DEVRIENDT André [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy et Hugues Lenoir

Né le 9 juillet 1920 à Paris (XIIIe arr.), mort le 27 décembre 2014 à Limeil-Brévannes (Val-de-Marne) ; ouvrier sellier puis correcteur d’imprimerie ; militant anarchiste et syndicaliste.

Né de parents belges (flamands) réfugiés en France au début de la Première Guerre mondiale et installés à Alfortville depuis 1920 où ils travaillaient respectivement comme terrassier et blanchisseuse, André Devriendt, après le certificat d’études, avait suivi deux années de cours complémentaire. Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, il étudia l’allemand et la comptabilité, ce qui lui permit d’obtenir un diplôme d’études supérieures d’allemand et un diplôme de correspondancier commercial d’allemand. Il suivit également des cours d’anglais pendant trois ans.

Placé comme sellier garnisseur dans une usine d’automobiles en 1934, il passa son CAP de sellier-garnisseur en 1941. Il participa aux grèves de juin 1936 dans une carrosserie (les établissements Commeinhes) de Saint-Maur-des-Fossés ce qui lui valut d’être licencié à la fin de l’année. Plusieurs fois chômeur, il exerça divers métiers : maçon, entrepreneur, garçon boucher, avant de retrouver du travail dans son métier, chez Simca, à Nanterre, où il fut embauché le 30 novembre 1938, jour de grève générale. Il ne commença évidemment que le lendemain.

En 1936, Devriendt adhéra au Parti social français du Colonel de La Roque mais le quitta dès l’année suivante, estimant « qu’il n’y avait rien à y faire ». Il expliquait cette adhésion comme une réaction à son milieu et « en raison de l’animosité que me témoignait mon père qui lui-même se déclarait rouge… Qu’allais-je faire dans cette galère ! Fils d’étrangers, français moi-même de fraîche date (avril 1936) par acte de renonciation à la nationalité belge, ouvrier pauvre et pauvre ouvrier, je n’avais rien de commun avec les membres du PSF composé de petits bourgeois, d’anciens combattants nostalgiques, ultra patriotes, xénophobes et j’en passe. »

La débâcle de 1940 fit qu’il échappa au service militaire. Après l’exode, il reprit son métier dans une usine réquisitionnée par les Allemands. Là, en septembre 1942, pour avoir entraîné tout le personnel de l’usine à la désobéissance à une disposition prise par les Allemands, il fut arrêté et, après interrogatoire à la Kommandantur de Neuilly, incarcéré à la prison du Cherche-Midi pendant trois semaines. Privé de son emploi, Devriendt dut alors partir travailler en Allemagne où il resta jusqu’en juin 1945. Il y rencontra une jeune Hongroise qui devint sa femme et dont il eut deux enfants.

À son retour en France, André Devriendt retrouva son métier et, après un bref passage au Parti communiste, milita activement au sein du mouvement anarchiste. En mai 1946, sous le nom de Flamand la Simplicité, il fut reçu compagnon sellier-garnisseur à l’Union compagnonnique des devoirs unis, section de Paris. « Flamand parce qu’il était de parents belges originaires de Flandres. Simplicité, parce qu’il y voyait une qualité devant être cultivée avec constance » comme l’écrivit Freddy Gomez. Il devint secrétaire de la section et participa au congrès de Tours en 1957.

C’est en 1947 après être tombé par hasard sur un exemplaire du Libertaire » que Devriendt adhéra à la Fédération anarchiste et fonda le groupe libertaire d’Enghien-les-Bains, où il habitait 42 boulevard Cottes. En 1951, il remit sur pied le groupe libertaire d’Alfortville dont il fut le secrétaire, comme il le fut du groupe d’Enghien. Pendant les guerres d’Indochine et d’Algérie, il mena une intense activité de propagande anticolonialiste, étant membre du courant minoritaire de la FA favorable au soulèvement algérien.

Lors de la scission au sein de la Fédération anarchiste, en 1950, il ne rejoignit pas la Fédération communiste libertaire, mais participa au contraire à la reconstruction de la Fédération anarchiste et à la fondation de son nouveau journal, le Monde libertaire dont il fut membre du comité de lecture et dont il devint l’administrateur à partir du n° 51 (juin 1959). Devriendt prit part à tous les congrès de la Fédération anarchiste de 1951 à 1966. En 1958, il devint permanent au siège de la Fédération anarchiste, 3 rue Ternaux, Paris (XIe arr.). Il ouvrit la librairie, et en assuma toutes les fonctions. Le 31 décembre 1959, en raison de difficultés de trésorerie — en tant que permanent il recevait 600 NF par mois — il quitta la rue Ternaux où il fut remplacé par un camarade travaillant à mi-temps, mais il demeura administrateur du journal jusqu’en 1963 où il fut remplacé par Claude Kottelanne.

En 1960, André Devriendt devint correcteur d’imprimerie, entra au Syndicat des correcteurs de Paris CGT où il occupa de nombreux postes de responsabilité : secrétaire du comité d’entreprise à l’imprimerie de Montmartre en 1961, délégué du personnel chez Larousse en 1963, membre du comité syndical du Syndicat des correcteurs en 1965, secrétaire adjoint en 1967, secrétaire en 1968 et 1969, membre de la commission de contrôle du syndicat en 1971, secrétaire adjoint en 1972, secrétaire de février 1973 à février 1977 (date où il dut quitter le secrétariat en raison des dispositions statutaires, comme en février 1970), délégué au congrès de la Fédération française des travailleurs du Livre en 1976, membre du bureau du Comité intersyndical du livre parisien de 1973 à 1977.

En outre, depuis 1960, Devriendt assumait les fonctions de trésorier fondé de pouvoir de l’Association pour la diffusion des philosophies rationalistes, alors propriétaire des locaux où siégaient la Fédération anarchiste et le Monde libertaire.

En 1962, il fut avec Maurice Joyeux et Joudoux membre du jury d’honneur constiitué pour statuer sur le cas Rassinier. Dans l’après 1968, en 1970 plus précisément, selon le témoignage de René Berthier, lorsque fut crée l’Alliance révolutionnaire et anarchosyndicaliste (ASRA), il apporta son soutien à l’initiative.

De mars 1975 à mars 1977 André Devriendt prit une part active à la grande grève du Parisien Libéré, qui secoua toute la profession du livre et conduisit à des actions spectaculaires comme l’occupation du paquebot France, de la mairie de Saint-Étienne, de multiples interventions sur le Tour de France.

En juin 1977, il devint administrateur bénévole de la Mutuelle générale de la presse et du livre, qui devint Mutuelle Nationale (MNPL). Il fut nommé secrétaire général, fonction qu’il occupa jusqu’en 1984, date à laquelle il devint vice-président. En 1986, il devint rédacteur en chef du nouveau périodique de la MNPL, Le Mutualiste de la presse et du livre ; il avait été également membre du comité de gestion du centre médico-pédagogique La Mayotte, géré par le MNPL à Montlignon (Val-d’Oise). Il quitta ses fonctions à la MNPL en 1992, arrivé en fin de mandat.

En 1990 et 1993, il fut délégué aux congrès de l’Union fédérale des retraités. En 1992, il représenta l’Union au congrès de la CGT à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Il était également le responsable du bulletin Entre Nous, organe des retraités correcteurs.

En mai 1990, il devint directeur du Monde Libertaire à la demande d’Hugues Lenoir alors secrétaire général de la FA en remplacement de Maurice Joyeux décédé. Il dut dans cette fonction assurer la défense du Monde libertaire suite à une plainte d’une organisation et d’acteurs liés à l’extrême droite, Responsabilité que que Jacky Toublet assura à sa suite. Bien que beaucoup plus âgé, c’est André Devriendt qui rendit l’hommage funèbre à Toublet lors de son décès même si en d’autres temps les deux militants avaient convenu entre eux d’une démarche inverse. Depuis 1986, il était administrateur de la Caisse de crédit mutuel d’Alfortville (Val-de-Marne).

Fidèle à ses engagements militants de toujours, en 2011, André Devriendt était toujours abonné au Monde libertaire et adhérent de la CGT-correcteurs et à la Fédération anarchiste.

André Devriendt est décédé à Limeil-Brevannes dans le Val-de-Marne dans la nuit du 30 décembre 2014 à l’âge de 94 ans. L’inhumation a eu lieu au cimetière d’Alfortville (Val-de-Marne) dans le caveau de famille le mardi 6 janvier. Un hommage lui a été rendu à l’amphithéâtre Émile Roux à Limeil-Brévannes le même jour.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153903, notice DEVRIENDT André [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy et Hugues Lenoir, version mise en ligne le 5 avril 2014, dernière modification le 16 juillet 2021.

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy et Hugues Lenoir

ŒUVRE : Le mouvement mutualiste (n° 22 de la série Volonté anarchiste) et nombreux articles dans le Compagnonnage, organe de l’Union compagnonnique des devoirs unis, sous le nom de Flamand la simplicité, de 1949 à 1962 ; dans le Monde libertaire, organe de la Fédération anarchiste, depuis 1957, sous le nom de Devriendt (sauf deux articles signés Ryan) ; dans la Rue, revue éditée par le groupe libertaire Louise Michel, à partir de 1971 ; dans le Bulletin des correcteurs, organe du syndicat des correcteurs, à partir de 1964 ; dans les Quarreaux, journal de l’Amicale des locataires du grand ensemble d’Alfortville en 1967 et 1968 ; dans Information et correspondance ouvrière, n° 106-107, paru sans signature ; dans Action, mensuel des Centres d’initiative communiste, n° 3, en collaboration avec A. Moine et J. Toublet. — Préface à Eugène Varlin, brochure de Maurice Dommanget, réédition, 4e trimestre 1975 ; dans Le Magazine Libertaire (Paris, 1984). Les articles d’André Devriendt dans Le Monde libertaire peuvent être consultés dans le site http://www.monde-libertaire.fr/les-auteurs-du-monde-libertaire/12753-andre-devriendt

SOURCES : Témoignage de l’intéressé. — Le Monde-Dimanche, 20 avril 1980. — R. Bianco, « Un siècle de presse… », op. cit. — Bulletin du CIRA, Marseille, n°26/27, 1986 (Témoignage d’A. Devriendt, novembre 1985). — Le Monde libertaire, n°1762, 22-28 janvier 2015.

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