LEMOINE Albert, Louis [Dictionnaire des anarchistes]

Par François Caron, René Bianco, Jean Maitron, Guillaume Davranche

Né le 26 août 1876 à Paris (XVIIe arr.), mort le 10 février 1927 à Paris (XIXe arr.) ; cheminot révoqué en 1910, puis métallurgiste ; syndicaliste et anarchiste.

Aîné d’une famille de cinq enfants, dont le père était homme d’équipe à la Compagnie des chemins de fer du Nord et la mère journalière, Albert Lemoine dut quitter l’école à l’âge de 11 ans afin d’aider, par son maigre salaire, à élever ses frères.

Il fit campagne au Tonkin du 15 décembre 1895 au 15 février 1899. Après son retour, il se maria le 22 juin 1901 à Paris 17e avec Joséphine Bernard.

En 1903, il entra à la Compagnie du Nord comme ajusteur-outilleur aux ateliers d’Amiens (Somme). Principal animateur du groupe de cheminots révolutionnaires de cette ville, opposé à l’orientation réformiste d’Eugène Guérard, il appartint bientôt au conseil syndical, puis au conseil d’administration du syndicat national des chemins de fer.

En 1909, il fut, avec Le Guennic, un des fondateurs du Comité de défense syndicaliste qui protesta contre l’exclusion d’Yves Bidamant. Le congrès de crise du Syndicat national des chemins de fer, tenu du 10 au 12 décembre 1909 à Paris, rétablit Bidamant dans ses droits et provoqua la démission de Guérard. Le congrès suivant, tenu du 13 au 16 avril 1910, vota le principe d’une grève générale des chemins de fer pour obtenir « la thune » (5 francs par jour). Le 17 juillet, un comité était désigné par le conseil d’administration du Syndicat national, pour décréter la grève au moment jugé opportun. Lemoine et Bidamant en firent partie.

La grève fut enfin lancée en octobre 1910. Le 13octobre, Albert Lemoine fut arrêté par la police, avec la plupart des membres du comité de grève, dans les locaux de L’Humanité.

Emprisonné puis révoqué, Albert Lemoine adhéra au syndicat des métaux de la Seine. Quelques mois plus tard, il adhérait à la Fédération révolutionnaire communiste (FRC) et se voyait inscrit au carnet B en novembre 1911.

En 1914, Albert Lemoine fut mobilisé au 33e régiment d’infanterie territoriale puis affecté, en avril 1916, au Havre, dans une fabrique de matériel de guerre. Courant 1916, il soutenait financièrement l’action de Ce qu’il faut dire, le journal pacifiste libertaire animé par Sébastien Faure. Il participa ensuite à La Plèbe, en 1918. Fut-il membre du Parti communiste de Péricat ? Un rapport de police le donne pour secrétaire du « soviet » de Paris 19e, où il demeurait.

Le 13 octobre 1919, il divorça de sa femme Joséphine. Quelques mois plus tard, il se remaria à Paris 20e avec Claudine Goron, une militante syndicaliste de l’Habillement.

En 1920, il militait au sein des comités syndicalistes révolutionnaires. Du 3 au 19 juillet 1921, il fit partie de la délégation syndicale française au premier congrès de l’Internationale syndicale rouge (voir Henri Sirolle) avec sa femme Claudine Lemoine*. Il proposa un texte régissant les futures relations entre l’Internationale communiste et l’ISR, qui ne fut pas adopté. Le 13 juillet, il écrivit à Monatte une lettre où il exprimait son malaise : « J’aime la Révolution russe, le prolétariat russe, particulièrement les ouvriers révolutionnaires, même quand ils sont communistes, ceux-là aussi, tout au moins ceux de l’opposition cachée, car ceux-là aussi souffrent terriblement de la dictature non de la classe ouvrière, même pas de leur parti en son entier, mais d’un comité central ayant tout l’appareil de l’État en mains. » Il y critiquait la répression contre les grèves de mars, contre Cronstadt, et la purge qui s’annonçait contre l’Opposition ouvrière au sein du Parti.

Après la scission confédérale, en décembre 1921, Albert Lemoine participa à la mise en place de la Fédération unitaire des métaux, dont le bureau fédéral fut assumé par Lucien Chevalier*, Célestin Ferré* et Théo Argence*. Lemoine fut pour sa part élu à sa commission exécutive, où les syndicalistes pro-Moscou étaient majoritaires.

Après que les « syndicalistes purs » aient été battus au congrès CGTU de Saint-Étienne, la minorité constitua, à la mi-juillet 1922, un Comité de défense syndicaliste (voir Pierre Besnard), dont Albert Lemoine fut secrétaire adjoint.

Du 25 décembre 1922 au 2 janvier 1923, il fut délégué du CDS, avec Pierre Besnard, au congrès syndicaliste révolutionnaire de Berlin, qui fonda l’Association internationale des travailleurs.

Après que Ferré, Chevalier et Argence aient été poussés à démissionner du bureau fédéral des métaux, le 15 janvier 1923, Lemoine et ses amis furent pleinement rejetés dans la minorité. Lemoine se montra rapidement partisan de l’autonomie.

L’assassinat des ouvriers libertaires Clos et Poncet par des communistes, le 11 janvier 1924, poussa de nombreux syndicats à rompre avec la CGTU. Une réunion de la minorité des métaux vota, dès janvier, la rupture, par 48 voix contre 40 et 10 abstentions. Un syndicat autonome des métallurgistes de la Seine se constitua en février 1924, et Lemoine fut membre de sa commission exécutive. Il collaborait, à l’époque, au Libertaire quotidien. Deux ans plus tard, il prit part à la fondation de la CGT-SR.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154028, notice LEMOINE Albert, Louis [Dictionnaire des anarchistes] par François Caron, René Bianco, Jean Maitron, Guillaume Davranche, version mise en ligne le 12 mars 2014, dernière modification le 29 octobre 2022.

Par François Caron, René Bianco, Jean Maitron, Guillaume Davranche

SOURCES : Arch. Nat. F7/13053, 13923, 13741 (rapport du 23 novembre 1921), 13778 (rapports du 27 janvier et 3 février 1924) — Dossier sur la grève des cheminots dans La Vie ouvrière du 5 novembre 1910 ― Léon Jouhaux, « Notre réponse aux élucubrations de M. Tardieu », La Voix du peuple du 13 juillet 1913 — La Voix du travail n° 8, mars 1927 (nécrologie d’Albert Lemoine) — Robert Brécy, Le mouvement syndical en France 1871-1921, Mouton & co, 1963 — Colette Chambelland, « Autour du 1er congrès de l’ISR », Le Mouvement social n° 47, 1964 — Syndicalisme révolutionnaire et communisme. Les archives de Pierre Monatte, Maspéro, 1968 — René Bianco, « Un siècle de presse anarchiste », op. cit. — État civil.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable