Par Jean Maitron, notice revue par Rolf Dupuy et Françoise Fontanelli Morel
Né le 9 mars 1908 à Hanoï (Tonkin, Vietnam), mort le 25 juillet 2002 à Ollioules (Var) ; militant socialiste avant la Seconde Guerre mondiale, militant anarchiste depuis 1944 ; avocat ; franc-maçon.
Henri Jullien était le petit-fils de Paule Mink et le fils de Henri Jullien, secrétaire du groupe de Boulogne-sur-Seine du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR). Sa mère Héna Mink était, elle même, la filleule de Benoît Malon. Le 10 janvier 1896, ses parents s’épousèrent en union libre dans les locaux de La Revue Socialiste.
Il fit ses études primaires en Angleterre puis à Tours (Indre-et-Loire) ; il poursuivit sa scolarité dans le secondaire chez les Dominicains à Fribourg en Suisse puis quitta le collège en troisième et continua seul ses études à Mayence, en étant employé à la régie des chemins de fer des Territoires occupés. En 1924, âgé de seize ans, il passa le baccalauréat latin-grec et adhéra à la Jeune République de Marc Sangnier*. Il fut alors menacé d’expulsion de Rhénanie pour menées subversives et se rendit à Paris où il suivit son année de Philosophie (1924-1925) au lycée Condorcet, où il eut pour professeur Félicien Challaye avec lequel il resta ensuite en contact et avec qui il tint notamment une série de réunions publiques lors de l’affaire Sacco-Vanzetti. En 1927, il adhéra au Parti socialiste SFIO mais démissionna lorsque le Parti accepta de voter la loi Paul-Boncour sur l’organisation de la nation armée. Il s’affilia alors à la 14e section parisienne de l’Union socialiste-communiste où il retrouva Félicien Challaye, Paul Quilici, qui devint son beau-père en 1932, Paul Louis, Georges Pioch, etc. Au congrès de 1927 de l’USC, il fut élu membre de son Comité central.
En janvier 1928, grâce à l’amitié de Victor Méric, il entra dans la carrière journalistique. Tout en préparant sa licence de droit, il travailla au Soir. En 1930, il travailla à Marseille Matin puis devint rédacteur en chef de Marseille Soir, quotidien d’information.
En 1929, au congrès de Hambourg, il devint secrétaire général du Bureau international des Jeunesses socialistes révolutionnaires qui dépendaient elles-mêmes du Bureau international des Partis socialistes révolutionnaires. L’année suivante, le Soir ayant fait faillite, il vint à Marseille où il arriva le 1er mai. Il travailla à Marseille Matin puis devint rédacteur en chef de Marseille Soir, quotidien d’information.
Il fut aussi gérant, vers 1928 et jusqu’en 1931, du journal Morgen Stern, journal du groupe parisien de la Zukunft, organe de la Jeunesse du Bund, Parti socialiste des ouvriers juifs de Pologne dont le secrétaire était Wejsbrod. Il collabora aussi en 1936 à Nasz Przeglad (Notre Revue) qui paraissait à Varsovie en deux langues (hébreu et polonais).
En 1932, H. Jullien quitta l’USC devenu PUP (Parti d’unité prolétarienne) pour retourner à la SFIO et appartenir à la tendance Zyromski qu’il quitta bientôt pour rejoindre la tendance qu’il estimait libertaire, de Marceau Pivert. Il était alors adhérent de la IIe section de Marseille ainsi que du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA).
Syndiqué à la CGTU lorsqu’il était salarié, il avait fondé avec Quilici et quelques autres en 1935, après le congrès de réunification syndicale, le premier syndicat confédéré de journalistes qui dura jusqu’en 1940 et dont il fut le secrétaire adjoint. C’est alors que, pour ne pas avoir à s’incliner devant la censure de Vichy, il abandonna le journalisme et se fit inscrire au barreau.
Pendant les années 1940-1944, il participa à la Résistance et prit contact avec les anarchistes. En 1944, il fut réadmis à l’unanimité à la IIe section marseillaise du Parti socialiste malgré l’opposition de G. Defferre. Peu après, il en démissionna et il adhéra, l’année suivante, au groupe Marseille-Centre de la Fédération anarchiste.
Depuis 1949, H. Jullien fut président, au plan régional, de la SIA (Solidarité internationale antifasciste). Henri Jullien milita au groupe Marseille-centre de la FA, qui avait été reconstitué en 1962 et comptait neuf militants – dont René Bianco – et, en avril 1968. Il fut l’un des initiateurs à la franc-maçonnerie de R. Bianco.
En 1968 les groupes de la FA étaient au nombre de deux : Marseille Saint-Antoine et groupe FA3 (ce dernier réunissant les militants appartenant à l’ORA) ; ces groupes se réunissaient dans un local situé 75 rue de l’Olivier dans le 5° arrondissement et participèrent à l’organisation des campings internationaux des Jeunesses libertaires notamment à Istres, Eyguilles (Bouches-du-Rhône) et Anduze (Gard). Ils animèrent également un ciné-club. Henri Jullien fut avec René Bianco et Clotaire Henez, à l’origine de la fondation du dépôt annexe de Marseille du CIRA. Il collabora au bulletin intérieur de liaison des anarchistes de la région Provence-Côte d’Azur-Corse Echos Libertaires qui tirait à 600 exemplaires.
Vers la fin de sa vie, il s’installa avec sa femme à Olioulles (Var). Il y mourut le 22 juillet 2002. Il n’a pas eu d’enfant.
Militant coopérateur jusqu’en 1931, Henri Jullien demeura ensuite mutualiste et fit partie du conseil d’administration de l’« Union fait la Force », groupe anarchiste à l’origine mais devenu société mutualiste en 1927 afin d’être autorisé à exister et qui comptait en 1986 quelque 10 000 adhérents.
Le 21 juin 1929, Henri Jullien avait été reçu Compagnon et Maître à la Loge Esperanto, son parrain étant Charles Lussy. Reçu au 4e degré en 1933, il gravit ensuite tous les échelons pour être au 33e à partir de 1949. Il fut appelé à trois reprises : 1949, 1955 et 1956, à présider le Convent de la Grande Loge après avoir été Conseiller Fédéral (1950) et grand maître adjoint de la Grande Loge en 1951. En 1959, après le Convent qui décida de la rupture entre la Grande Loge et le Grand Orient, il publia une plaquette de 24 pages intitulée Pourquoi j’ai démissionné de la Grande Loge et adhéré au Grand Orient.
Voir aussi sa notice dans le Maitron général.
Par Jean Maitron, notice revue par Rolf Dupuy et Françoise Fontanelli Morel
SOURCES : Notes de René Bianco de Marseille. — La Revue Socialiste, janvier 1896, BNF Gallica. — Echos Libertaires, juin 1968. — Notes de Pierre Nourrissier et de D. Vidal.