ZORKINE Paul [Pavle Vrbica, dit] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Guillaume Lenormant

Né le 8 avril 1921 à Cetinje (Monténégro), mort le 22 juillet 1962 à Bourganeuf (Creuse) ; juriste ; communiste libertaire.

Paul Zorkine (vers 1960)
Paul Zorkine (vers 1960)
Arch. famille Vrbica.

Fils de Pero Vrbica, directeur de banque et de Zorka Petrovitch, Pavle Vrbica était issu d’une famille assez politisée — son grand-père avait traduit Marx en serbo-croate.

Il débuta ses activités politiques alors qu’il était étudiant en droit à l’université de Zagreb. Militant aux Jeunesses communistes, il en combattit le cours stalinien, et en fut exclu sur la requête d’un homme qui, bien des années plus tard, serait un des dirigeants du régime titiste, théoricien de l’autogestion, puis dissident de ce même régime : Milovan Djilas.

Pavle Vrbica se consacra alors à la lutte antifasciste. Il fut engagé volontaire pour défendre la Tchécoslovaquie en 1939 contre l’invasion hitlérienne. De retour à l’université de Zagreb, il participa à un réseau de résistance antifasciste étudiant. En 1942, il collabora notamment au périodique Dynamit, publié au Monténégro, très peu diffusé, son principal rédacteur ayant été rapidement arrêté.

Son adhésion à l’anarchisme semble dater de cette période, qui le vit invoquer Bakounine dans un de ses tracts. Il fut arrêté, incarcéré et torturé par les oustachis. Au cours d’un transfert vers le Monténégro, il s’évada et rejoignit un maquis de résistance. Vers la fin de la guerre, il traversa l’Adriatique avec quelques camarades et rejoignit les troupes alliées en Italie. Il termina la guerre avec un grade de sous-officier dans la RAF.

Après la Libération, Pavle Vrbica refusa d’accéder aux honneurs et aux postes de pouvoir que lui proposait le nouveau régime communiste. On le vit bientôt réfugié politique en Italie, puis en France.

Marqué par la prison et le maquis, tuberculeux, il dut rester plusieurs années en sanatorium dans la Forêt noire (Bade-Wurtemberg). Ce n’est qu’au début des années 1950 qu’il put venir à Paris entamer des études de langues orientales et de sciences politiques à Paris.

À Science Po, Pavle Vrbica fit la connaissance de Roland Breton, qui allait devenir son ami inséparable, et avec lequel il allait adhérer à la Fédération anarchiste. En 1952 ils formaient le groupe Troisième Front, se plaçant d’emblée dans la tendance communiste libertaire de la FA. Jusqu’en 1954, ils allaient signer de nombreux articles dans le Libertaire sous le pseudonyme collectif de Paul Rolland.

En parallèle, celui qui se faisait désormais appeler Paul Zorkine (le pseudo vient du prénom de sa mère) tenta sans succès deux regroupements au sein des exilés yougoslaves : une éphémère Fédération anarchiste balkanique en exil, puis le groupe Khristo Botev.

Le groupe Troisième Front étant trop peu nombreux, Paul Zorkine et Roland Breton rejoignirent bientôt le groupe Sacco et Vanzetti (5e-6e arrondissements de Paris), un des piliers de la tendance communiste libertaire au sein de la FA, avec notamment Léo Emery, Serge Ninn et Giliane Berneri. Peu après, ce groupe allait se rebaptiser Kronstadt.

Paul Zorkine fut alors un des rédacteurs de l’article « Le vrai sens d’une rencontre » (18 septembre 1952) cosigné avec Serge Ninn et Roland Breton, qui allait entraîner la rupture du Libertaire avec le groupe des surréalistes qui y collaborait.

Après la transformation de la FA en Fédération communiste libertaire, Paul Zorkine et le groupe Kronstadt se désolidarisèrent du comité national de la FCL. Dans le Mémorandum Kronstadt, ils dénoncèrent les méthodes de Georges Fontenis et de sa fraction, nommée Organisation Pensée Bataille. Avec la publication du Mémorandum, le groupe Kronstadt entrait ouvertement en dissidence.

Quelques groupes en désaccord avec le comité national de la FCL (Saint-Germain-en-Laye, Mâcon, Kronstadt) créèrent une liaison, les Groupes anarchistes d’action révolutionnaire (GAAR), lors d’une rencontre à Mâcon les 30, 31 octobre et 1er novembre 1954. Dans le courant de l’année 1955, les GAAR allaient s’autonomiser, jusqu’à devenir une organisation indépendante de la FCL et leur journal, Noir et Rouge, sortit son premier numéro en mars 1956.

Dans la continuité de la FCL, les GAAR soutenaient la lutte d’indépendance en Algérie. Sur requête de Guy Bourgeois, des GAAR, Paul Zorkine fournit au réseau lyonnais dirigé par Jean-Marie Brochier le matériel nécessaire pour mettre sur pied une imprimerie clandestine.

En mai 1961, une partie des GAAR — dont le groupe Kronstadt — décida d’intégrer la FA reconstituée par Maurice Joyeux et Aristide Lapeyre pour s’y constituer en une tendance communiste libertaire nommé Union des groupes anarchistes communistes (UGAC). Paul Zorkine et son camarade Henri Kléber participèrent alors, au titre de l’UGAC, au comité de rédaction du Monde libertaire, où ils se heurtèrent notamment à Maurice Joyeux. La tentative que constitua l’UGAC pour redonner au communisme libertaire sa centralité dans l’anarchisme fut globalement un échec.

En 1955, Paul Zorkine avait épousé Jacqueline Caresmel, dont il eut deux enfants. Il mourut en juillet 1962 dans un accident de voiture. Roland Breton a écrit de lui : « C’était un Méditerranéen plus qu’un Slave. Toujours tiré à quatre épingles. [...] Il avait beaucoup d’humour, était très observateur, critique. [...] Avant tout c’était un homme du verbe. Il séduisait beaucoup par son discours, ajouté à sa présence, qu’on ne pouvait négliger. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154242, notice ZORKINE Paul [Pavle Vrbica, dit] [Dictionnaire des anarchistes] par Guillaume Lenormant, version mise en ligne le 18 mars 2014, dernière modification le 9 décembre 2018.

Par Guillaume Lenormant

Paul Zorkine (vers 1960)
Paul Zorkine (vers 1960)
Arch. famille Vrbica.

SOURCES : Lettre de Walter (GAAR) au CIRA, 1959 — Nécrologie de Paul Zorkine dans le Monde libertaire, 1962 — lettre de Roland Breton à Laurent Vrbica — Georges Fontenis, Changer le monde, Histoire du mouvement communiste libertaire 1945-1997, éd. Alternative libertaire/Le Coquelicot, 2000 — Maurice Joyeux, L’Hydre de Lerne, éd. du Monde libertaire, 1967 — Collectif, L’Insurrection algérienne et les communistes libertaires, Alternative libertaire, 1992.

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