TANAROFF Alexander [dit Sacha Piotr ou Pietra, ou Schapiro] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Marianne Enckell

Né le 11 octobre ou le 10 novembre 1889 à Novozybkov (Russie), dans une famille juive, mort à Auschwitz vers 1942. Photographe, père du mathématicien Alexandre Grothendieck. Actif dans les milieux anarchistes en Russie, Ukraine, France, Allemagne.

À 14 ans, « Sascha Piotr » rejoignit les groupes anarchistes, participa à la révolution de 1905, fut emprisonné. Lors d’une tentative d’évasion en 1909 ou 1910, il fut blessé au bras gauche et dut être amputé. Libéré par la révolution de 1917, il combattit avec l’armée de Makhno, puis se réfugia à Paris où il travailla comme photographe ambulant et participa à la Revue internationale anarchiste (1924-1925) où il publia au moins deux articles. Il fit partie du comité de l’Œuvre internationale des éditions anarchistes (voir Férandel). En 1925 il était hébergé à Fontenay-sous-Bois chez le compagnon italien Onofrio Gilioli dans la maison à deux étages que ce dernier avait construite de ses mains et où il accueillit de nombreux autres militants.

Il avait eu une compagne en Russie, Rachel ou Rachil Schapiro, et un fils, né vers 1918, dont la trace se perdit après qu’ils eurent passé plusieurs années en camp.

Sacha rejoignit sa compagne Hanka Grothendieck à Berlin vers 1926, fréquenta les milieux anarchistes russes autour d’Alexander Berkman, se lia avec l’écrivain Theodor Plievier qui lui consacra une nouvelle (Stienka Rasin, 1927). Le couple s’exila en France, lui en été 1933, elle pendant l’hiver suivant, laissant en Allemagne leurs enfants (la fille de Hanka et leur fils, le futur mathématicien Alexander Grothendieck).

Dès l’été 1936, « Sacha Pietra » se rendi en Espagne (sa compagne l’y rejoignit début septembre 1936, pour un temps indéterminé) ; en mars 1937, il participait à une assemblée des miliciens étrangers où il déclarait : « Moi je ne suis pas milicien, mais j’ai été en Russie où j’ai vécu la Révolution et j’ai pu remarquer la façon dont on s’est débarrassé des anarchistes là-bas. » (Supplément au Bulletin d’information CNT FAI, Barcelone, 19.6.37)

De retour en France, « Alexandre Tanaroff » s’établit à nouveau en région parisienne où il fut hébergé par la famille de Julien Malbet, et où sa compagne et leur fils, qui vivaient à Nîmes, le rejoignirent en 1939. Il écrivit pour des journaux russes en Amérique (Probuzhdenie, Rasvete). En septembre, ils se rendirent à Nîmes où ils firent les vendanges. Le 30 octobre, Alexandre Tanaroff fut arrêté et interné au camp du Vernet (Ariège), où il put recevoir de l’aide de May Picqueray, bien qu’il soit dans la section des punis ; selon May Picqueray, qui le connaissait sous le nom de Sacha Piotr, il « s’attendrissait non pas sur son sort, qui est celui des militants, mais sur celui de sa compagne et de son petit garçon, également internés dans un camp d’Auvergne ». Il correspondait avec « Mme Makhno, qui est elle-même en relation avec les milieux anarchistes et semble avoir essayé de faire sortir illégalement des internés (a été l’objet d’un rapport spécial) » (AD Ariège). Il passa ensuite au camp de Noé (Haute-Garonne), le 16 juin 1941. De là il fut déporté le 14 août 1942 à Auschwitz où il mourut.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154376, notice TANAROFF Alexander [dit Sacha Piotr ou Pietra, ou Schapiro] [Dictionnaire des anarchistes] par Marianne Enckell, version mise en ligne le 30 mars 2014, dernière modification le 23 décembre 2021.

Par Marianne Enckell

SOURCES : AD Gard 1W174 — Materialien zu einer Biographie von Alexander Grothendieck, zusammengestellt von Winfried Scharlau, 2008 — Alexandre Grothendieck, Clef des Songes, et plus généralement http://www.grothendieckcircle.org — BDIC, Nanterre : Archives de la Ligue des droits de l’homme — May Picqueray, May la Réfractaire, Paris, 1979. — May, « Morts en exil », Liberté, 15 mars 1959. — Theodor Plievier, Stienka Rasin, trad. Marc Schweyer, Strasbourg, 1972. — Notes de Michèle Descolonges, Rolf Dupuy, Daniel Vidal et Anne Steiner — Fonds de périodiques au CIRA Lausanne.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable