SANLAVILLE Philippe [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy et Laurent Gallet

Né le 14 décembre 1851 à Beaujeu (Rhône) ; ouvrier cordonnier puis concierge et marchand des quatre saisons. Inculpé dans le procès des 66.

Philippe Sanlaville qui résidait à Lyon, 61 rue du Noir, fut délégué au Ier congrès ouvrier à Paris en octobre 1876, puis au IIe congrès ouvrier à Lyon en février 1878. Entre temps, le 5 novembre 1876, au cours d’une réunion autorisée des cordonniers, il avait été nommé membre d’une commission chargée de rédiger les statuts de la chambre syndicale de sa profession.

Le IIIe congrès ouvrier, tenu à Marseille en octobre 1879, vota la création du Parti ouvrier, qui devait grouper, pour une brève périodes, toutes les écoles socialistes. C’est sous la présidence de Sanlaville que se déroula, le 29 février 1880, au théâtre des Variétés, la réunion fondatrice de sa section lyonnaise. Enfin, lors d’un congrès tenu à la Croix-Rousse du 10 au 13 juillet 1880, fut fondée la fédération de l’Est du parti. Sanlaville y représenta la Société coopérative horlogère de Besançon et présida la première séance, après avoir joué un rôle important dans la commission de propagande. Cette fédération de l’Est fut, au départ, dominée par les anarchistes. Sanlaville siégea à son comité au titre de la chambre syndicale des cordonniers.

Avec Toussaint Bordat, Sanlaville fut délégué de Lyon au congrès ouvrier du Havre en novembre 1880. Quelques mois plus tard, quand la fédération de l’Est se scinda entre suffragistes et abstentionnistes (voir Joseph Bernard), Sanlaville fut de ceux qui fondèrent Fédération socialiste révolutionnaire.

En 1882, Sanlaville résidait à Villefranche-sur-Saône (Rhône) et appartenait au groupe anarchiste Le Glaive. Inculpé dans le procès des 66 en janvier 1883, il fit partie de la 1re catégorie de prévenus (voir Toussaint Bordat). A l’audience du 12 janvier, Tressaud* lut une déclaration collective que Sanlaville avait cosigné. Le 19 janvier, il fut condamné à quinze mois de prison, 200 francs d’amende et cinq ans de privation des droits civils. En appel, le 13 mars, cette peine fut réduite à huit mois de prison, 50 francs d’amende et cinq ans de privation des droits civils.

Après sa libération, le 19 septembre 1883, il s’installa au 1, rue Saint-Jean, et fonda, avec d’autres libérés, le groupe Les Justiciers lyonnais, qui n’eut qu’une existence éphémère. Après cet échec, il se fit discret pendant plusieurs années, n’apparaissant plus guère que lors des soirées d’anniversaire de la Commune. Il prit notamment la présidence du banquet anniversaire le 18 mars 1884.

Il reprit du service pour le 1er mai 1893. Et pour un discours dans un meeting à Lyon, il fut l’objet de poursuites judiciaires.

Il se donna ensuite sans compter pour fonder un nouveau journal anarchiste à Lyon : L’Insurgé, « organe communiste-anarchiste de la région du Sud-Est ». D’abord trésorier de la commission exécutive pour la formation du journal, il s’occupa ensuite de la commission de contrôle de la rédaction, domiciliée au 13, rue Bouteille. Puis, à compter du n°4 (2 septembre 1893), il remplaça L. J. Jacome* comme gérant. À la date du 30 août, il prit même la sous-location de l’imprimerie qui confectionnait le journal. À l’occasion de la sortie de L’Insurgé n°15 (18 novembre 1893), l’imprimerie exigea que les articles relatifs à l’attentat de Barcelone soient supprimés. Le numéro sortit sans les articles litigieux, mais ce fut le dernier.

Le 20 novembre 1893, la police perquisitionna et saisit 130 kilos d’exemplaires du journal.

Début 1894, Philippe Sanlaville appartint au Cercle d’études sociales des indépendants de l’Idée nouvelle, groupe révolutionnaire œcuménique fondée l’année précédente. Il fut de nouveau perquisitionné, puis arrêté, le 1er janvier 1894. Libéré le 22, sa correspondance et de nombreux journaux furent saisis.

Le 6 janvier, le local de L’Insurgé, où les compagnons se réunissaient encore occasionnellement, fut perquistionné. Cette pièce, louée par Sanlaville, fut abandonnée après l’attentat d’Auguste Vaillant. Prudents, les anarchistes avaient déménagé le plus gros du matériel et fait brûler la correspondance du journal. Les agents ne trouvèrent que quelques papiers qui n’avaient pas été entièrement consumés.

Sanlaville fut encore perquisitionné et arrêté le 19 février 1894. Dans L’Écho du Rhône du lendemain, sa femme déclara : « Mon mari a été arrêté le 1er janvier dernier et est resté en prison jusqu’au 22 du même mois, pendant lequel on ne fit pas moins de trois perquisitions dans notre logement. On avait saisi divers journaux qui étaient resté au parquet. Samedi dernier, je recevais de M. Desmard, commissaire de police aux délégations judiciaires, une lettre me priant de me présenter à son bureau pour retirer des journaux qui m’appartenaient. Je m’y rendais à 7 heures du soir et en prenant possession de mes journaux, j’ai signé un récépissé. J’ai apporté le paquet chez moi, l’ai placé sur la commode et je ne l’avais pas ouvert, lorsque M. Casanova est venu de nouveau le saisir ce matin. Vous voyez donc, nous dit-elle, que si on ne m’avait pas rendu mes journaux, on n’aurait pu saisir quoi que ce soit et on n’aurait peut-être pas arrêté mon mari » 

Perquisitionné et arrêté le 6 juillet 1894 au cours de l’enquête sur l’assassinat du président Sadi Carnot, Sanlaville fut libéré à la fin du mois. À l’occasion du procès Caserio*, Sanlaville fut inscrit sur une liste d’anarchistes à surveiller tout particulièrement.

Philippe Sanlaville quitta Lyon le 14 octobre 1894 pour La Tour-du-Pin (Isère). En 1897, Il fut signalé résidant à Bourgoin (Isère).

En 1902, il fut l’un des rédacteurs de L’Action révolutionnaire, qui parut de mars à mai.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154069, notice SANLAVILLE Philippe [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy et Laurent Gallet, version mise en ligne le 18 mars 2014, dernière modification le 11 août 2020.

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy et Laurent Gallet

SOURCES : Arch. Nat. F7/ 12 488 et F7/ 12 489. — Arch. Dép. Rhône, 4M246, 4M307, 4M308, 4M311, 4M312, 4M315, 4M318, 4M453, 10M353, 10M372, 2U433 — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes, op. cit. — Jean Maitron, Histoire du Mouvement anarchiste en France, Gallimard, 1975 — René Bianco « Un siècle de presse anarchiste... », op. cit.

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