BROCHER Victorine (née MALENFANT, épouse ROUCHY puis BROCHER) [Dictionnaire des anarchistes]

Par Marianne Enckell

Née à Paris le 4 septembre 1839, morte à Lausanne (Suisse) le 4 novembre 1921 ; communarde puis anarchiste.

Marie Victorine Malenfant était la fille d’un républicain qui dut s’enfuir en Belgique en 1851, et fut élevée à Orléans par sa mère. Elle épousa Jean, Charles Rouchy en 1861. En 1867, le couple prit part à la fondation d’une boulangerie coopérative. Ils étaient membres de l’Association internationale des travailleurs. Leurs deux fils moururent en bas âge, le deuxième sous la Commune.

Cantinière du bataillon Les Défenseurs de la République (turcos de la Commune), elle fut félicitée « du courage qu’elle a montré en suivant le bataillon au feu et de l’humanité qu’elle a eue pour les blessés dans les journées du 29 et du 30 avril » (Journal officiel de Commune, 17 mai 1871). Arrêtée et condamnée à mort pour l’incendie de la Cour des comptes, elle se cacha pendant plus d’un an, puis réussit à s’enfuir en Suisse tandis que son mari était emprisonné. La mère de Victorine ayant cru reconnaître son cadavre parmi les insurgés fusillés sommairement par les Versaillais, elle avait été déclarée morte.

Après un bref séjour à Genève où elle fit partie de la Section des Dames de l’AIT, fréquenta les réunions de l’AIT et les réfugiés de la Commune, elle partit comme préceptrice en Hongrie. Elle revint à Genève en 1874 quand son mari, libéré de prison, put la rejoindre. Elle travailla comme cordonnière et participa aux réunions de la Fédération jurassienne et des anarchistes, avec Elisée Reclus, Paul Brousse, Andrea Costa entre autres, En 1877 elle fut à l’initiative d’une "coopérative cordonnière", dont on ne sait pas si elle eut une réelle activité. On trouve un projet manuscrit de statuts dans ses papiers, qui n’est peut-être pas de sa main ; elle ne figure pas dans la liste des fondateurs publiée dans le Bulletin de la Fédération jurassienne du 14 octobre 1877.

Elle retourna à une date indéterminée – probablement après l’amnistie – s’établir à Paris. Du 14 au 20 juillet 1881, elle fut déléguée au congrès anarchiste de Londres par les groupes des 6e, 11e et 20e arr. de Paris, le Cercle anarchiste du 11e (mandat signé L. Roterman, secr.-corresp.), le Cercle d’études sociales du Vie arr. (mandat signé Vaillat et Guillet). Elle collaborait alors au journal La Révolution sociale, dont on sut plus tard qu’il était infiltré par des mouchards et subventionné par le préfet de police. Elle rencontra à Londres Gustave Brocher qui devint plus tard son mari, et avec lequel elle éleva plusieurs enfants de communards.

Le 9 mars 1883, elle participa avec Louise Michel et Émile Pouget à la manifestation de l’esplanade des Invalides et au sac de trois boulangeries. Elle écrivait au cours de ces années dans Le Cri du Peuple et dans les journaux anarchistes lyonnais La Lutte et Le Drapeau noir. Elle habitait alors passage de l’Elysée des Beaux-Arts (aujourd’hui rue André-Antoine, XVIIIe arr.). En 1884, après la mort de Jean Charles Rouchy dans un asile d’aliénés, elle entama une formation d’infirmière à l’hôpital de la Pitié.

Établie à Londres depuis 1886, elle fut cofondatrice et institutrice de l’école internationale dirigée par Louise Michel.

En 1892 elle s’installa à Lausanne où son second mari la rejoignit. Ils ouvrirent une librairie, puis une pension de jeunes gens jusqu’en 1912. Ils passèrent ensuite deux ans à Fiume où Gustave Brocher avait trouvé un poste d’enseignant.

En 1909, elle publia ses souvenirs sous le nom de Victorine B., narrant ses luttes de la fin du Second Empire et sa participation à la Commune de Paris.

De 1915 à 1919, elle collabora au périodique de l’anarchiste lausannois Jean Wintsch, La Libre Fédération. Le couple Brocher s’établit ensuite à Levallois-Perret, puis revint à Lausanne lorsque Victorine tomba malade en 1921. C’est là qu’elle mourut le 4 novembre.

"A Genève, comme plus tard à Londres et à Lausanne, elle fut la providence de quiconque en appelait à son secours : elle recueillait enfants et adultes, créait des soupes pour les proscrits, ne gardant rien, absolument rien pour elle…" (Gazette de Lausanne)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154273, notice BROCHER Victorine (née MALENFANT, épouse ROUCHY puis BROCHER) [Dictionnaire des anarchistes] par Marianne Enckell, version mise en ligne le 12 avril 2014, dernière modification le 14 août 2021.

Par Marianne Enckell

ŒUVRE : Souvenirs d’une morte vivante, Lausanne, Lapie, 1909 ; rééd. Maspero 1976, La Découverte 2002, Libertalia 2017.

SOURCES : Gazette de Lausanne, 9 novembre 1921, nécrologie par Jean-Elie David — Questions diverses, Publications de La Révolte et des Temps nouveaux n° 10, 1922. — Marc Vuilleumier, "Gustave Brocher", Mémoire Vive, 1993 — Constance Bantman, "Anarchismes et anarchistes en France et en Grande-Bretagne, 1880-1914", thèse soutenue à l’université Paris-XIII, 2007 — L’Humanité, 25 nov. 1921, nécrologie par Louise Bodin. — Lettres à Jacques Gross, 1909-1912, Gross Papers, IISG Amsterdam. — Gustave Brocher Papers, IISG Amsterdam. — Bulletin de la Fédération jurassienne 41, 14 octobre 1877. — Heiner Becker, "Victorine Brocher", Itinéraire 11, 1993.

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