MARTIN Pierre [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, Guillaume Davranche

Né le 16 août 1856 à Vienne (Isère), mort le 6 août 1916 à Paris ; ouvrier tisseur, puis photographe ambulant ; anarchiste ; animateur du Libertaire et de la Fédération révolutionnaire communiste dans les années 1910.

Pierre Martin (1916)
Pierre Martin (1916)
Sur son lit de mort. Arch. Louis Lecoin.

Du « demi-quarteron » des débuts à la résistance à la guerre de 1914-1918, Pierre Martin fut actif pendant plus de 45 ans, mais son rôle dans l’anarchisme français a souvent été sous-estimé. D’abord un des meneurs du « parti anarchiste » dans l’Isère, il joua, dans les années 1910, un rôle d’envergure nationale au Libertaire et à la FCA. « Grand ancien » de l’anarchisme au même titre qu’un Jean Grave, qu’un Émile Pouget ou qu’un Sébastien Faure, il jouissait, à la différence de ces compagnons, d’une autorité morale unanimement respectée par les diverses fractions anarchistes.

Fils d’un couple d’ouvriers journaliers illettrés, Pierre Martin était bossu. Il fut, dans les années 1870, actif au sein du Cercle progressif des travailleurs animé, à Vienne, par Alphonse Ailloud. Le 19 avril 1879, il épousa à Vienne Fanny, Adèle, née Chaumond, tailleuse, née le 20 avril 1855.

Ame des Indignés de Vienne

En octobre 1880, le Cercle progressif des travailleurs se rebaptisa Cercle d’études sociales (CES) et décida, suivant l’orientation du congrès ouvrier du Havre, de présenter des candidats aux élections. Les militants hostiles à cette stratégie fondèrent alors le groupe anarchiste Les Indignés, qui mena ses propres activités, tout en restant actif au sein du CES.

Pierre Martin fut le principal animateur de ce groupe très dynamique, surnommé par la police « la bande à Martin », et qui domina bientôt le mouvement ouvrier viennois. Il reçut la visite de Kropotkine, d’Élisée Reclus, et entretint des rapports étroits avec l’anarchisme lyonnais. En revanche, contrairement à une légende tenace, Pierre Martin n’était présent ni à une réunion internationale à Vevey (Suisse) le 12 septembre 1880, ni au congrès international de Londres le 14 juillet 1881. C’est par erreur qu’un rapport policier sans date, mais vraisemblablement postérieur d’une dizaine d’années [Arch. Nat. F7/12504], a donné ces indications.

Le 30 octobre 1881 Pierre Martin fit une intervention remarquée en tant que délégué de Vienne à une grande réunion organisée par la Fédération révolutionnaire lyonnaise, à Lyon, salle de l’Alcazar. « Cette éloquence qui du cœur monte aux lèvres de celui qui parle et des lèvres va directement au cœur de la foule qui l’écoute, notre ami la possédait à un degré rare », devait écrire Sébastien Faure dans la nécrologie qu’il lui consacra dans CQFD du 12 août 1916.

En 1881, le couple Martin habitait au 15, rue des Imbardes, à Vienne.

À la suite des violentes manifestations de Montceau-les-Mines, en août 1882, et de l’attentat de L’Assomoir, à Lyon (voir Cyvoct), Pierre Martin fut arrêté à la mi-octobre 1882, et traduit en justice dans le cadre du « procès des Soixante-six » (voir Toussaint Bordat). Le procès s’ouvrit le 8 janvier 1883 à Lyon devant le tribunal correctionnel. Selon les charges retenues contre eux, l’accusation avait classé les prévenus en deux catégories. Prévenu de la deuxième catégorie (la plus « dangereuse »), Pierre Martin fut condamné, le 19 janvier 1883, à quatre ans de prison, 2.000 francs d’amende, dix ans de surveillance et cinq ans de privation des droits civiques civils et de famille. Il fut interné à la prison centrale de Clairvaux.

D’une santé fragile, Pierre Martin souffrit beaucoup des conditions carcérales, et dès septembre 1883 il dut être hospitalisé, victime d’une inflammation pulmonaire. Le Drapeau noir et Le Révolté tirèrent la sonnette d’alarme. Dans un rapport « confidentiel » du 6 août 1885 qui résumait les notes du directeur de Clairvaux, Pierre Martin était présenté comme « très intelligent. D’une instruction très supérieure à celle que possèdent d’ordinaire les ouvriers des grandes villes. Nature très sensible, généreuse ; doué d’une grande énergie morale ; semble profondément convaincu de ses idées ». 

Ayant bénéficié d’une remise de peine, Pierre Martin revint à Vienne en janvier 1886. En février, mars et avril, il soutint activement la grève de Decazeville, qui vit la mort de l’ingénieur Watrin. Il sillonna les routes de la région, accompagné d’un camarade surnommé « le caissier » pour récolter des fonds en soutien aux grévistes. Le 8 mars, il fut cité comme témoin à décharge au procès du meneur François Soubrié.

En 1887, en désaccord avec l’orientation modérée du CES, le groupes Les Indignés créa son propre cercle d’entraide ouvrière, L’Émancipation.

À l’approche du 1er mai 1890, les anarchistes de Vienne menèrent une intense propagande pour donner à cette journée un caractère révolutionnaire. Leur campagne culmina avec la venue des militants parisiens Alexandre Tennevin et Louise Michel, qui le 29 avril prirent la parole devant 3 000 personnes dans la cour du théâtre. Les 30 avril et 1er mai, les deux Parisiens ayant quitté Vienne, de nouveaux meetings eurent lieu. Le maire ayant tenté d’intervenir dans celui du 1er mai, il fut expulsé de la salle et le commissaire de police fut blessé. Un cortège se forma, précédé des drapeaux rouge et noir. Les manifestants se proposaient de débaucher les ouvriers de trois usines qui n’avaient pas suivi le mot d’ordre de grève. La police et la gendarmerie intervinrent. Les manifestants rebroussèrent chemin et pillèrent les magasins de Brocard, le patron honni d’une filature. Puis la manifestation se dispersa. L’après-midi, la ville fut mise en état de siège et une soixantaine d’arrestations furent opérées. Les grèves durèrent quelques jours puis, le 6 mai, le travail reprit partout.

Le 8 août 1890, la cour d’assises de l’Isère jugea 21 inculpés, hommes et femmes, dont trois en fuite. La plupart des hommes étaient des militants anarchistes. Pierre Martin, Tennevin et Buisson* furent les principaux inculpés, mais comparurent également Cellard, Huguet (16 ans), Piollat, Lombard, Garnier, Genet et Chatain. Les femmes (dont six jeunes filles) étaient ouvrières chez Brocard, où avait eu lieu le pillage. La presse ne donna pas leur nom. Trois anarchistes en fuite — Zeisslof, Bardin et Gros — furent jugés par contumace. Assurant sa défense lui-même, Pierre Martin dénonça les conditions de travail dans les usines textile. Il signala que des tisseuses et des petits appondeurs travaillaient 18 heures par jour et que le service de nuit, pour des femmes, durait de 19heures à 5 heures et demie du matin sans interruption. Ces faits furent reconnus exacts à l’audience. À l’occasion de ce procès, qui passionna la population ouvrière de la région, Le Petit Dauphiné républicain du 9 août 1890 donna de Pierre Martin le portrait suivant : « C’est un petit homme, l’air souffreteux, rabougri, mais à la figure intelligente, dont les yeux brillent d’un vif éclat. »

Au terme du procès, tous les prévenus furent acquittés, à l’exception de Tennevin, de Buisson et de Pierre Martin, qui furent lourdement condamnés. Pierre Martin écopa de cinq ans de prison, dix ans d’interdiction de séjour et 200 francs d’amende. Il se pourvut en cassation, et fut rejugé devant la cour d’assises de Gap le 8 décembre 1890. De nouveau, la salle d’audience fut trop petite pour contenir tous les spectateurs. Le tribunal condamna Pierre Martin à trois ans de prison et à cinq ans d’interdiction de séjour à Vienne.

De sa prison à Gap, Pierre Martin écrivit à plusieurs reprises à Jean Grave. Il évoquait son procès où il parla deux heures : « Le tout coûte trois ans de prison et cinq d’interdiction de séjour. Ce n’est rien en raison des résultats » (20 décembre 1890). Plus tard, de la prison d’Embrun, le 17 juin 1893 : « Encore cinquante et quelques jours de réclusion à supporter. » Il parlait parfois de sa faible constitution « issue de prolétaires, elle a enduré les misères de cette classe et quelquefois d’une façon plus douloureuse en raison de sa faiblesse [...] voilà bientôt trente-sept ans ». Il parlait aussi de ceux, souffreteux, dont la vie est sans joie s’ils n’ont pas la possibilité de connaître l’étude : « J’ai échappé à cette triste existence ; à qui le dois-je ? Aux idées anarchistes, à l’amour de l’étude qu’elles m’ont suggéré, aux aspirations enthousiastes qu’elles ont fait germer en moi ; à cette généreuse philosophie qui se dégage de ces idées mêmes et qui vous fait voir la vie sociale comme un combat acharné entre l’équité et le mensonge, entre le labeur et le parasitisme, combat dans lequel vous vous sentez entraîné avec la confiance que la victoire en fin de compte restera à la justice et au travail. »

Pierre Martin fut libéré le 12 août 1893 après avoir, de nouveau, beaucoup souffert de son séjour en prison. Après un passage par Grenoble, il rendit visite à sa mère, servante de ferme à Saint-Jean-de-Bournay.

Condamné au nomadisme

En octobre 1893, après être passé par Valence, il se fixa à Romans (Drôme), avec sa femme, et travailla comme tailleur puis comme fondeur. Il entretint des relations avec les anarchistes de la région, mais fut beaucoup moins actif qu’à Vienne.

Cependant, l’époque était aux attentats, et Pierre Martin fut victime de la répression générale contre l’anarchisme.

Perquisitionné le 9 février 1894, il fut arrêté le 18 février 1894 avec neuf autres militants de Romans et de Bourg-de-Péage. Tous furent transférés à la prison de Valence, et inculpés, avec plusieurs Valentinois, de « participation à association de malfaiteurs ». Pierre Martin protesta contre l’arbitraire de son emprisonnement, affirmant que depuis sa libération d’Embrun il n’avait participé à aucune réunion anarchiste.

Par ailleurs, il désapprouvait aussi bien l’illégalisme que le terrorisme, comme il l’écrivit à une cousine le 23 mars 1894 : « Qu’on n’aille pas se figurer que j’épouserai les monstruosités accomplies par quelques misérables égoïstes qui érigent le vol en théorie pour satisfaire leurs jouissances de parasites, ou que j’applaudisse à des folies de destruction stupide commises par des écervelés. »

Pierre Martin bénéficia d’un non-lieu le 10 mai, et quitta Romans pour Saint-Vallier, où il devint photographe ambulant, vivant en roulotte. Ce nomadisme devait lui permettre d’échapper aux tracasseries policières. Il militait beaucoup moins mais, en 1899 et en 1903, on le vit dans des meetings à Vienne.

Sa notoriété restait suffisante pour qu’en 1901, le syndicat des métallurgistes de Valence lui confie son mandat au congrès de l’Union fédérale des métallurgistes de France, à Saint-Étienne. Il rendit compte du congrès le 10 mars 1901 à Valence, et y rappela les efforts tentés par les ouvriers de Valence « pour se syndiquer, et les mesures prises par les patrons pour briser ce qui cependant est légal ».

Interdit de séjour dans la Drôme, Pierre Martin quitta Saint-Vallier en 1902, pour aller s’établir de l’autre côté du fleuve, sur la rive ardéchoise du Rhône, dans la commune de Sarras. Il y était, en mars 1906, l’objet de poursuites, avec les autres signataires d’une affiche de l’Association internationale antimilitariste (AIA), apposé à Saint-Vallier le jour du conseil de révision (9 mars 1906). Le tribunal de Valence conclut par un non-lieu.

Syndicaliste révolutionnaire à Lyon

Pierre Martin se fixa ensuite à Lyon où il devint un des animateurs du groupe anarchiste L’Émancipation. En août 1908, au moment des événements de Villeneuve-Saint-Georges, il était en outre membre de l’Union des syndicats du Rhône (USR) et, depuis mars, gérant du périodique néomalthusien Régénération. Le 7 août il fut un de ses orateurs dans un meeting de protestation à Oullins contre la tuerie gouvernementale et l’arrestation des dirigeants de la CGT.

En août 1909, il prit encore la parole au nom de l’USR dans un meeting de protestation contre la venue du tsar en France et, à l’automne, il participa à la campagne contre l’exécution de Francisco Ferrer.

Figure du Libertaire et de la FCA

En 1910, Pierre Martin eut envie de visiter la capitale, qu’il n’avait jamais vue. Il se rendit alors à Paris, et ne devait plus en repartir. Arrivé en plein débat sur le projet de Parti révolutionnaire (voir Miguel Almereyda), il y fut d’abord favorable, puis se ravisa, ne croyant pas à la sincérité antiparlementaire des socialistes insurrectionnels. Il milita alors en faveur d’une organisation des anarchistes débarrassés de leurs « discutailleries stériles, démoralisantes », de leurs « logomachies d’antan sur les entités Autorité, Liberté, voire sur telles puérilités comme la jalousie ou l’amour libre » (Le Libertaire du 26 juin 1910).

Les militants parisiens lui demandèrent de rester à Paris et de succéder à Louis Matha comme administrateur du Libertaire, ce qu’il accepta. Il s’installa alors dans les locaux du journal, 15, rue d’Orsel, à Paris 18e.

Le 12 septembre 1910, une commission de réorganisation du Libertaire fut définitivement constituée avec cinq membres : Anna Mahé, Émile Dulac, Pierre Martin, Henry Combes et Élie Murmain. Cette commission détermina une profonde réorientation du Libertaire, qui abandonna son éclectisme pour devenir un hebdomadaire purement anarchiste communiste et prosyndicaliste révolutionnaire. Par la suite, Pierre Martin signa de nombreux articles dans Le Libertaire, parfois sous le nom de Pamphile.

Pendant la grève des cheminots d’octobre 1910, la police perquisitionna les locaux du Libertaire, y cherchant des explosifs. Pierre Martin fut brièvement arrêté, puis relâché.

En novembre 1910, Pierre Martin participa à la fondation de la Fédération révolutionnaire communiste (FRC). Le 10 avril 1911, il constitua, avec Auguste Dauthuille, Hubert Beaulieu et André Schneider, son comité directeur. Pierre Martin était alors un des personnages qui comptaient dans l’anarchisme français. Moins connu du grand public que deux autres vétérans, Jean Grave et Sébastien Faure, il était de loin le plus populaire dans les milieux anarchistes. Ses prises de position, à la fois nuancées et sans ambiguïté, que l’on retrouvait dans les éditos du Libertaire, le faisaient respecter aussi bien des cégétistes que des individualistes de l’anarchie, des militants des Temps nouveaux et, a fortiori, de ceux de la FRC.

Le 27 mars 1912, il comparut devant la cour d’assises pour l’article « La révolte féconde » paru dans Le Libertaire du 2 septembre 1911, et fut acquitté.

En avril 1912, il cofonda les Amis du Libertaire pour venir en aide à l’hebdomadaire au bord de la faillite. Il fut également membre de la commission de contrôle des comptes de l’Entr’aide, une caisse de solidarité avec les militants emprisonnés et leurs familles, impulsée par la FCA en juin 1912. Le comité de l’Entr’aide rassemblait une quarantaine de « personnalités » communistes libertaires et syndicalistes révolutionnaires (voir Édouard Lacourte).

Durant l’affaire des « bandits en auto » (voir Jules Bonnot), Pierre Martin s’efforça de tenir une position équilibrée. Son éditorial du 6 avril 1912, intitulé « Héroïsme illégal et banditisme légal », se refusait à condamner les « bandits illégaux », incomparablement moins meurtriers que les « bandits légaux » du colonialisme français. Tout en affirmant que leur action n’avait rien de révolutionnaire, il reconnaissait que leur geste était un geste de révolte et, contrairement à Jean Grave, ne cherchait à pas à s’en dissocier. Si les « bandits en auto » avaient visé autre chose que leur enrichissement personnel, écrivait-il, « nous n’aurions pas hésité à reconnaître leurs actes comme des faits de guerre, car la guerre est toujours déclarée, pour nous, entre le Travail et le Capital. Mais,bien que nous considérions que ces hommes ne servent en rien l’idéal que nous poursuivons, nous sommes obligés de reconnaître néanmoins que, comme bandits, ils sont moins lâches que les bandits légaux ». Par la suite, en février 1913, lors du procès des « survivants » de la bande, Pierre Martin vint témoigner à décharge de Victor Kibaltchiche (voir Victor Serge).

Le 12 novembre 1912, il prit la parole au grand meeting de la FCA aux Sociétés-savantes, « Si la guerre éclate... ce que nous ferons » (voir Édouard Boudot).

Au congrès national anarchiste d’août 1913, Pierre Martin donna un rapport sur l’organisation des anarchistes. Il fit également un des discours les plus remarqués du congrès sur la nécessaire séparation entre communistes révolutionnaires et individualistes. « Entre vous et nous, il n’y a pas d’entente possible », lança-t-il au responsable de l’anarchie, Mauricius. À ce même congrès, il plaida pour que les anarchistes ne tournent pas le dos à la CGT malgré sa « rectification de tir » et au contraire s’y investissent davantage. À l’issue du congrès, il fit partie de la commission de huit membres chargée de constituer définitivement la nouvelle Fédération avec Louis Assier, Lucien Belin, André Girard, Gabriel Lacaze, Jules Lepetit, André Schneider et Albert Togny.

Le dimanche 31 août, Pierre Martin participa au nom de la Fédération communiste anarchiste révolutionnaire (FCAR) à un grand meeting pacifiste à La Haye (Pays-Bas), aux côtés de l’Allemand Fritz Kater et du Néerlandais Domela Nieuwenhuis. Ce meeting qui attira 5 000 auditeurs était une réplique à l’inauguration, le 28 août, du Palais de la Paix, abritant la Cour permanente d’arbitrage dénoncée comme une imposture.

A l’automne 1913, il fit partie du comité de parrainage de la coopérative Le Cinéma du peuple (voir Yves Bidamant).

Pierre Martin apparaissait, à la veille de la guerre, comme la figure anarchiste la plus unanimement respectée dans le mouvement, toutes fractions confondues. Dans son édition du 18 juin 1914, l’anarchie, pourtant en guerre contre la FCAR, déclara : « Pierre Martin est un sincère et malgré ses lacunes — qui n’en a pas — est de la race des apôtres intransigeants et farouches [...], il apparaît comme une figure robuste et âpre. »

Résistant à la guerre

Pierre Martin figurait au Carnet B. Pendant la guerre de 1914-1918, il combattit l’union sacrée. Un rapport de police, du 26 mars 1915 note que les événements avaient « exalté son fanatisme » et qu’il vouait aux gémonies les anarchistes comme Émile Aubin ou Zibelin qui avaient trahi leurs convictions en se ralliant à la défense nationale.

Pierre Martin animait alors les réunions des Amis du Libertaire, sur une ligne pacifiste. En avril 1915, la police perquisitionna chez lui. Il était cependant de plus en plus démuni et ne survivait que grâce à l’aide de Léontine Moulin et des camarades de la FCAR se cotisant pour lui. En décembre 1915, il fit tirer dans les locaux du Libertaire le manifeste contre la guerre que Pierre Ruff et Louis Lecoin avaient rédigé en prison.

Pierre Martin mourut au siège du Libertaire, 15, rue d’Orsel, à Paris XVIIIe arr. Il fut incinéré au cimetière du Père-Lachaise le 9 août 1916. À ses obsèques, Sébastien Faure lui rendit hommage, et écrivit dans CQFD du 12 août 1916 : « Dans un corps petit et d’apparence chétive, une volonté de fer et une énergie indomptable. Sous une enveloppe quelque peu disgracieuse en raison de sa gibbosité, un cerveau exceptionnellement lucide et une conscience d’une rare beauté. » Pierre Martin possédait « à un degré rare cette éloquence qui du cœur monte aux lèvres de celui qui parle et de ses lèvres va directement au cœur de celui qui l’écoute ». Louis Lecoin, qui considérait Pierre Martin comme son mentor, salua avec émotion dans ses mémoires cet « être d’exception, unique ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154338, notice MARTIN Pierre [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, Guillaume Davranche, version mise en ligne le 13 mars 2014, dernière modification le 8 octobre 2022.

Par Jean Maitron, Guillaume Davranche

Pierre Martin (1916)
Pierre Martin (1916)
Sur son lit de mort. Arch. Louis Lecoin.
Pierre Martin
Pierre Martin
Porrtait conservé par l’IHS-CGT de Vienne

SOURCES : État-civil de Vienne — CAC Fontainebleau 19940437/art337 (dossier Henry Combes) — Arch. Nat. BB 18/11816, 1090, A 90, BB 24/875 et F7/13061 — Arch. PPo. BA/1175 — AD Isère, 75 M 1 — AD Drôme, 21U209-232 et Z5869-5946 (recherches de R. Pierre) — AD Rhône 2FI 1349 —Arch. Jean Grave (IFHS) — Le Temps du 18 octobre et du 10 novembre 1910, et du 22 septembre 1911 ― Le Petit Parisien du 28 mars 1912 et du 19 février 1913 — Le Libertaire de la période 1910-1914 et du 9 juin 1922 — l’anarchie du 18 juin 1914 — Jean Maitron, Histoire du Mouvement anarchiste en France, tome I, Gallimard, 1975. — Carole Reynaud-Paligot, « Pierre Martin, militant anarchiste de la fin du siècle dernier », Gavroche, nov.-déc. 1992, pp. 8-12 — Caroline Reynaud-Paligot, « Une décennie parmi les anarchistes viennois, 1880-1890 », IEP de Grenoble, 1988 — Max Nettlau, Anarchisten und Sozialrevolutionäre [1931],rééd. Münster, Bibliothek Thélème, 1996 — Vivien Bouhey, Les Anarchistes contre la république, PUR, 2006 — Guillaume Davranche, Trop jeunes pour mourir. Ouvriers et révolutionnaires face à la guerre (1909-1914), L’Insomniaque/Libertalia, 2014 ― Gérard Jolivet, "La CGT vienoise dans la Grande Guerre", Bulletin de la société des amis de Vienne, n°109, 2014, tasc. 1 et 4. — Notes de Marianne Enckell et de Dominique Petit.

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