Par Jean Maitron, notice complétée par Marianne Enckell
Né à Brest (Finistère) le 3 juin 1840, mort le 24 juin 1917 à La Chaux-de-Fonds (Suisse) ; menuisier puis bijoutier ; membre de la Commune ; membre de l’Internationale.
En 1867, Jean-Louis Pindy (parfois orthographié Pendy) fonda avec Constant Le Doré la section brestoise de l’Internationale. La même année, il partit pour Paris ; il continua à correspondre avec Le Doré en langage chiffré, ce qui fut évoqué au cours du troisième procès contre l’Internationale en 1870.
En septembre 1868, Pindy assista au 3e congrès de l’Internationale tenu à Bruxelles, et, l’année suivante, au 4e congrès tenu à Bâle où il représentait la Chambre syndicale des ouvriers menuisiers de Paris. Il fit partie de la commission chargée d’étudier la question des sociétés de résistance et en présenta le rapport. Il envisageait la constitution de fédérations de corps de métier, « chargées de réunir tous les renseignements intéressant leur industrie respective, de diriger les mesures à prendre en commun, de régulariser les grèves, et de travailler activement à leur réussite, en attendant que le salariat soit remplacé par la fédération des producteurs libres ».
Le 8 juillet 1870, dans le cadre du troisième procès dirigé contre l’AIT, Pindy fut condamné, pour avoir fait partie d’une société secrète, à un an de prison, 100 F d’amende — le cas échéant, à quatre mois de contrainte par corps — et un an de privation des droits civiques. Il sortit de prison le 4 septembre.
Avec le Comité central républicain des vingt arrondissements auquel il appartenait, il présenta, le 15 septembre, les mesures d’urgence que le gouvernement de la Défense nationale aurait dû se hâter « de transformer en décrets pour le salut de la patrie et de la République ». Ces mesures intéressaient la sécurité publique, les subsistances et les logements, la défense de Paris et des départements.
En cette même qualité, il fut un des signataires de l’Affiche rouge du 6 janvier 1871, proclamation au peuple de Paris pour dénoncer « la trahison » du gouvernement du 4 septembre et pour mettre en avant trois mots d’ordre : réquisition générale, rationnement gratuit, attaque en masse. Elle se terminait par ces mots : « Place au peuple ! Place à la Commune ! » Le 8 février, il fut au nombre des 43 socialistes révolutionnaires présentés aux élections par l’Internationale, la Chambre fédérale des sociétés ouvrières et la délégation des vingt arrondissements de Paris.
Il participait activement aux travaux du conseil fédéral de l’Internationale ; il fit partie de la commission de rédaction de la partie qui devait être réservée à l’AIT dans la Lutte à outrance ; mais ce journal disparut avant que cela ne se concrétise. Il fut également désigné pour faire partie de la commission chargée d’élaborer les nouveaux statuts du conseil fédéral.
Le 18 mars 1871, il fut de ceux qui occupèrent l’Hôtel de Ville. Élu le 26 mars membre de la Commune de Paris, il succéda à Assi comme gouverneur de l’Hôtel de Ville avec grade de colonel. Le 15 mai, il signa la déclaration de la minorité : « La Commune de Paris a abdiqué son pouvoir entre les mains d’une dictature à laquelle elle a donné le nom de Salut public. »
Quand la Commune fut sur le point de succomber, Pindy fit mettre le feu à l’Hôtel de Ville, puis se rendit à la mairie du XIe arr. où il passa la nuit du 25 mai. Il se rendit ensuite dans sa chambre, rue des Panoyaux, pour y cacher des documents. Il raconte qu’il fut sauvé par les deux nièces de la propriétaire qui lui coupèrent moustache et cheveux. Caché dix mois rue Saint-Maur, il fut dénoncé et dut fuir fin mars ou début avril 1872, pour gagner la Suisse. "Cette année-là n’a point entièrement été perdue pour lui. De menuisier il s’est fait bijoutier en faux et a déjà acquis assez d’habileté dans sa nouvelle profession" (Lefrançais). Dès son arrivée à Lausanne, il adhéra à la section internationale récemment réorganisée par les proscrits français. Une des deux nièces, Marie Bailly, enceinte, le rejoignit et accoucha le 25 juin 1872.
Par contumace, le 4e conseil de guerre condamna Pindy, le 9 janvier 1873, à la peine de mort.
À Lausanne, Pindy gagnait malaisément sa vie. Aussi James Guillaume lui proposa-t-il de s’établir au Locle et de travailler à la coopérative créée en 1869 à la suite d’une grève de graveurs et de guillocheurs. Pindy s’installa donc dans les Montagnes neuchâteloises. En raison du manque de travail, il devint gypsier et suivit un cours pour la formation des essayeurs d’or et d’argent. Le 30 mai 1876, il obtenait le brevet cantonal d’essayeur-juré. Il entra à la maison W. Brandt et y resta quarante ans.
Il milita au sein de la Fédération jurassienne et de l’Internationale anti-autoritaire. Il représenta plusieurs sections françaises au Congrès international de Saint-Imier de septembre 1872. En mai 1873, il devint secrétaire-correspondant du comité fédéral jurassien. Il participa aux congrès de l’Internationale anti-autoritaire de 1873 à 1877. Enfin, après avoir, le 18 mars 1877, participé à la manifestation commémorative qui se déroula, à Berne, derrière le drapeau rouge et causa un certain émoi, Pindy fonda avec Paul Brousse et François Dumartheray la Fédération française de l’AIT, dont L’Avant-Garde fut l’organe. Il en fut le secrétaire-correspondant pour l’extérieur et, en cette qualité, était le seul à communiquer avec les adhérents vivant en France. Il fut aussi délégué au congrès anarchiste de Londres en 1881 mais n’y participa pas.
Pindy eut trois filles et un fils, qui suivit un temps les idées de son père. Il collabora à la fondation de la Libre Pensée à la Chaux-de-Fonds, au Réveil anarchiste de Genève et à la Voix du Peuple de Lausanne. En 1914, il prit parti pour l’Union sacrée et se consacra aux œuvres de secours aux familles des mobilisés. Le 10 octobre 1916, il écrit à Jean Grave : "Pour moi, il n’y a aucun doute : il fallait prendre parti contre la menace d’envahissement de la domination allemande militarisée et conquérante sans vergogne. Peut-être mon passé m’incitait-il à avoir cette opinion, mais ce n’est pas le désir de venger notre défaite de 1870 qui me l’a seul inspirée : je me suis rendu compte du danger que courait l’humanité si l’hégémonie de l’Allemagne arrivait à s’imposer".
Sa veuve mourut en 1926.
En 1906, Lucien Descaves avait rencontré Pindy à La Chaux-de-Fonds : « Petit, râblé, vigoureux, soigneux de sa personne et narguant la vieillesse comme il avait nargué l’Empire, les dangers, l’adversité, la mort […]. On était toujours sûr de le trouver sur la brèche pour agir, sur la branche pour chanter. Il nasillait même un peu en chantant, comme un Breton qui aurait avalé son biniou. » (Philémon…, p. 282)
Par Jean Maitron, notice complétée par Marianne Enckell
SOURCES : Arch. Nat., BB 24/859 B, n° 3214. — Arch. Min. Guerre, 4e conseil. — État civil de Brest. — Arch. PPo. — IFHS (fonds Pindy). — Arch. d’État de Neuchâtel (lettres de Pindy à Guillaume). — Bibliothèque de La Chaux-de-Fonds (dix-sept lettres de Guillaume à Pindy, 1903-1916). — Eugène Tartaret, Commission ouvrière de 1867. 2e recueil des procès-verbaux des assemblées générales des délégués et des membres des bureaux électoraux, Paris, Imp. Lefebvre, 1869, 364 p. — M. Vuilleumier, « Les archives de J. Guillaume », Le Mouvement social n° 48, juillet-septembre 1964. — J. Guillaume, L’Internationale, t. II, p. 267 et passim. — La Première Internationale (J. Freymond), op. cit., — Les Séances officielles..., op. cit. — P.V. Commune, op. cit. — Ch. Thomann, Jean-Louis Pindy, La Chaux-de-Fonds, 1951. — Correspondance échangée entre Jean Maitron et Henri Bailly, fils de Jean-Louis Pindy. — L’Anarchisme dans les Montagnes, 1971 — Gustave Lefrançais, Arthur Arnould, Souvenirs de deux communards réfugiés à Genève, 1871-1873, Genève, Collège du Travail, 1987.