GERMAIN André, Eugène [Dictionnaire des anarchistes]

Par Rolf Dupuy, Marianne Enckell

Né le 15 juin 1900 à Paris VIe arr., mort le 8 janvier 1982 à Fontenay-le-Comte (Vendée) ; représentant de commerce, comptable ; anarchiste, pacifiste.

André Germain à Barcelone en 1935. Coll. part.

André Germain, fils d’Eugène (employé à l’Assistance Publique) et de Marthe Gabernache, était l’aîné de quatre frères. Il avait commencé à militer depuis 1917 au moins au Groupe anarchiste d’études scientifiques et participait fréquemment aux sorties champêtres organisées notamment à Garches, Saint-Cloud et Villeneuve-l’Etang par les Amis du Libertaire et le journal La Mêlée. Il logeait alors chez ses parents, 13 rue Compans (Paris 19e arr.), d’où le 30 juin 1917 il fugua, selon la police, après avoir dérobé 115 francs à ses parents. Il se réfugia chez le compagnon Folscher, 84 rue de Ménilmontant, où la police le retrouva le 25 juillet suivant après que la famille avait signalé sa disparition. Le 18 avril 1918, il quitta une nouvelle fois le domicile paternel pour échapper à la conscription et gagna l’Espagne où il allait rester jusqu’en avril 1919.
A Barcelone il se fit appeler José Venuti et exerça diverses professions (maçon, journalier, manœuvre…). Il fréquenta alors les milieux anarchistes espagnols et plusieurs anarchistes français déserteurs et réfugiés dans la capitale catalane (cf. rapport de police du 2 août 1919).
Revenu à Paris au printemps 1919, il fréquenta les locaux du Libertaire, 69 boulevard de Belleville. Début août 1919, il se rendit dans les Ardennes, avec Marcelle Canard, où il aida le compagnon espagnol Enrique Jornet Artal, expulsé de France par arrêté du 9 février 1917, et sa compagne Marthe Fréville à échapper à la police et à passer en Belgique A sa sortie d’un mois de prison en juillet 1919 pour infraction à l’arrêté d’expulsion, Enrique Jornet, militant de la CNT et déserteur de l’armée espagnole, avait reçu de Germain son passeport et une somme d’argent du groupe Les bons bougres, puis avait gagné Renwez (Ardennes) pour y rejoindre Germain chez Lucien Chrisment, ancien déserteur en 1909 et ancien compagnon de Marcelle Canard, avant de passer en Belgique.
Il vécut ensuite en Espagne où il fit venir son frère Maurice Germain à Madrid. Après la proclamation de la République il parcourut avec son frère diverses régions d’Espagne comme représentant en produits orthopédiques. Il épousa en 1930 Simone Debut, avec laquelle il avait eu une fille née en 1924.
En 1930, il fut condamné à trois mois de prison pour son insoumission dix ans auparavant. En 1932, il résidait à Joigny (Orne). Vers 1934 il partit pour l’Amérique latine et travailla successivement au Brésil et en Uruguay. En 1936 il était au Portugal et, au moment du soulèvement militaire de juillet 1936, retourna en Espagne où il allait se voir confier des postes de responsabilité par la CNT-FAI.
Revenu à Paris, il fut le responsable de l’agence de presse espagnole du 24 Boulevard Saint-Denis, avec notamment Manuel Mascarell et Nemesio Galvé, représentants de la CNT-FAI à Paris, puis l’administrateur de l’hebdomadaire bilingue La Nouvelle Espagne antifasciste-La Nueva España antifascista (Paris, 20 septembre 1937- 17 novembre 1938, 60 numéros), dont le gérant était Albert Soulillou. Il servait également d’intermédiaire entre la FAI et les Espagnols résidant clandestinement en France.
Lors de la Retirada de janvier-février 1939, il accueillit au local du boulevard Saint-Denis de nombreux compagnons auxquels était versé un premier secours. A la même époque il fut l’un des gestionnaires des fonds de la CNT-FAI pour le Conseil général du mouvement libertaire. Il logeait alors au n°2 square du Limousin (13e arr.). En juin 1939 il fut témoin de la noyade à La Ferté-sous-Jouarre de Mariano Rodriguez Vazquez, le secrétaire de la CNT.
Il fut également le gérant du journal Democracia (Paris, 3 numéros du 2 au 23 septembre 1939), dont l’administrateur était J. Nieves, qui était édité par le Mouvement libertaire espagnol et dont la rédaction se trouvait 7 rue Taylor (10e arr.) dans un local loué par Germain depuis juin 1939. Le journal fut interdit par les autorités le 1er octobre 1939. Parallèlement Germain servit également de boîte aux lettres entre les compagnons espagnols internés dans les camps et les responsables de la FAI et de la CNT, notamment ceux qui s’étaient réfugiés en Belgique.
Après la mort de Mariano Rodriguez Vazquez, il fut l’un des dépositaires des archives de la CNT-FAI évacuées en France – archives stockées en partie dans des locaux qu’il avait loué 30 rue Réaumur après la fermeture en juillet 1939 du local du boulevard Saint-Denis – puis l’un des signataires de l’accord passé en 1939 avec l’Institut international d’Amsterdam en vue de la conservation de ces archives.
En 1940, il prêta une identité à Federica Montseny, ancienne ministre anarchiste en Espagne réfugiée en France, qui vécut sous le nom de « Fanny Germain » dans l’appartement familial, 13 rue Compans (Paris XIXe arr.). D’après sa famille, il collectionnait les documents d’identité pour en faire bénéficier des compagnons.
Lors de l’exode, il se cacha en Dordogne avec sa femme et leur fille, jusqu’en 1942 ; il continua à fréquenter et héberger des républicains espagnols et des familles juives ; il y procura un logement à la famille de Federica Montseny. Puis il vécut à Nice, gérant d’un hôtel, avant de revenir en région parisienne après la guerre. Il fit alors quelques semaines de prison pour désertion. A sa retraite en 1965, il s’installa à Fontenay-le-Comte.
Il ne doit pas être confondu avec André Germain (pseudonyme), mort en 1964, à qui il avait fourni ses papiers d’identité.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154304, notice GERMAIN André, Eugène [Dictionnaire des anarchistes] par Rolf Dupuy, Marianne Enckell, version mise en ligne le 13 mai 2020, dernière modification le 14 mai 2020.

Par Rolf Dupuy, Marianne Enckell

André Germain à Barcelone en 1935. Coll. part.

SOURCES : Entretien avec Ch. Anderson le 15 juillet 1988. — Arch. Nat. Pierrefitte, 1994044/157, dossier n°23. – AD Ardennes 1M143. — Arch PPo GA 189, dossier Montseny. — Etat civil Paris. — Federica Montseny, Mis primeros cuarenta años, Barcelona 1987. — Informations et documents reçus de Gilles Germain et de Bernard Reviriego.

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