PLANCHE Fernand, Claude [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy

Né le 12 février 1900 à Saint-Rémy-sur-Durolle (Puy-de-Dôme), mort le 20 avril 1974 à Nouméa (Nouvelle-Calédonie) ; ouvrier polisseur ; militant et écrivain anarchiste.

Orphelin très tôt de père, puis de mère, Fernand Planche fut recueilli par ses grands-parents. Après avoir travaillé comme apprenti coupeur, il fut placé, à sa demande, par son grand-père comme apprenti polisseur au salaire de 5 francs par semaine, un travail particulièrement pénible consistant à polir des cristaux sur des meules installées sur la Durolle, petite rivière passant par Thiers. Après la mort de ses grands-parents, il quitta à l’âge de 19 ans l’Auvergne pour Paris, puis effectua son service militaire à Dijon puis en Allemagne occupée comme mécanicien dans l’aviation.

A son retour en région parisienne, il commença à travailler comme coutelier et se mit à fréquenter les milieux libertaires. Il assista au 3è congrès tenu par l’Union anarchiste (UA) à Levallois les 2-4 décembre 1922 et commença l’année suivante à collaborer à la série quotidienne du Libertaire. Lors des élections législatives du printemps 1924, il fut candidat abstentionniste sur la liste libertaire dans la 4e circonscription de Saint-Denis et Sceaux. Opposé à la ligne plate-formiste suivie par l’UA et partisan de la synthèse anarchiste, il participa ensuite à l’Association des Fédéralistes anarchistes (AFA) créée le 8 janvier 1928 et collabora à son organe La Voix Libertaire (Limoges, 1929-1939). Dans le numéro du 18 mars 1933, il plaida en faveur de « la maison anarchiste » qui devait être construite à Paris par l’intermédiaire d’une coopérative d’achat devant fournir l’argent nécessaire à l’acquisition du terrain et la construction de la maison. Il résidait à cette époque 42 rue de Meudon à Boulogne-Billancourt avec sa compagne Laure et vendait dans une sorte de bazar tous les instruments coupants et aussi les appareils les plus divers, étant aussi réparateur et rémouleur.

Les 20-21 mai 1934 il assista au congrès de l’Union anarchiste, dit congrès de l’unité, puis avec Bidault*, Thillon, P.V. Berthier*, Rhillon*, Louis Dorlet* et Nadaud* à celle de l’organe La Conquête du pain (Boulogne-Billancourt, 45 numéros du 13 octobre 1934 au 13 décembre 1935), ouvert à toutes les tendances de l’anarchisme, dont il fut l’administrateur et l’un des rédacteurs et dont Bidault était le gérant.

A son retour de Barcelone où il s’était rendu fin juillet 1936 et reprochant toujours à l’UA ses tendances au centralisme, il participa, avec entre autres Roger Lepoil*, Marius Ricros*, Laurent*, Voline*, Prudhommeaux* et Remy Dugne*, à la fondation de la Fédération anarchiste de langue française (FAF) lors d’un congrès tenu à Toulouse les 15-16 août 1936. Il devint le secrétaire de la Commission administrative de cette organisation et rédacteur de son organe Terre Libre (Paris-Nîmes, 1934-1939) dont il sera l’administrateur de mars à août 1937.

En 1939 il fut arrêté et inculpé de « complicité de désertion » pour avoir rédigé un mot de recommandation à un déserteur. Interné préventivement à la prison de la Santé, il écrivait régulièrement à P.V. Berthier qui raconta plus tard dans le journal Espoir : « dans mon courrier, presque chaque matin, je trouve la lettre qui vient de la rue de la Santé, à Paris. Les missives sont parfois assez moroses. L’hiver est venu : l’hiver 1939-1940 est un des plus féroces qu’on ait vu de mémoire d’homme ; ce n’est partout que neige et glace. Planche est dans une cellule non chauffée. En des lettres écrites d’une main que le froid a fait trembler, au point que j’ai peine à en déchiffrer certains passages, il me confie sa misère : "je suis obligé d’arpenter le local de long en large, et il n’est ni très long, ni très large, en me battant les flancs et en tapant la semelle pour me remuer le sang". Au début de sa détention il était à la 8e Division, cellule 34, et à la fin de celle-ci à la 3e Division, cellule 98. C’est de sa cellule qu’il écrivit au Ministre de la Justice pour réclamer l’inculpation du Préfet de police, arguant que sa lettre de recommandation n’avait été que d’un faible secours à X… pour déserter, alors que le passeport délivré par la Préfecture de police lui avait été d’une bien plus grande utilité. »

Libéré au bout de onze mois, Planche fut immédiatement « interné administratif » au camp de Maisons-Laffitte (Seine-et-Oise) où le gouvernement de Daladier faisait interner « les gens susceptibles de nuire à la Défense Nationale ». Après l’évacuation du camp le 10 mai 1940, vers le sud de la France, au moment de la débâcle, et profitant d’un bombardement lors du passage de la Loire à Meung, il parvint à s’échapper et, à l’aide d’une bicyclette volée, parcourut 120 km et gagna Issoudun où il se réfugia chez le compagnon P.V. Berthier*. Il y était arrivé le 18 juin « couvert de poussière et de poux ». Puis, après avoir obtenu de la Mairie une attestation spécifiant que les communications étaient coupées avec le sud, et toujours à bicyclette, il regagna Paris avant la fermeture de la ligne de démarcation et y retrouva sa compagne. Son dossier pour aide à désertion étant rouvert, pour échapper à une nouvelle incarcération, il souscrivit un engagement d’un an comme travailleur volontaire en Allemagne et partit pour Berlin. Pendant ce séjour il fut condamné par le tribunal correctionnel à 6 mois de prison (couverts par sa détention à la Santé) pour « provocation à l’insoumission ».

A son retour en France et suite à un bombardement où son domicile de Billancourt fut touché, il fut relogé dans le 3e arrondissement de Paris , 11 Cité Dupetit-Thouars où son logement allait bientôt servir de lieu de réunion et de planque pour de nombreux camarades : « Providence des militants d’extrême gauche, des clandestins et des illégaux, F. Planche vivait en étage dans un intérieur si sombre que les lampes devaient y brûler tout le jour… Comme il avait accoutumé à discuter fort avant dans la nuit avec les camarades qui défilaient à son domicile, lui et sa compagne se levaient à 11 heures… et se couchaient à l’heure où beaucoup se lèvent… A chaque repas, des pique-assiettes s’invitaient d’autorité » (cf. P.V. Berthier, Plume d’oie).

Après la guerre Planche travailla comme représentant en coutellerie et participa à la reconstruction de la Fédération anarchiste (FA). Il collabora au Libertaire, parfois sous la signature de Fernand Granier, à L’Unique (Orléans, 1945-1956) d’E. Armand* et à Pensée et Action (Bruxelles, 1945-1952) de Hem Day*. Puis il écrivit plusieurs ouvrages biographiques, fit rééditer L’unique et sa propriété de Stirner dont il écrivit l’avant-propos et aida le groupe les Amis de Voline à publier La Révolution inconnue. Il résidait toujours à cette époque dans son appartement du 3e arrondissement : « dans un troisième étage invraisemblablement bourré de livres dont certaines piles s’élevaient jusqu’au plafond, tandis que la Géographie universelle d’Elisée Reclus occupait avec ses vingt et quelques tomes tout le dessus du buffet de la salle à manger. Il était demeuré le même : la prison, la persécution, l’exil, l’avaient laissé tel. En revanche Laure avait moins bien supporté les rigueurs de la guerre » (P.V. Berthier).

En 1950, il partit avec sa compagne pour la Nouvelle Calédonie dans l’intention de monter une petite briqueterie qui se solda très vite par un échec, la nature du sable destiné à la fabrique des briques ne correspondant pas à la machine qu’il avait amenée avec lui. Sa compagne, Laure, très éprouvée par la guerre, ne tarda pas à être internée à l’hôpital psychiatrique de l’île Nou où elle décéda. Fernand Planche reprit alors son métier de rémouleur et horloger à Nouméa d’où il collabora au journal de Lecoin* et Louvet* Défense de l’Homme. Il publia également pendant trois ans un petit journal ronéoté, La Raison (Nouméa, 39 numéros de février 1954 à mars 1957) sous-titré « Organe de l’association des Libres penseurs de Nouvelle Calédonie et dépendances » et donna également à la radio plusieurs causeries sur Louise Michel*, la Commune et l’anarchisme.
Puis il tenta de pratiquer l’élevage au sud de l’île, mais, semble-t-il, suite à des démêlés avec les canaques de l’île Ouen, il dut revendre l’exploitation à perte. Il se livra alors à la pêche des coquillages qu’il vendait pour subsister puis trouva un emploi de veilleur de nuit. Jusqu’à son décès, il envoyait chaque année au compagnon hongrois François Szücs*, à Budapest, un sachet de coquillages, espérant qu’il pourrait en tirer quelques sous.

Fernand Planche est mort à Nouméa le 19 avril 1974.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153953, notice PLANCHE Fernand, Claude [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy, version mise en ligne le 3 avril 2014, dernière modification le 2 décembre 2018.

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy

ŒUVRE : Durolle, Ed. SLIM, 1948, 216 p. — La vie ardente et intrépide de Louise Michel, Ed. SLIM, 1946, 250 p. — Kropotkine, en collaboration avec Jean Delphy et bois gravé de J. Lebedeff, Ed. SLIM, 1948, 200 p.

SOURCES : Espoir, du 9 mars au 6 juillet 1975 (« Vie et portrait d’un anarchiste, F. Planche/ de P.V. Berthier). — Défense de l’homme, décembre 1960 & juillet-août 1974. — Le Monde Libertaire, juillet-août 1974. — Le Réfractaire, juillet-août 1974. — R. Bianco, « Un siècle de presse anarchiste… », op. cit. — Bulletin du CIRA, Marseille, n° 23/25, 1985. — Notes de P.V. Berthier, L. Dorlet, N. Faucier, R. Bianco, M. Enckell.

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