JAHANE Léon, Jean, Marie [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, Claude Pennetier, Guillaume Davranche, Anthony Lorry

Né le 21 janvier 1887 à Mouzeil (Loire-Inférieure), mort le 26 juin 1934 à Cannes (Alpes-Maritimes) ; ouvrier carrier, puis cimentier, puis chauffeur ; anarchiste et syndicaliste.

Fils d’un charron, Léon Jahane était un jeune ouvrier carrier lorsqu’il fut condamné à six jours de prison, le 3 décembre 1904, par le tribunal d’Angers, pour menace à agent.

Incorporé le 8 octobre 1908 pour le service militaire, il fut versé dans le service auxiliaire (9e section d’infirmiers à Châteauroux) en raison d’une « luxation ancienne de l’articulation sterno-claviculaire droite ». Il fut libéré le 25 septembre 1910.

Il s’installa ensuite à Paris, où en 1912 il était membre du groupe des Originaires de l’Anjou de la Fédération communiste anarchiste (FCA), il était un ami intime de Jules Lepetit.

En 1912, il devint membre du conseil syndical du Syndicat général du Bâtiment de la Seine, fruit de la fusion de plusieurs syndicats de métiers du bâtiment après la grande grève de 1911.

Le 18 décembre 1912, il remplaça Henry Combes, en fuite, au secrétariat de la FCA.

Le 1er février 1913 il fut arrêté au volant d’une voiture tandis qu’il sillonnait Paris avec un autre militant de la FCA. La voiture était couverte de grandes affiches appelant au meeting de la FCA en faveur du droit d’asile dans l’affaire Bonnot. Les autres militants de la FCA arrêtés à cette occasion (une autre voiture sillonnait Paris dans les mêmes conditions) étaient Albert Dureau, Jules Barday et Lucien Belin.

Le 12 avril 1913, à l’issue de la réunion plénière de la FCA, il fut nommé secrétaire de la commission d’organisation du congrès national anarchiste prévu pour le mois d’août, mais dès le lendemain fut remplacé à ce poste par Albert Goldschild.

En effet le 13 avril, lors d’une réunion en petit comité au bar Chatel, boulevard Magenta, Jahane et Belin, respectivement secrétaire et trésorier de la FCA, refusèrent d’endosser la responsabilité de l’édition de la brochure de la FCA contre la loi des trois ans. Charles Gandrey accepta d’assurer nominalement la responsabilité, mais Jahane et Belin conservèrent la maîtrise réelle du secrétariat. Les poursuites furent effectivement engagées contre la brochure une semaine plus tard. Jahane fut également remplacé par Albert Goldschild au secrétariat de la commission d’organisation du congrès anarchiste.

Le 19 décembre 1913, avec un certain Henry, il fut élu secrétaire par intérim de l’union régionale parisienne de la Fédération communiste anarchiste révolutionnaire (FCAR). Il devait y être remplacé au bout de quelque temps par Victor Delagarde.

En janvier 1914 il fonda avec plusieurs amis une coopérative de bâtiment, L’Avenir de la construction, et la police le tenait pour un des membres les plus influents de la FCAR. Il habitait alors 172, bd de la Liberté, aux Lilas.

Lors des élections législatives du printemps 1914, il fut secrétaire du Comité pour la défense de la liberté d’opinion, qui coordonna des candidatures antiparlementaires de détenus politiques. Il habitait alors 170, boulevard de la Liberté, aux Lilas.

Le 6 août 1914 il fut noté insoumis, puis se présenta au recrutement à Angers le 13 août, et fut le jour même réformé n°2 pour « ulcères étendus de la jambe gauche ». On le soupçonna d’avoir, pour être exempté, rouvert une vieille blessure, mais il bénéficia d’une ordonnance de non-lieu le 12 octobre 1914, par le général gouverneur de Paris.
Il fut maintenu dans cette position par la commission de révision en juin 1915.

Durant la guerre, il fut, avec d’autres anarchistes, affecté aux travaux du camp retranché de Paris. Selon un rapport de police du 6 mars 1915, lui et ses camarades y maintinrent une activité révolutionnaire clandestine dans le cadre des Amis du Libertaire, dont Jahane était le trésorier, collectant de l’argent en vue d’une reparution de l’hebdomadaire. Ils gardaient alors un contact étroit d’une part avec le groupe animé à Paris par Pierre Martin, et d’autre part avec Louis Lecoin et Pierre Ruff, incarcérés à Caen.

En décembre 1915, la police signalait que Jahane s’efforçait de faire affecter aux usines de guerre ses amis mobilisés, comme Eugène Jacquemin.

Après que, le 21 novembre 1915, ait été constitué le Comité d’action internationale (CAI, voir Paul Veber), Léon Jahane sollicita 100 francs du Syndicat général du bâtiment de la Seine pour soutenir le CAI mais, lors de la réunion du conseil syndical du 27 décembre 1915, une petite majorité s’y opposa, estimant que le CAI était un organisme politique, et que les syndiqués mobilisés au front n’approuveraient pas un tel positionnement de leur syndicat.

Jahane soumit de nouveau sa proposition lors de l’assemblée du syndicat, le 16 janvier 1916. Cela donna lieu à un vif débat qui opposa, d’un côté, Jahane, Élion, Émery, Perret et Péricat, et de l’autre Pracastin et Charpentier. L’assemblée vota les 100 francs au CAI à une large majorité, provoquant la colère de Pracastin et la démission de Charpentier.

Léon Jahane obtint le permis de conduire en février 1916 et, à la fin de l’année, acquit une automobile pour travailler à son compte comme taxi. Il rejoignit bientôt le Groupe d’action syndicaliste révolutionnaire des cochers-chauffeurs du département de la Seine (voir Jules Barday). Il habitait alors au 74-76, rue Compans, à Paris 20e, chez un certain Joseph Halbert, dont l’appartement servait apparemment de lieu de rendez-vous pacifiste.

Le 13 septembre 1916, Lecoin écrivit à Jahane depuis Caen, pour lui demander de faire connaître le manifeste « Aux lecteurs du Libertaire », que Claude Content s’apprêtait à éditer. Le 13 avril 1917, lors d’une réunion des Amis du Libertaire à la Grange-aux-Belles, il proposa de céder les publications à Sébastien Faure pour la somme de 500 francs.

En janvier 1917, Jules Barday et Léon Jahane se chargèrent de transporter les colis de L’Union des métaux depuis l’imprimerie jusqu’au siège de la fédération des Métaux.

Le 1er juin 1917, des papillons « Assez d’hommes tués, la paix » apposés sur sa voiture provoquèrent l’arrestation de Jahane. Traduit le 19 juin devant la 10e chambre du tribunal correctionnel, son avocat, Me Mauranges, plaida qu’il s’agissait d’une formule reprise du président américain Wilson et que même le président du conseil Alexandre Ribot avait faite sienne. Mais un lot de tracts pacifistes avait également été saisi, et Jahane fut condamné pour « propos alarmistes », au retrait de son permis de conduire et à six mois de prison. À la barre, il se plaignit d’avoir été passé à tabac par la police et d’être, depuis, en traitement à l’infirmerie de la prison de la Santé.

Les 31 octobre et 12 décembre 1917, le député socialiste Jean Longuet intervint en vain pour obtenir la restitution des permis de conduire de Jahane et d’un autre chauffeur pacifiste, Lucien Grossin. Le 15 février 1918, le député socialiste Pierre Laval tenta à son tour d’intercéder auprès du ministre de l’Intérieur.

Un rapport de police du 8 avril 1918 fait état de dénonciations reçues par la police, concernant les activités pacifistes de Jahane, de sa compagne Juliette Leglohaec (née le 17 juillet 1888 à Angers, Maine-et-Loire) et d’Alphonse Barbé.

En juin 1918, Jahane appartenait à la commission exécutive de L’Entraide (voir Jean-Baptiste Vallet).

Le 9 décembre 1921, la 14e chambre du tribunal correctionnel le condamna à 100 francs d’amende pour « outrages ».

Selon la police, il aurait cessé de militer au cours de l’année 1921.

En décembre 1926, il déménagea au 22, rue de la République, à Nice, pour y exploiter le garage Garibaldi, 9, rue Lascaris, puis une bijouterie.

En mai 1930, il revint dans la Seine pour tenir un garage, 31 rue des Cordelières. En juin 1931, il tenait un garage au 40, rue des Postes, à Aubervilliers. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’il fut rayé du carnet B.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154170, notice JAHANE Léon, Jean, Marie [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, Claude Pennetier, Guillaume Davranche, Anthony Lorry, version mise en ligne le 10 mars 2014, dernière modification le 16 octobre 2022.

Par Jean Maitron, Claude Pennetier, Guillaume Davranche, Anthony Lorry

SOURCES : État civil de Mouzeil. — Registres matricules du Maine-et-Loire. — Arch. Nat. F7/13053, F7/13061 et F7/13574, F7/13830, F7/13832, 19940455/21 ― Arch. PPo BA/1514, 1513 et GA J7 ― Le Libertaire, 3 janvier 1913.

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