LAGANT Christian [Dictionnaire des anarchistes]

Par Rolf Dupuy, Olivier Ray

Né le 1er juin 1926 à Paris VIIIe arr., mort le 2 décembre 1978 à Paris XVIIIe arr. ; ajiste et espérantiste, anarchiste ; correcteur d’imprimerie, syndiqué CGT à Paris.

Christian Lagant (vers 1960)
Christian Lagant (vers 1960)
cc Coll. Jean-Max Claris/Archives d’AL/FACL

A la Libération, Christian Lagant avait rejoint le Groupe artistique montmartrois (GAM) puis le groupe surréaliste « Les enfants du paradis », qui éclata rapidement suite aux querelles entre anarchistes et communistes.

Ajiste actif, membre du foyer Espero dans la région parisienne, il prit part à la scission qui donna naissance au Mouvement indépendant des auberges de jeunesse (MIAJ) au journal duquel il collabora (Regain, Paris, 45 numéros d’avril 1951 à novembre 1967). Il était également un espérantiste convaincu, membre de l’organisation espérantiste SAT (Sennacieca asocio tutmonda, Association Anationale Mondiale).

C’est au début des années 1950 qu’il devint militant actif du groupe parisien du 18e arrt de la Fédération anarchiste. Il participa au Libertaire en publiant ses dessins sous la signature Cri Cri.

Lors du congrès de 1951, il fut nommé au comité de lecture du Libertaire, organe de la FA, avec Devançon, Lustre*, Devillard* et Fontenis*. Au congrès de mai 1953 qui vit la FA se doter de statuts communistes libertaires, il fut nommé à la Commission des conflits du nouveau Comité National et il poursuivit son militantisme à la Fédération communiste libertaire (FCL), au sein du groupe Paris nord.

Critique envers l’organisme secret OPB (Organisation Pensée Bataille) et la décision de la participation de la FCL aux élections de janvier 1956 (voir Georges Fontenis), le groupe Kronstadt, auquel Lagant participait, fut exclu de la FCL en mars 1955.

A l’automne 1955, Lagant fut l’un des fondateurs des Groupes anarchistes d’action révolutionnaire (GAAR). Il devint aussi directeur de la revue Noir et Rouge (Paris, 46 numéros de mars 1956 à juin 1970), à l’origine expression de cette organisation.

En mai 1958, lors du coup d’Etat larvé du général de Gaulle, les GAAR appelèrent à la grève générale dès le 16 mai et impulsèrent un Comité de coordination libertaire (associant FA, CNT et Jeunesses libertaires). Après le retrait de la FA, ce comité s’élargit en Comité d’action révolutionnaire, associant le PCI trotskiste, le syndicat CGT des Charpentiers en fer, Pouvoir ouvrier, Socialisme ou Barbarie, la CNT, les Jeunesses socialistes autonomes, l’Ecole émancipée, le MIAJ et le CLADO (voir Alexandre Hébert). Le CAR participa à la manifestation du 28 mai avec pour mots d’ordre "Fusillez les généraux", "A bas l’armée", "Paras = SS".

Après cet épisode, les GAAR eurent l’ambition d’une action politique plus vaste et, en 1960, se transformèrent en Fédération anarchiste communiste (FAC).

Dès l’année suivante cependant, la FAC se scinda. Une partie des militants décida d’entrer à la FA et d’y former une tendance, l’Union des groupes anarchistes communistes (Ugac), tandis qu’une autre partie, avec Christian Lagant, décidait de rester en-dehors de la FA et de se concentrer sur la revue Noir et Rouge.

Celle-ci devint un lieu ouvert de débats théoriques et d’analyses du mouvement libertaire et eut une certaine influence lors des évènements de mai 1968. C’est au cours de ce mouvement que la plupart des membres du groupe, dont Christian Lagant, prirent part aux réunions du groupe Informations et Correspondances Ouvrières (ICO).

Parallèlement, Lagant participait au groupe Jeunes Libertaires et collabora au bulletin éponyme (Paris, 1953-1967) ainsi qu’aux diverses activités clandestines du groupe : aide aux insoumis et déserteurs pendant la guerre d’Algérie, soutien aux activités de la Fédération ibérique des jeunesses libertaires (FIJL) dans ses activités antifranquistes, mise en place d’une filière permettant la vasectomie et la pratique des avortements.

Dans les années 1960 il collabora également au Monde Libertaire, nouvel organe de la FA, et au bulletin Recherches Libertaires (Viry Chatillon-Strasbourg, 9 numéros de décembre 1966 à mars 1972) publié par Michel Hirtzler et Annie Piron.

Suite à l’assassinat en Espagne de Salvador Puig Antich et de la publication d’un article condescendant et méprisant pour les anarchistes dans le journal Libération, il fit la réponsa suivante : « Certes, il y a bien longtemps de ça, les foules s’étaient rassemblées, battues pour Sacco et Vanzetti, mais depuis ? Les "grands" partis de la gauche officielle appelèrent jadis à manifester pour le communiste Grimau fusillé par le régime franquiste, et nous anarchistes, nous joignîmes à cette protestation. Mais peu de temps après les militants libertaires Delgado et Granados étaient garrottés dans l’indifférence quasi totale. Ce n’étaient que des anars, ces juifs du mouvement ouvrier et révolutionnaire, vous savez bien, ces gens dont les mots d’ordre en Espagne, selon M. Chabrol cinéaste (Pour le cinéma, 9 janvier) d’abord "Viva la Muerte" et ensuite "Nada", ce qui prouve que le bonhomme sait de quoi il parle, à ce détail près que "Viva le muerte" fut lancé par le général franquiste Millan Astray et que "Nada" est nihiliste, tout ce qu’on veut, mais sûrement pas anarchiste. Qu’importe ! Ce genre de saleté est allègrement colporté de film en roman : voir Nada précisément écrit en Série Noire par un petit malin, puis le présent film de Chabrol […] Alors voilà : nous les pelés, les galeux, ceux dont on garrotte les copains espagnols... on commence à en avoir marre que les margoulins, faiseurs de fric en tout genre, salissent en plus l’anarchisme et les anarchistes. On ne demande pas l’adhésion, ni même le soutien, voire un essai de compréhension, non, mais on leur demande de la boucler un peu, de la mettre en veilleuse ; les anars ce n’est pas le folklore que ces gens-là voudraient, ce ne sont pas les belles chansons, de bons "tubes", ce sont plus simplement des hommes et des femmes, jeunes et moins jeunes, qui se battent obscurément, durement et pas quoiqu’on en dise pour "Nada" » (Libération, 18 mars 1974).

Christian Lagant, qui s’est suicidé le 2 décembre 1978, a laissé une œuvre graphique, dessins d’inspiration surréaliste, restée largement inédite.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154179, notice LAGANT Christian [Dictionnaire des anarchistes] par Rolf Dupuy, Olivier Ray, version mise en ligne le 11 avril 2014, dernière modification le 12 juillet 2021.

Par Rolf Dupuy, Olivier Ray

Christian Lagant (vers 1960)
Christian Lagant (vers 1960)
cc Coll. Jean-Max Claris/Archives d’AL/FACL

SOURCES : Libération, 18 mars 1974 — Le Réfractaire, décembre 1978 (article d’Helyette Bess) — R. Bianco, « Un siècle de presse… », op. cit — Daniel Lambert, Mémoires d’ajiste, 2005, Le Nez en l’air — note de Guillaume Davranche.

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