GOLDSMITH Maria Isidorovna [dite Maria Korn ou Corn, Maria Isidine] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy

Née à Pinega (Arkhangelsk, Russie) en 1873, suicidée le 11 janvier 1933 ; docteur ès sciences ; anarchiste.

Vers 1916.

Née, semble-t-il, à Pinega (selon une lettre de Max Nettlau) où son père Isidor avait été déporté – sa mère était une disciple du populiste P. Lavrov et son père l’éditeur du journal positiviste Znanie à Saint Petersbourg — Maria Goldsmith vint avec sa mère à Paris où elle étudia les sciences, après la mort de son père.

Elle adhéra, en juin 1892, au groupe des Étudiants socialistes révolutionnaires internationalistes (ESRI), association fondée en décembre 1891. Sous le nom de Maria Corn et munie d’un mandat de la Bourse du travail d’Issy-les-Moulineaux, elle fut membre de la fraction antiparlementaire de la délégation française au congrès socialiste international tenu à Londres en 1896. Elle participa activement, à partir de 1898, à la rédaction des brochures publiées par les ESRI, dont, selon Nettlau, vraisemblablement Le Tolstoïsme et l’anarchisme ainsi qu’à la rédaction de l’Humanité nouvelle d’A. Hamon.

En dehors du groupe, M. Goldsmith fréquentait les milieux révolutionnaires russes. Elle participa en 1903 avec G. Goguelia et sa femme Lidia à la fondation de la revue Khleb i Volia publiée par le groupe anarchiste communiste russe de Genève. Elle allait y défendre une ligne anarcho-syndicaliste. En 1905 c’est dans son appartement que se réunissait le groupe anarchiste communiste russe de Paris qui comptait alors une cinquantaine de militants. En septembre 1905, elle participa à des discussions sur le syndicalisme avec Kropotkine dont elle allait traduire en français L’Éthique. Elle collaborait alors aux journaux anarchistes russes Burevestnik (Paris, 1906) et Golos Truda (New York, 1911). Elle poursuivait à cette époque des études de biologie et de psychologie à la Sorbonne. En octobre 1906, elle participa à Londres à une conférence des groupes anarchistes communistes russes où elle présenta un rapport sur l’organisation.

En 1914, elle fut l’une des oratrices avec Goguelia, Sébastien Faure et G. Yvetot à la commémoration du centenaire de Bakounine.

Nommée docteur ès sciences en 1915, mais non naturalisée, Maria Goldsmith fut de 1902 à 1919, secrétaire de l’Année biologique fondée par Yves Delage. Elle ne put finalement obtenir une situation stable après la disparition, en 1920, de son « patron » qu’elle avait beaucoup aidé dans ses travaux, surtout lorsqu’il fut frappé de cécité presque complète en 1904. Avec lui, elle publia Les Théories de l’évolution et La Parthénogénèse naturelle et expérimentale.

Marie Goldsmith, anarchiste kropotkinienne, collabora, sous les pseudonymes Maria Korn, Isidine, Corn, à la presse anarchiste dont La Libre Fédération (Lausanne, 1915-1919) publié par le docteur Jean Wintsch, les Temps Nouveaux (Paris, 1919-1921) édité par Marc Pierrot puis par Jacques Reclus et à la revue Plus Loin (Paris, 169 numéros du 15 mars 1925 à juillet 1939) du docteur Pierrot, un des signataires du « Manifeste des Seize » favorable à l’Union sacrée (28 février 1916). C’est dans cette revue que M. Goldsmith fit paraître en novembre 1928, sous le pseudonyme Isidine, un article qui, aux dires de Pierrot, « clôt définitivement le débat » (cf. Plus Loin, n° 95, mars 1933) opposant adversaires et partisans de l’union sacrée, en donnant finalement raison à ces derniers ainsi qu’en témoignent les extraits suivants : « Oui, il y a incontestablement une contradiction dans l’attitude des anarchistes qui, dans la Grande Guerre, se sont rangés du côté d’un des adversaires [...]. On ne peut nier que la participation à une guerre ne soit une violation des principes pacifistes et antimilitaristes, que le fait d’entrer dans une armée et de se soumettre à la discipline ne soit une importante concession. Mais ce manque de logique n’est-il pas inhérent à la vie elle-même ? [...] Si la participation à la guerre viole les principes pacifistes et antimilitaristes, la non-résistance aux armées d’invasion constitue une violation au moins aussi grande du principe primordial de la résistance à l’oppression, un abandon au moins aussi grand de l’esprit de révolte [...]. Des deux principes en conflit, quel est le plus général, le plus profond, le plus précieux : le principe pacifiste et antimilitariste ou le principe de la résistance à l’oppression ? Incontestablement ce dernier. L’antimilitarisme n’est qu’une forme particulière de l’opposition à l’État, comme la guerre n’est qu’une manifestation particulière de l’organisation capitaliste et hiérarchique de la société. Au contraire, l’idée de la résistance, de la lutte contre un pouvoir fort, de la défense des droits et des libertés de chaque groupement social, de la lutte contre la réaction sous toutes les formes, est l’idée fondamentale de l’anarchisme. » En dépit de ces affirmations, le débat n’était pas clos sur l’attitude des anarchistes en 1914 et le ralliement de certains d’entre eux à la défense de la France devait jouer un grand rôle dans l’histoire ultérieure du mouvement. « Chaque fois qu’on touche à ce point, écrivait M. Isidine dans le même numéro de Plus Loin, les colères reprennent avec une nouvelle force. »

Lors de l’insurrection de Kronstadt elle avait écrit : « …ce n’est nullement une contre-révolution, mais un changement qui permettra à la révolution russe d’aller de l’avant, vers une vraie égalité et une vraie administration du peuple par lui-même. Ils ont pris la défense des soviets… contre un gouvernement qui les a, de fait, supprimés en leur substituant une dictature de fonctionnaires » (Les Temps Nouveaux, n°22, avril-mai 1921, « La vérité sur Kronstadt »).

Elle collabora également au bulletin de la CGT-SR, La Voix du travail (Paris, 15 numéros d’août 1926 à octobre 1927) dont le rédacteur principal était Pierre Besnard et auquel collaboraient également d’autres militants russes dont N. Lazarevitch, N. Popov et A. Schapiro. Elle fit aussi partie avec P. Archinov, N. Makhno, Ida Mett, Maxime Ranko, Linsky, etc., de la rédaction de Dielo Trouda (Paris, 1925-1930), organe des groupes anarchistes russes et polonais de Paris.

En 1928, Maria Goldsmith servit de secrétaire au militant anarchiste ukrainien Nestor Makhno, réfugié en France. Toutefois, lors des débats à propos du projet de plate-forme organisationnelle des anarchistes russes (dite Plate-forme d’Archinov), elle se prononça contre ces nouvelles formes d’organisation dans un texte intitulé "Organisation et parti" paru Plus Loin (n°36, mars, et n°37, avril 1928) qui lui valut une réponse d’Archinov parue dans Dielo Trouda ("Eléments neufs et anciens dans l’anarchisme" ; n°30-31, novembre-décembre 1928).

Dans la nuit du 8 au 9 janvier 1933, sa mère de près de 80 ans, décédait d’une longue maladie de cœur. Maria Goldsmith s’empoisonna alors et mourut au matin du 11 janvier 1933 sans avoir repris connaissance.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article153994, notice GOLDSMITH Maria Isidorovna [dite Maria Korn ou Corn, Maria Isidine] [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy, version mise en ligne le 30 mars 2014, dernière modification le 26 juillet 2021.

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy

Marie Goldsmith (1905)
Marie Goldsmith (1905)
Vers 1916.

ŒUVRE : Traduction des Lettres historiques de P. Lavrov, Paris, 1903 — Борьба с капиталом и Властью. Наши спорные вопросы (La lutte contre le capital et le pouvoir. Nos questions controversées), Londres, 1912 — Réactions physiologiques et psychiques des poissons, Paris 1915 — Revoliutsionny sindikalizm i anarkhizm, Petersbourg-Moscou, 1920.

SOURCES : Jean Maitron, Le Mouvement anarchiste en France, op. cit. — Jean Maitron, « Le groupe des ESRI de Paris, 1892-1902 », Le Mouvement social, n° 46, janvier-mars 1964. — Plus Loin, n° 95, mars 1933 (article du Dr Pierrot) — René Bianco, « Un siècle de presse… », op. cit. — A. Skirda, Autonomie individuelle et force collective : les anarchistes et l’organisation de Proudhon à nos jours, Ed. de l’auteur, 1987 — Paul Avrich, The Russian anarchists…, op. cit. — Notes de Guillaume Davranche et de Marianne Enckell — Lettre de Max Nettlau à Federica Montseny, 16 janvier 1933, Amsterdam IISH.

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