonnés saisie lors d’une perquisition des locaux du journal le 19 novembre 1897.

En avril 1898, Desgranges tomba gravement malade et, après un séjour à l’Hôtel-Dieu de Lyon, il fut ramené à l’hôpital de Villefranche-sur-Saône où il mourut le 16 juillet 1898. Un certificat établi le 2 juin 1899 atteste que le défunt n’avait aucun actif.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153900, notice DESGRANGES Pierre, François [dit Grange] [Dictionnaire des anarchistes] par Maurice Moissonnier, notice revue par Laurent Gallet, version mise en ligne le 10 mars 2014, dernière modification le 4 mai 2014.

Par Maurice Moissonnier, notice revue par Laurent Gallet

SOURCES : Arch. Dép. Rhône 4M311, 4M312, 4M315, 4M321, 4M328, 10M372, 4E7722, Z56 130 (dossier Canova), 401Q21,1RP401, 2T142, AM de Lyon 2Mi09 1068.

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