SOULLIER Eugène [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Lorcin, notice complétée par Rolf Dupuy et Jean-Michel Steiner

Né le 11 octobre 1878 à Lyas (Ardèche), mort le 3 décembre 1949 à Saint-Étienne (Loire) ; typographe ; anarcho-syndicaliste, secrétaire de la Bourse du Travail de Saint-Étienne, secrétaire du syndicat des typographe de Saint-Étienne.

Fils d’Eugène, cultivateur âgé de 27 ans et de Julie Vernet, ménagère âgée de 24 ans. Ouvrier imprimeur, Eugène Soullier travaillait en 1901 à Genève (Suisse). En 1902 il s’installa dans le quartier Saint Jacques à Saint-Étienne. Il se maria dans cette ville le 13 août 1904 avec Marie Jocelyne Tardiou, fille d’un mineur devenu employé de l’octroi et d’une tailleuse. Son épouse mourut le 6 novembre 1909. Il se remaria le 12 juillet 1929 avec Claudine Jacquet, passementière âgée de 28 ans.

Typographe à l’imprimerie du Mémorial de la Loire à Saint-Étienne, tenu pour « individualiste » par la police, Eugène Soullier appartenait, en 1911, à la minorité révolutionnaire de la fédération du Livre et écrivait dans son organe Le Réveil typographique (voir Victor Godonèche).

En 1911, il fut un des fondateurs de l’union départementale CGT de la Loire, et représenta longtemps son syndicat au conseil d’administration de la Bourse du Travail de Saint-Étienne. Chaque semaine, il assistait également aux réunions des Jeunesses syndicalistes de Saint-Étienne, fortement influencées par les libertaires Nicolas Berthet et Benoît Liothier.

En 1912, alors qu’il était secrétaire adjoint de la Bourse du Travail, il fonda la Ruche syndicale, qui organisait des séances théâtrales et se proposait de relever le niveau de culture du peuple, de faire « une génération consciente et forte ». Ce groupe dont étaient membres une quinzaine de jeunes gens, était aussi appelé Groupe anarchiste d’éducation physique et morale de la jeunesse stéphanoise.

En 1915, versé au service auxiliaire, Soullier fut mobilisé comme typographe à la Manufacture nationale d’armes de Saint-Étienne. Il se remit en rapports avec les militants anarchistes et devint correspondant et dépositaire de Par-delà la Mêlée, journal d’E. Armand et Pierre Chardon. À E. Armand, il écrivit, en décembre 1916, qu’il avait ouvert « un lieu de plaisance et qu’il en ouvrira d’autres ». Il s’agissait d’un petit groupe d’opposants à la guerre qui se réunissait régulièrement dans un café, le jeudi, rue du Grand-Moulin, pour y lire et commenter des brochures.

Sur son initiative, son syndicat se prononça contre la guerre et l’union sacrée. En 1917, Soullier était de nouveau secrétaire adjoint de la Bourse du Travail de Saint-Étienne. Après la grève qui secoua la Loire en mai 1918, il fut poursuivi dans le cadre de l’information ouverte pour « abandon de poste, désertion et provocation de militaires à la désertion ». Arrêté comme un des principaux meneurs du mouvement, il fut traduit devant le conseil de guerre de la 13è Région militaire à Clermont Ferrand et relaxé 6 mois après par suite d’un non lieu collectif.

En juin 1919, il créa un groupe artistique, Le Nid rouge, qui fit des tournées éducatives dans les campagnes et il réorganisa le groupe anarchiste. Son activité se concentra sur les Jeunesses syndicalistes qui disposaient d’une salle à la bourse du travail où l’on organisait des causeries.

En octobre 1920, Eugène Soullier fit partie du bureau du Comité syndicaliste révolutionnaire (CSR) de Saint-Étienne, qui venait de se créer. Après la scission confédérale, il opta pour la CGTU. Le 9 février 1922, sa candidature au poste de secrétaire adjoint du comité d’action dirigé par Henri Lorduron fut envisagée par le groupe anarchiste de Saint-Étienne. Le 10 janvier 1924, il fit partie du petit groupe qui, à l’issue d’un meeting pour Mateu et Nicolau (voir Lecoin, alla manifester, « malgré les conseils des organisateurs », devant le consulat espagnol en chantant Révolution et aux cris d’« assassins ».

Lorsque, en décembre 1926, fut fondé le groupe anarchiste-communiste de Saint-Étienne, adhérent à l’Union anarchiste, Eugène Soullier en fut le trésorier (voir Francis Poinard). Il en fit la déclaration à la Préfecture de la Loire le 16 février 1927 sous le numéro 1 302. Lors des élections législatives de 1928, Soullier se porta candidat abstentionniste dans la 1re circonscription de Saint-Étienne, mais sa candidature ne semble pas avoir été retenue.

De janvier à août 1929, Eugène Soullier, qui résidait 3 rue Georges-Dupré, fut le gérant du bimensuel anarchiste communiste Le Silence du peuple, qui dans son premier numéro se présentait ainsi : « Nous ne sommes que d’humbles travailleurs, dont les capacités intellectuelles sont primaires... Ce journal n’aura pas d’autre but que celui de défendre les parias du travail... Le Silence du peuple, organe dirigé exclusivement par des travailleurs libertaires, n’a d’autres ressources que celles que ces camarades arrivent à extraire de leur modeste salaire »

En mars 1930, Eugène Soulier était l’un des responsables du syndicat confédéré [CGT] des ouvriers typographes de Saint-Étienne. Après la réunification syndicale, il fut membre du bureau puis, en 1938, secrétaire du syndicat des typographes de Saint-Étienne. Contre la majorité de l’UD-CGT de la Loire, il défendit la thèse de la fédération du Livre, celle de « l’indépendance syndicale absolue » telle que l’avait définie la Charte d’Amiens. À l’époque, il militait au Centre syndical d’action contre la guerre (CSACG) et dénonçait, au moment de Munich, « l’esprit pro-guerrier » du PCF. Les communistes ne cachaient pas, selon Soullier, l’espoir de « voir, à la suite du déclenchement d’une conflagration... la révolution éclater en Allemagne et en Italie ».

C’est sans doute cette attitude qui lui valut, quelques mois après, d’être radié de l’Amicale laïque de la Chaléassière où il donnait des cours de mandoline. Après le Pacte germano-soviétique, il fit partie des cégétistes qui signèrent le communiqué « La trahison russe et le mouvement syndical dans la Loire » paru dans La Tribune républicaine du 18 septembre 1939. Il fréquentait toujours le Cercle d’entr’aide libertaire de la rue Pointe Cadet lorsque celui-ci fut fermé à la fin de l’année 1939.

Toujours surveillé par la police, il accepta de signer le 13 septembre 1940 une déclaration de loyalisme à l’État Français. Pour cette raison, l’inspecteur Bouscatel proposa de rayer son nom du carnet B, décision que refusa de prendre le commissaire central. Le 29 octobre, Eugène Soullier sollicita l’intervention de l’Inspecteur départemental du Travail auprès du Préfet afin que cesse cette surveillance toujours maintenue.

Le 6 décembre 1949 deux quotidiens stéphanois, La Dépêche Démocratique (proche du MRP) et L’Espoir (fondé par Jean Nocher) publièrent un nécrologie rendant hommage à Eugène Soullier : « ouvrier d’élite, ayant l’amour de son métier, il fut lauréat de plusieurs concours professionnels. Mais c’était surtout un militant syndicaliste convaincu, qui anima de toute sa foi les luttes douloureuses que nos organisations eurent à soutenir pour la défense des libertés syndicales et du droit à la vie des travailleurs ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154077, notice SOULLIER Eugène [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Lorcin, notice complétée par Rolf Dupuy et Jean-Michel Steiner, version mise en ligne le 18 mars 2014, dernière modification le 7 juillet 2022.

Par Jean Lorcin, notice complétée par Rolf Dupuy et Jean-Michel Steiner

SOURCES : État civil de Lyas. — Arch. Nat. F7/12994 et 14607 — Arch. Dép. Loire, 3 M 70, M 539 — Rapports de police du 31 janvier et 9 février 1917 (Dossier E. Armand) — Arch Dép. Ardèche, 1R120-1 table classe 1898, matricule n°1281 — Arch Mun Saint-Étienne, 3E117, mariages 1904, 4E110, décès 1903. — Le Syndicaliste, 5 mars 1918 — Le Libertaire du 25 mars 1927 — La Tribune républicaine, 9 septembre 1938, 15 avril 1939, 18 septembre 1939 — La Dépêche Démocratique, 6 septembre 1949 — L’Espoir, 6 septembre 1949 — Henry Destour, « Les syndicalistes révolutionnaires et le mouvement syndical dans le département de la Loire entre les deux guerres », mémoire de maîtrise, université de Saint-Étienne, 1971 — René Bianco, « Cent dans de presse... », op. cit.

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