ROMANS-VILLE André, Auguste [Dictionnaire des anarchistes]

Par Roger Pierre, notice complétée par Marianne Enckell

Né le 29 mai ou le 30 juillet 1849 à Romans (Drôme) ; cordonnier ; anarchiste.

Ce nom de Romans-Ville fut donné à un enfant trouvé, de père et de mère inconnus, qui reçut pourtant une bonne instruction primaire : des lettres, un cahier de notes, des vers en hommage à Vaillant*, annexés à ses dossiers, sont de belle écriture, de style correct, et dénotent une forte personnalité.

Soldat au 78e régiment de ligne en Algérie, Romans-Ville fut condamné, le 6 septembre 1872, par le conseil de guerre de Constantine, à un an de prison pour outrages envers un supérieur. De retour à Romans, où il exerçait le métier de cordonnier à domicile, il s’y maria, fut trompé, puis abandonné par sa femme, en 1881.

Ainsi malmené par la vie, lisant, copiant et écrivant beaucoup, Romans-Ville devint vers 1890 le « dirigeant » du groupe anarchiste Terre et Liberté qui s’organisa à Romans, réunissant tous les samedis soir « les compagnons et compagnes » de la ville et de Bourg-de-Péage, cordonniers, cloueurs et galochers. En correspondance avec Jean Grave*, Delalé*, Sébastien Faure*, Pierre Martin*, Tennevin*, etc. Romans-Ville recevait brochures, ouvrages et journaux anarchistes. Il fut inculpé en 1892 à la suite d’une perquisition et d’une enquête, bénéficia d’un non-lieu, mais fut désormais considéré comme « le principal agitateur » de Romans ; son courrier fut surveillé, plusieurs lettres saisies. Il continua pourtant à recevoir directement de Paris, chaque semaine, 80 à 100 exemplaires de La Révolte et du Père Peinard, dont son compatriote le cordonnier romanais Delalé était devenu gérant en 1893 ; les réunions de Terre et liberté devinrent clandestines.

En 1894, "Romanvil" (selon un rapport de la Préfecture du Doubs) était aussi en correspondance avec Albert Nicolet* de La Chaux-de-Fonds ; il habitait cours Victor-Hugo à Romans.

Le 10 février 1894, Romans-Ville fut arrêté et emprisonné à Valence avec Pierre Martin et vingt autres Romanais et Valentinois inculpés de « participation à association de malfaiteurs ». Libéré quelques semaines plus tard, il chercha à échapper à la surveillance de la police, et s’établit à quelques kilomètres de Romans, dans la ferme isolée d’un cultivateur de Génissieux ; il y reçut tous les dimanches quelques compagnons romanais auxquels se joignirent trois ou quatre paysans. Une nouvelle perquisition, des arrestations, l’émoi provoqué dans la région par un crime de droit commun commis par Beaudier, le cultivateur qui l’hébergeait, l’incitèrent à disparaître ; la police retrouva sa trace à Saint-Agnan-en-Vercors où il exerçait encore son métier en 1901, puis à Saint-Jean-en-Royans (Drôme) en 1902.

Si le nom n’était aussi caractéristique, on hésiterait à reconnaître ce personnage assez curieux dans le Romans-Ville qui participa, en 1905, au Congrès d’unité de Saillans où fut créée la fédération socialiste SFIO Drôme-Ardèche.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154061, notice ROMANS-VILLE André, Auguste [Dictionnaire des anarchistes] par Roger Pierre, notice complétée par Marianne Enckell, version mise en ligne le 19 avril 2014, dernière modification le 5 avril 2020.

Par Roger Pierre, notice complétée par Marianne Enckell

SOURCES : Arch. Dép. Drôme, 21 U 159, 206, 208, 224, M 15602, Z 5869-5946. — CAC Fontainebleau — Le Culu de Jacquemart, hebdomadaire, Romans, 1891. Etat civil.

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