BELIN Lucien, dit Blanc [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, notice complétée par Guillaume Davranche et Rolf Dupuy

Né le 8 mars 1877 à Paris IIIe arr., mort le 27 janvier 1947 à Paris IIIe arr. ; ouvrier bijoutier ; anarchiste. Trésorier de la FCA.

Ouvrier bijoutier, connu comme anarchiste depuis 1898, Lucien Belin fut candidat abstentionniste aux élections municipales de 1900 à Paris 3e. De 1900 à 1904, il semble avoir été engagé dans la CGT et participa à de nombreuses manifestations, notamment à la fin de l’année 1903.

Il changeait souvent de domicile et la police le tenait pour un adepte du déménagement à la cloche de bois. Il était marié à Jeanne Debrit.

C’est en tant que délégué de l’Association internationale antimilitariste (AIA) qu’il participa au congrès fondateur de la Fédération révolutionnaire qui se tint les 4, 11 et 19 avril 1909 impasse de la Grange-aux-Belles, à Paris 10e. Belin fut élu secrétaire de la nouvelle organisation, dont Tony-Gall* fut le trésorier.

À l’aube du 11 juin 1909, son domicile fut perquisitionné dans le cadre de l’enquête sur la vague de sabotage contre les lignes télégraphiques et téléphoniques. Il travaillait alors à domicile, au 55, rue de la Mare, Paris 20e, sous le nom de Blanc.

Il annonça, dans La Guerre sociale du 7 juillet 1909, qu’il démissionnait de l’AIA.

En avril-mai 1910, il fut candidat abstentionniste aux élections législatives dans la 1re circonscription de Paris 20e, dans le cadre de la campagne antiparlementaire (voir Jules Grandjouan).

En décembre 1911, il était trésorier de la Fédération anarchiste communiste (FRC) en remplacement de Robert Delon* et fut rédacteur du Bulletin de la FRC jusqu’à la fin de 1912.

De mars à mai 1912, il fut trésorier du Comité antiparlementaire révolutionnaire — impulsé par la FRC — qui mena une campagne abstentionniste à l’occasion des élections municipales de mai. Ce comité rassemblait 25 personnalités anarchistes et/ou syndicalistes révolutionnaires (voir Henry Combes).

Belin fut membre du comité de L’Entr’aide, une caisse de solidarité avec les militants emprisonnés et leurs familles, impulsée par la Fédération communiste anarchiste (FCA, nouveau nom de la FRC) en juin 1912. Le comité de L’Entr’aide, dont Lacourte* était le trésorier, rassemblait une quarantaine de « personnalités » communistes libertaires et syndicalistes révolutionnaires.

En décembre 1912, il était membre du conseil d’administration du Libertaire (voir Charles Keller). À l’époque, il fut également le maître d’œuvre de la campagne "Notre terrain" qui lança une souscription pour édifier une "Maison des anarchistes" à Paris 20e.

Le 1er février 1913 il fut arrêté au volant d’une voiture tandis qu’il sillonnait Paris dans une voiture couverte de grandes affiches appelant au meeting de la FCA en faveur du droit d’asile, donné le soir même au manège Saint-Paul. Il s’agissait d’un meeting de soutien aux anarchistes tombés dans l’affaire Bonnot*, pour avoir hébergé des membres de la bande. Les autres militants de la FCA arrêtés à cette occasion (une autre voiture sillonnait Paris dans les mêmes conditions) étaient Albert Dureau, Jules Barday* et Léon Jahane*.

Le 12 avril 1913, Lucien Belin démissionna de son poste de trésorier de la FCA, refusant d’endosser les poursuites judiciaires que n’allait pas manquer de provoquer le tirage en masse d’une brochure contre la loi des trois ans. Il fut remplacé officiellement par Charles Gandrey mais, confidentiellement, garda la main sur la trésorerie de l’organisation. Un rapport de police de juin 1913 le considérait comme « un bon comptable, un organisateur, mais pas un dirigeant ».

Le 25 mai 1913, Lucien Belin prit la parole pour la FCA en marge du rassemblement du PS contre la guerre au Pré-Saint-Gervais.

À l’issue du congrès national d’août 1913, il fit partie de la commission de neuf membres (voir Pierre Martin) chargée de constituer la nouvelle organisation, la Fédération communiste anarchiste révolutionnaire (FCAR).

Pendant la Grande Guerre, Lucien Belin refusa l’union sacrée et participa aux réunions des Amis du Libertaire animées par Pierre Martin. En février 1916, il était affecté à la 22e section de commis et ouvriers d’administration.

Le 27 mars 1920, une assemblée générale des souscripteurs de Notre terrain se tint à la Bellevilloise et décida ne pas poursuivre son œuvre. Lucien Belin en signa le communiqué final stipulant que le reliquat des fonds recueillis – soit environ 1.000 francs – serait versé pour moitié au Secours des enfants d’Europe, et pour moitié à La Vie ouvrière. Dans Le Libertaire des 25 avril et 2 mai, Claude Content et Charles Gandrey protestèrent contre l’« indélicatesse » et la « muflerie » qui avaient conduit à oublier sciemment la Fédération anarchiste.

Lucien Belin continua néanmoins à militer dans le mouvement libertaire dans l’Entre-deux-guerres et en 1940, malgré son âge (63 ans), il fut interné administratif sur ordre du gouvernement de Vichy. A la Libération il adhéra à la Fédération anarchiste et, en 1946, il fonda un éphémère Mouvement citoyen, « pour que les citoyens apprennent à s’organiser dans “leur” cité, au lieu de se laisser administrer par X, Y, Z, toujours insaisissables ».

Lucien Belin était toujours adhérent de la FA lorsqu’il mourut à Paris en janvier 1947. Il fut incinéré au columbarium du Père-Lachaise le 31 janvier.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154260, notice BELIN Lucien, dit Blanc [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, notice complétée par Guillaume Davranche et Rolf Dupuy, version mise en ligne le 7 mars 2014, dernière modification le 4 mai 2022.

Par Jean Maitron, notice complétée par Guillaume Davranche et Rolf Dupuy

SOURCES : Arch PPo BA/1513 et 1514 ; Arch. Nat. F7/13053 et F7/13 061, rapport du 7 octobre 1912 ― Lettre à Max Nettlau, novembre 1912, Max Nettlau Papers, IISG Amsterdam — L’Intransigeant du 11 juin 1909 ― La Guerre sociale du 7 juillet 1909 ― Le Matin du 24 avril 1910 ― Jean Maitron, Histoire du mouvement anarchiste tome I, Gallimard, 1975 ― « Les anarchistes dans la Résistance : témoignages 1939-1945 », Bulletin du CIRA, Marseille, n°23-25, 1er semestre 1985 ― CQFD n° 32, août 1946, et n° 40, 10 mars 1947 ― Le Libertaire du 30 janvier 1947 — Guillaume Davranche, Trop jeunes pour mourir. Ouvriers et révolutionnaires face à la guerre (1909-1914), L’Insomniaque/Libertalia, 2014.

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