VIDAL Georges, Marie, Valentin [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, notice complétée par Thierry Bertrand

Né le 24 avril 1903 à Guérigny (Nièvre), mort le 13 novembre 1964 à Paris ; correcteur d’imprimerie, romancier et poète ; anarchiste.

Georges Vidal (1923)
Georges Vidal (1923)
cc Arch. Louis Lecoin.

A l’âge de 15 ans, en septembre 1918, Georges Vidal faisait une fugue de chez lui à Aix-en-Provence. Il fit alors l’objet de recherches dans " l’intérêt des familles." .

A cet âge encore, il fit paraître à Aix une petite plaquette de vers hors commerce : Quelques rimes. Lycéen, il connut des ennuis à cause de ses convictions libertaires : « Je tiens (...) à vous annoncer que je viens d’être exclu du lycée Mignet d’Aix-en-Provence pour propagande anarchiste en cette ville » écrivait-il, le 16 décembre 1919, à Le Meillour*, secrétaire de la Fédération anarchiste, dans une lettre que publia le journal Liberté (1er décembre 1964). En 1922, il habitait chez ses parents au 24, rue de la République, Marseille (1er). Il collaborait aux revues littéraires L’Essor, Primaires, Fortunio, créée par Marcel Pagnol, et La Criée. En avril de la même année, il était étudiant de philosophie au lycée de Marseille. Il y faisait de la propagande anarchiste auprès de ses camarades, ce qui lui valut de passer devant le conseil de discipline de cet établissement pour distribution d’un tract faisant l’apologie d’Émile Cottin*. Il était décrit par la police comme ayant une allure assez originale puisqu’il portait les cheveux longs et était coiffé d’un chapeau mou noir à large bord. Il fréquentait alors de façon assidue les réunions du groupe de l’Unio Anarchiste qui se retrouvait au bar Bruno, place du marché des Capucins. A ses frais, il avait fait imprimer un appel « Aux Intellectuels ».

En juillet 1922, il fit paraître dans Terre libre, organe de la Fédération anarchiste du Sud auquel il collaborait, et dans le Libertaire, un poème dédié à Émile Cottin* qui lui valut, en août, d’être poursuivi, ainsi que Pierre Le Roux* et André Viaud*, par le Garde des Sceaux sous l’inculpation d’injures envers l’armée et les officiers, provocation de militaires à la désobéissance et apologie de crimes. Des perquisitions eurent lieu chez ces personnes ainsi qu’au bureau du journal, au siège du groupe de l’UA. On retrouva chez lui des numéros de Terre Libre, des manifestes « Aux travailleurs des villes et des campagnes. Manuels et intellectuels », des brochures intitulées Émile Cottin, son geste, sa condamnation, son supplice et une brochure de Jean Roule, Ce que veulent les révolutionnaires. Le 16 novembre il eut une peine de trois mois de prison par défaut et 100 francs d’amende infligée par le tribunal correctionnel de Marseille, puis une peine de trois mois et 200 francs d’amende infligée le 24 novembre par la 11ème chambre correctionnelle de Paris.

Le 24 novembre 1922 il arrivait à Paris et logeait jusqu’au 26 novembre au 16 boulevard du Temple (3e, 11e arrondissement), puis au 22, rue de la Grange aux Belles (impasse Chausson) (10e arrondissement) du 28 novembre au 18 décembre. Il prenait alors ses repas chez Samuel Flischfisch*, dit Sam, au 7 rue Pali-Kao.

Les 2, 3 et 4 décembre 1922, il participa au 3e congrès de l’UA à Levallois-Perret à la Maison de la Commune, 28 rue Cavé.

Le 19 décembre il se constitua prisonnier et fut détenu à la Petite-Roquette où il dut faire la grève de la faim pour obtenir d’être admis au régime politique. Une campagne de presse fut organisée dans l’Œuvre, l’Humanité, l’Ere nouvelle, etc. qui réussit. Georges Vidal obtint gain de cause le 29 décembre. Certaines personnes eurent l’autorisation de le visiter, parmi lesquelles se trouvait Marcel Pagnol, alors répétiteur au Lycée Condorcet de Paris qui l’avait eu comme élève au Lycée d’Aix en 1917/1918.

Son enfermement à la Petite-Roquette ne devait pas durer longtemps puisqu’il fut transféré à Marseille. Là, il fit appel du jugement du Tribunal correctionnel de cette ville et sa peine fut réduite à deux mois de prison avec sursis et 100 francs d’amende par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 28 février 1923.

Revenant de Marseille, il fut hébergé chez Colomer* au 259, rue de Charenton, Paris, de début juin au 4 juillet pour, ensuite, s’installer au 6, passage de Clichy (Paris 18e). Sa compagne, Hélène Bannerot, artiste lyrique, vécut avec lui quelques jours à cette adresse. Il vivait de son métier de correcteur d’imprimerie et travaillait à la maison Simart au 16, rue du Croissant à Paris.

Ses tracas avec la justice n’entamèrent pas son engagement dans le mouvement anarchiste puisqu’il collaborait régulièrement au Libertaire et assistait aux réunions du Comité d’Initiative de l’UA. De plus il assistait régulièrement aux réunions du groupe « La Jeunesse Anarchiste ». Mais il était étroitement surveillé puisqu’inscrit sur la liste des anarchistes dont le domicile était soumis à vérification bimensuelle.

Militant actif, il fit de nombreuses causeries. On le retrouvait le 6 juillet 1923 au 53 rue Balagny pour une causerie organisée par le groupe du 17e puis le 22 juillet lors d’une balade dans les bois de Garches à l’étang de Villeneuve organisée par Le Libertaire. Il y parla de l’écrivain Émile Varhaeren et d’Arthur Rimbaud.

Le quatrième congrès de l’Union anarchiste, qui se tint à Paris, les 12 et 13 août 1923, l’élut membre de la commission administrative de la Librairie sociale, et quelques semaines après, il fut nommé, le 26 octobre, administrateur du Libertaire et le demeura jusqu’au 10 décembre. Le journal se trouvait domicilié 9, rue Louis-Blanc à Paris. Le 22 novembre, Vidal y reçut un jeune homme exalté qui se confia à lui : Philippe Daudet*, fils de Léon Daudet, le directeur de l’Action française, qui, quelques jours plus tard, périt tragiquement (suicide ? assassinat ?). Cette mort fut le départ des attaques violentes de Léon Daudet et de l’Action française contre le Libertaire et contre Georges Vidal, en particulier. En avril 1924 son appartement était perquisitionné dans le cadre de l’affaire Philippe Daudet et la police y découvrit une lettre de menace signée « Un justicier de l’A.F. (Action Française) ». Il fit alors cinq heures de garde à vue.

Pas du tout découragé il se retrouvait secrétaire du Comité d’Action pour la Défense du révolutionnaire russe Makhno fin 1923.

Il rendait souvent des visites à sa famille ou à ses connaissances à Marseille ; il dut également passer le conseil de révision (parcours militaire obligatoire pour les hommes recensés), à Marseille le 11 juillet 1924 et séjourner aux alentours de Toulon. Il en profitait pour donner des causeries. Ainsi le 10 juillet 1924 au bar Canals, 11a Boulevard Dugommier à Marseille lors d’une rencontre probablement organisée par le Groupe d’Études Sociales, il entretint son auditoire de Han Ryner* et ses œuvres, devant une trentaine de compagnons et de sympathisants.

Correcteur du Libertaire, il fut parfois remplacé par le frère de Colomer (en janvier 1925 notamment).

Le 2 août 1924, de retour de Marseille, il quitta son appartement pour loger au 17 rue Durantin, Paris ; le 21 août 1924 il se rendait au « Grenier de Gringoire » en compagnie de Germaine Berton* pour y retrouver Sébastien Faure*, Mualdès*, Jouot* et Charles d’Avray*. C’est là que Sébastien Faure annonça qu’il pressentait Vidal pour être secrétaire de rédaction d’une nouvelle revue qu’il voulait lancer fin 1924 en trois langues (il s’agissait sûrement de la Revue Anarchiste Internationale dont Vidal ne fut au final que collaborateur).

Germaine Berton et Vidal habitèrent ensemble du 22 août 1924 au 1er septembre 1924. La police en conclut qu’ils avaient une liaison. Mais en septembre 1924, Berton tomba malade à Marseille et Vidal reprit ses relations avec Hélène Bannerot.

Le 17 septembre 1924, Louis Lecoin* céda provisoirement son logement à Vidal au 30, rue des Cendriers à Mandres (Seine-et-Oise).

Les 1er-3 novembre 1924, Vidal assista à Paris au congrès de l’Union anarchiste.

Il collabora à L’Anarchie entre 1926 et 1929.

Le 3 octobre 1926, il quittait à nouveau son domicile pour se rendre au 19 rue Piver, à Juvisy (Seine-et-Oise) où André Colomer se trouvait depuis septembre de la même année. Sans doute Vidal changeait-il souvent de domicile dans le but d’échapper à la surveillance de la police.

En mars 1927, il partit pour le Costa-Rica avec Marius Theureau* et sa compagne pour rejoindre la colonie anarchiste de Mastatal, encore embryonnaire. Il fut d’abord accueilli à Far Away Farm par les Prat (Simoneau*). Il fut le premier des colons à évoquer dans la presse anarchiste la dureté des conditions de vie. Il collabora à la revue Le Semeur (San José, Costa Rica 1927-1929) fondé par Miguel Palomares. Il revint en 1928 dans la ville de San José puis regagna la France où dès le 21 janvier 1929, il reprit contact avec ses compagnons et revint au Libertaire. Il publia en février 1929, dans la revue Les Humbles, le récit de la colonie.

Puis, il s’écarta peu à peu de l’action militante pour se consacrer aux romans d’aventures, policiers et d’espionnage. Pour ces derniers il utilisa de nombreux pseudonymes dont G. de Guérigny ; G.de Six Fours ; Georges Val ; Edward S. Georgie ; Geroges Marieval ; Georges Constant ; Jorge Jimenez et sans doute d’autres encore.

Il avait été admis le 1er janvier 1924 au syndicat des correcteurs. Il en démissionna en 1929 en raison d’un changement de profession, y fut réadmis en 1932 et, de 1936 à juin 1940, fut membre du comité syndical de cette corporation.

Il se maria à Marseille le 26 août 1930 avec Mary Giorgi. Il était alors domicilié au 157 cours Lieutaud à Marseille. Veuf, il se remaria le 10 décembre 1953 à Paris (17e) avec Georgette Mayou. Il demeurait au 61 rue de la Condamine à Paris (17e).

Sur sa tombe, au cimetière de Saint-Ouen, Albert-Jean, au nom de la Société des gens de lettres, et Louis Lecoin prononcèrent son éloge funèbre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154232, notice VIDAL Georges, Marie, Valentin [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, notice complétée par Thierry Bertrand, version mise en ligne le 7 mars 2014, dernière modification le 20 juin 2019.

Par Jean Maitron, notice complétée par Thierry Bertrand

Georges Vidal (1923)
Georges Vidal (1923)
cc Arch. Louis Lecoin.
Georges Vidal dans les couloir du Palais de Justice après son témoignage sur la mort de Philippe Daudet. (Agence Trampus, coll. privée Eric B-Coulaud).

ŒUVRE : Quelques rimes, 1919. — Devant la vie, 1923. — Comment mourut Philippe Daudet, 1924. — Han Ryner, l’homme et l’œuvre, 1924. — J.H. Fabre ou la leçon d’énergie Ed. de L’idée Libre , 1925. — La Halte, poèmes, Ed. de L’Insurgé, 1925. — Commentaires, première série, Ed. de l’Insurgé, 1925. — Aventure, 1930. — Romans d’aventures chez Ferenczi et romans policiers aux Éd. du Fleuve noir.
FILMOGRAPHIE : L’Aventure est à bord de Pierre Montazet, 1947.

SOURCES : Arch. de Fontainebleau BA 2035 — Arch. Dép. Bouches-du-Rhône 4M/2423 et 1M805 — Almanach des lettres françaises et étrangères, Editions Georges Crès, mercredi 16 janvier 1924, p. 62. — L. Lecoin, Le Cours d’une vie, op. cit. [photo]— Le Monde, 22-23 novembre 1964. — Liberté, 1er décembre 1964. — Le Monde libertaire, décembre 1964. — Cahiers des Amis de H. Ryner, n° 78, 1965. — Bulletin des correcteurs, n° 70, février 1965. — L. Malet, La Vache enragée, Éd. Hoëbeke, 1988 [icon.]. — J. Bisoeglia, Trésors du roman policier, Éd. de l’Amateur, 1988— Notes de R. Bianco.

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