ANDERSON Charles, Louis [dit Louis Ander] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy

Né le 8 janvier 1903 à Paris (IIe arr.), mort le 29 décembre 1992 à Sarcelles (Val-d’Oise) ; correcteur ; anarchiste et syndicaliste.

Charles Anderson ayant été orphelin de père (artisan tailleur suédois) et de mère à l’âge de 4 ans, ce furent des oncles et tantes du côté maternel qui s’occupèrent de lui jusqu’en 1918.

Il vécut ensuite seul à Paris 17e, dans le quartier des Ternes, et eut divers emplois : commis d’un inspecteur des contributions indirectes, apprenti dans une fabrique d’horlogerie électrique d’où il fut renvoyé pour avoir fait grève, ouvrier dans une usine d’armement, figurant à l’Opéra et à la Comédie-Française dans une pièce avec Sarah Bernhardt.

Il fut une première fois arrêté le soir de la manifestation du 1er mai 1919, près de la place de la République. Trouvé en possession du Libertaire, il fut inculpé pour outrage et rébellion et déféré devant le 4e conseil de guerre. Sur l’intervention de son cousin, sous-officier médaillé, il s’en tira avec quinze jours de détention qu’il accomplit, étant mineur, à la prison de la Petite-Roquette.

Il quitta peu après le quartier des Ternes pour habiter celui de la butte Montmartre avec son cousin. Celui-ci s’étant marié, Anderson s’installa dans une petite chambre du boulevard Gouvion-Saint-Cyr, à Paris 17e.

À l’occasion des élections législatives de la fin 1919, il s’intéressa vivement à la campagne électorale et suivit les réunions socialistes où il entendit des militants en vue, Arthur Groussier et Marcel Cachin entre autres.

Il prit, en 1920, sa première carte syndicale à l’Union des mécaniciens de la Seine, et, la même année, fut licencié suite à la grève des usines Citroën.

À la fin de 1920 — il avait presque 18 ans — Anderson fut conquis à l’anarchisme après avoir assisté à une conférence de Sébastien Faure. Adhérent du groupe de Levallois, il fut délégué au congrès de l’Union anarchiste qui se tint dans cette ville, les 2, 3 et 4 décembre 1922. Il était, à ce moment, membre de la CGTU.

Déçu par les dissensions qui affectaient le mouvement anarchiste, il fonda avec Lucien Haussard, Claude Content et Kléber Nadaud le journal L’Idée anarchiste, se voulant une « tribune où, librement, tous les points de vue, toutes les tendances de l’anarchisme pourraient s’exercer ». Le 1er numéro parut le 13 mars 1924 ; le 13e et dernier, le 15 novembre 1924. Anderson y traduisit les articles de Rudolf Rocker intitulés « Le Nationalisme et la réaction moderne » publiés dans les numéros 2 à 4.

Au retour de son service militaire, effectué au 510e régiment de chars à Mayence, il connut une « période de sommeil » militant qui se prolongea plusieurs années. Il continuait néanmoins à fréquenter occasionnellement le mouvement libertaire puisqu’en mai 1926, lors d’une sortie champêtre, il sauva de la noyade Samuel Schwartzbard ; c’était quelques jours avant que ce dernier n’assassine l’ancien ataman Petlioura. Cette année-là, il devint correcteur d’imprimerie. Il fut admis au syndicat le 1er janvier 1928, et élu au comité syndical en 1932 ; il y resta jusqu’en 1937-1938.

C’est à Louis Lecoin qu’il dut de reprendre une activité politique et, de 1931 à 1939, il devint un des principaux responsables de l’UA. Il signa ainsi l’article d’ouverture du numéro spécial anticolonialisme du Libertaire, sorti le 22 mai 1931 à l’occasion de l’Exposition coloniale.

Il demeurait à l’époque 136, rue Ordener, à Paris 18e, et travaillait au Soir.

Début 1933, il relaya, dans Le Libertaire, la campagne du Comité pour l’amnistie la plus large (voir Louis Lecoin).

Après la nuit du 6 février 1934, Anderson représenta l’UACR avec Nicolas Faucier, Lecoin et René Frémont à la réunion que tint à son siège, le 7 février, la direction de la CGT, et qui décida de la grève générale du 12 février. Par la suite, l’UACR appela à la réunification des forces anarchistes sous la bannière de l’antifascisme. Au congrès d’unité, tenu du 20 au 24 mai à Paris, l’UACR et l’AFA fusionnèrent et l’organisation reprit son nom d’UA.

En 1935, Anderson était membre de la Phalange de soutien au Libertaire, dont les membres s’astreignaient à une souscription hebdomadaire.

Dès les premiers temps de la guerre d’Espagne, l’UA fut hostile à une intervention militaire extérieure, et appela à la solidarité de la classe ouvrière française avec la classe ouvrière espagnole. Aussi, fut-il jugé, dans Le Libertaire du 11 septembre 1936, que Léon Blum agissait « de façon honorable » en optant pour la non-intervention. Cependant, le titre d’un article de Lashortes, « Bravo Blum », provoqua quelques remous. Cinquante ans plus tard, dans un témoignage au CIRA, Anderson s’en souvenait encore : « Si j’avais été là, cet article n’eût pas paru, du moins avec ce titre ou sous cette forme maladroite. »

Anderson se rendit à plusieurs reprises en Espagne en mai-juin 1936, où il avait rencontré David Antona au comité national de la CNT, puis pendant la guerre civile.

Le 22 novembre, avec Nicolas Faucier et René Frémont, il représenta l’UA et le Comité pour l’Espagne libre aux obsèques de Durruti à Barcelone.

Au congrès tenu à Paris les 30, 31 octobre et 1er novembre 1937, Anderson fut élu à la commission administrative de l’UA.

En mars 1938, pendant les bombardements de Barcelone, il fut envoyé en Espagne pour négocier des visas pour la délégation de la Solidarité internationale antifasciste (SIA) qui cherchait à rencontrer Negrin.

Au dernier trimestre 1938 le gouvernement Daladier commença à attaquer les acquis de Juin 36 et à réprimer le mouvement ouvrier. Le 12 décembre 1938, la 12e chambre du Tribunal correctionnel prononça une série de condamnations contre des responsables de l’UA et de la CGT-SR qui s’étaient rendus coupables de « provocation de militaires à la désobéissance » (voir Nicolas Faucier). Anderson écopa de six mois de prison.

Au début de 1939, il aida à l’évacuation vers la France de la colonie d’enfants de Llansa, gérée par la SIA.

En juillet 1939 Anderson se brouilla avec Lecoin et refusa de continuer à collaborer au journal SIA. A l’UA, la rumeur accusait Lecoin d’engloutir dans le maintien du journal des sommes importantes qui auraient dû être destinées aux réfugiés.

Mobilisé en septembre 1939 – il répondit à l’appel avec huit jours de retard, ayant longuement hésité sur l’attitude à suivre –, Anderson fut fait prisonnier le 20 juin 1940 lors de la percée allemande. Transféré en Allemagne il fut interné à Ludwigshafen, près de Mannheim. Après huit mois de captivité, il parvint à s’évader le 20 février 1941, puis à regagner la France.

Il se réfugia ensuite à Lyon où il travailla comme correcteur à l’édition lyonnaise de Paris-Soir. Il y fréquenta les anarchistes locaux et fut de ceux qui « révisaient leurs positions politiques antérieures et, sans jamais verser dans le chauvinisme anti-Boches, admettaient que la résistance et le rejet de l’occupant devaient passer au premier plan », raconta-t-il au CIRA-Marseille en février 1985. Sur la demande d’Henri Guérin, il aida le Mouvement ouvrier français, aile syndicaliste du réseau de résistance Libération-Sud, pour lequel il rédigea trois tracts en vue du 1er mai 1942.

En juin 1942, il fut arrêté en tentant de franchir la ligne de démarcation à Buxy (Saône-et-Loire). En octobre, il fut condamné par les Allemands à six mois de prison qu’il accomplit à Châlons-sur-Saône, à Dijon puis au fort d’Hauteville, près de Dijon. Il en sortit le 20 décembre 1942.

Après la guerre, Anderson ne reprit pas contact avec le mouvement anarchiste, tout en continuant à s’affirmer libertaire. Il habitait Villejuif et figurait toujours en 1950 sur la liste des anarchistes dont le domicile était surveillé par la police.

Il était père de trois enfants dont un fils né en 1944.

Dans les années 1980 il était en contact avec le Centre international de recherche sur l’anarchisme de Marseille, qui recueillit une partie de ses archives.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154251, notice ANDERSON Charles, Louis [dit Louis Ander] [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy, version mise en ligne le 6 mars 2014, dernière modification le 17 septembre 2021.

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy

SOURCES : CAC Fontainebleau (dossier Nicolas Faucier) — Arch. PPo, cartons 49 et 50 et BA/1899 — archives du syndicat des correcteurs — L’Idée Anarchiste, année 1924 — SIA du 2 février 1939 — notes d’Yves Blondeau, décembre 1971 — témoignage écrit de Louis Anderson et entretien le 3 avril 1988 — témoignage de Charles Anderson dans « Les anarchistes dans la Résistance : témoignages 1939-1945 », Bulletin du CIRA, Marseille, n°23-25, 1er semestre 1985 — postface de Nicolas Faucier dans 1936 à travers Le Libertaire, Les Cahiers du vent du ch’min, 1986 — David Berry « French Anarchists in Spain, 1936-1939 », French History vol. 3 n° 4, décembre 1989.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable