GEGOUT Ernest [Charles, Joseph, Ernest, dit] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Étienne Kagan, Jean Maitron, Guillaume Davranche, Rolf Dupuy

Né le 16 mars 1854 à Vézelise (Meurthe-et-Moselle), mort le 3 février 1936 ; guesdiste puis anarchiste, puis républicain.

Ernest Gegout (1872)
Ernest Gegout (1872)
DR

Fils de cultivateurs, Ernest Gegout était élève au lycée de Nancy lorsqu’il s’engagea, à 16 ans, dans les chasseurs d’Afrique pour la durée de la guerre franco-allemande. Le conflit terminé, il retourna à ses études avant de faire régulièrement son service militaire où il se révéla indiscipliné et rebelle. Élève officier à Saumur – ce qui lui valut le surnom de « cadet » dans sa famille –, il finit son temps dans des compagnies disciplinaires, en Algérie.
Ernest Gégout se maria à Paris (IIe arr.) le 31 juillet 1879 à Paris avec une importante sculptrice féministe et fouriériste : Marguerite Gagneur (dite Syamour) amie et modèle du peintre Alphonse Mucha, dont il divorça en mars 1887.
Nommé sous-préfet de Falaise (Calvados), il dut renoncer rapidement à sa fonction après avoir refusé de rendre visite à l’évêque et au député bonapartiste de l’arrondissement. Nommé inspecteur de l’Assistance publique par la suite, il démissionna peu après. Ernest Gegout devint alors socialiste guesdiste et collabora au Cri du Peuple fondé par Vallès en 1883.

Il devint ami de Charles Chincholle, qui au Figaro était spécialisé dans la couverture du mouvement ouvrier.

En juin 1888, Gegout fonda à Paris l’hebdomadaire L’Attaque, « organe socialiste révolutionnaire de la jeunesse » aux confins du blanquisme et du guesdisme puisqu’il accueillit la prose d’Édouard Vaillant, de Jules Guesde, de Gabriel Deville et d’Auguste Chirac. Cependant, dès le n°46 (25 juillet 1888), L’Attaque prenait comme sous-titre « organe hebdomadaire anarchiste » et publiait des articles de Sébastien Faure*, Lucien Weill* et Malato*. Selon Malato, Gegout, « caractère indépendant s’il en fut, lâcha les marxistes, dont le monotone sectarisme le faisait bâiller, comme il avait lâché sa bourgeoise famille et le sous-préfectorat de Falaise. Il arriva très rapidement à un anarchisme cramoisi mais plein de verve et agréablement rembourré de toutes sortes de belles choses, principalement d’amour libre. »

Les 1er et 8 septembre 1889, Gegout fut un des principaux orateurs du congrès anarchiste international tenu salle du Commerce à Paris. Dans la controverse sur le vol, qui fut au centre des débats, il se montra hostile à l’illégalisme si celui-ci était déconnecté de buts de propagande.

L’Attaque publia 66 numéros (le dernier fut celui du 26 avril 1890) et fut interrompue par des poursuites judiciaires à la veille du 1er mai. Le journak avait en effet publié un article de Malato dont la justice estimait qu’il incitait les manifestants du 1er mai au « meurtre et au pillage ». Le 28 avril 1890, Gegout fut condamné à quinze mois de prison et à 3 000 francs d’amende ainsi que Malato. Ils purgèrent leur peine à Sainte-Pélagie.

Gegout fut libéré avec Malato en juillet 1891. Dès octobre, il reprit la publication de L’Attaque, mais sans sous-titre se référant à l’anarchisme. Il fréquentait cependant toujours le mouvement puisque selon un rapport de police de 1892, lui-même, Jean Grave*, Malato et Émile Pouget* songeaient à centraliser des renseignements sur le mouvement anarchiste européen. Cependant, le bureau qu’ils devaient constituer à cet effet ne donna pas signe de vie (Arch. Nat. F7/12504).

C’est semble-t-il la période des attentats de 1892-1894 qui éloigna Gegout de l’anarchisme. « Je n’oserais jurer que les allures abruptes de certains compagnons n’aient pas un peu tourné ses ardeurs militantes en philosophie rabelaisienne, avança Malato en 1894. Il est artiste jusqu’au bout des ongles et Montmartrois fieffé ; cette double qualité explique son froid à l’égard de Ravachol*. »

L’Attaque continua sa publication jusqu’en 1934, avec des interruptions, et Gegout en fut le principal rédacteur. Sous-titrée « journal indépendant », elle n’avait plus rien d’anarchiste.
Ernest Gegout, qui refusa toujours de s’inscrire à un parti, collabora à la revue individualiste L’Idée libre d’André Lorulot* à partir d’août 1912. En 1913, il collabora au Populaire de l’Est, puis, à la fin de sa vie, au Réveil ouvrier, organe de l’Union des syndicats de Meurthe-et-Moselle (voir Eugène Jacquemin) auquel il donna surtout des articles locaux. À sa mort, ce journal lui consacra deux articles nécrologiques, saluant en lui le « dernier révolutionnaire romantique ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153979, notice GEGOUT Ernest [Charles, Joseph, Ernest, dit] [Dictionnaire des anarchistes] par Étienne Kagan, Jean Maitron, Guillaume Davranche, Rolf Dupuy, version mise en ligne le 7 avril 2014, dernière modification le 18 octobre 2022.

Par Étienne Kagan, Jean Maitron, Guillaume Davranche, Rolf Dupuy

Ernest Gegout (1872)
Ernest Gegout (1872)
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ŒUVRE : En collaboration avec Malato, Prison fin-de-siècle, souvenirs de Pélagie, Charpentier & Fasquelle, 1891 — Jésus, Stock, 1897 — Les parias : vie anecdotique des enfants abandonnés, placés sous la tutelle de l’Assistance publique, L’Attaque, 1898.

SOURCES : Arch PPo BA/30. — Gegout-Malato, Prison fin-de-siècle, Charpentier & Fasquelle, 1891. — Charles Malato, De la Commune à l’anarchie, Stock, 1894. — Jean Maitron, Histoire du Mouvement anarchiste..., op. cit. — Renseignements fournis à Jean Maitron par Alexandre Zévaès, janvier 1953. — Le Réveil ouvrier, 8 février et 7 mars 1936 — René Bianco, « Un siècle de presse… », op. cit. — correspondance avec la famille (2011) — Note Eric Coulaud — Archives de Paris. État civil.

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