FÉRANDEL Séverin [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy

Né à Barcelonnette (Basses-Alpes) le 29 avril 1896, mort au Mexique en 1978 ; interprète ; militant anarchiste et syndicaliste.

Séverin Férandel
Séverin Férandel
Coll. Louis Lecoin

Séverin Férandel était fils d’un mécanicien cycliste né à Autrecourt (Meuse). Il avait commencé à militer très jeune dans la région d’Alès (Gard) où il participa aux tournées de conférences du mineur Emile Soustelle* auprès des travailleurs espagnols des centres miniers. Au début des années 1920 il collaborait au journal Le Fouet (Montpellier, une douzaine de numéros du 17 décembre 1921 à juin 1922), qui aurait cessé de paraître après l’arrestation de ses principaux collaborateurs lors d’une manifestation contre la guerre à Béziers. Il était secrétaire de l’Union locale CGT de la ville.

« Grand gaillard au langage savoureux qui sentait bon son Midi », ainsi l’a présenté Louis Lecoin dans son livre Le Cours d’une vie. C’était un militant sérieux, un bon orateur, parlant couramment l’anglais, l’allemand et l’espagnol ; il avait été interprète dans une agence de voyages avant de venir à Paris en 1922 pour y suivre les cours de l’École du propagandiste dirigée par A. Colomer sous le contrôle de l’Union anarchiste. Il assista au congrès de Saint-Étienne du 25 juin 1922 qui vit la naissance de la CGTU.

Anarchiste militant, il intervint au IIIe congrès de l’Union anarchiste qui eut lieu à Levallois, 2-4 décembre 1922, au IVe qui se tint à Paris les 12 et 13 août 1923 où il présenta le rapport au nom du Libertaire, et où il fut nommé avec P. Lentente* administrateur délégué du journal à la place de Soustelle. Le comité de rédaction du quotidien comprenait alors A. Colomer, Jean Galy*, Lucie Leauté*, L. Lecoin, P. Mualdés*, G. Bastien* et André Letourneur.

En 1924, Ferandel habitait 14 rue du Repos (Paris, 20e arr.). Il devint le responsable de l’Œuvre internationale des éditions anarchistes fondée en mai par des militants de diverses nationalités dont Ugo Fedeli*, V. Gozzoli*, A. Darcola (Italie), L. Olmedo et J. Bueno (Espagne), Y. Walecki (Pologne), Iacif (Bulgarie), Shoulim (Schwarzbard*, mouvement juif), "Sacha Piotr" (Tanaroff*, Russie) et Sébastien Faure*. Il était à la même époque le gérant de la revue trilingue (français, espagnol, italien) La Revue Internationale Anarchiste (Paris, 8 numéros du 15 novembre 1924 au 15 juin 1925). En 1925 il remplaça Colomer à la gérance des derniers numéros de La Revue Anarchiste (Paris, 35 numéros de janvier 1922 au 10 août 1925) avec laquelle La Revue Internationale Anarchiste venait de fusionner. Puis il devint, avec son amie Berthe Fabert, gestionnaire de la Librairie sociale internationale qu’avait créée l’Œuvre internationale des Éditions anarchistes ; la Librairie a publié en 1926-1927, sous le titre Publication mensuelle de la Librairie sociale internationale, au moins douze brochures signées par entre autres G. Thonar*, S. Faure, Kropotkine, Mauricius* et Laisant*. Il dut abandonner ses fonctions à la Librairie en 1927 pour des raisons personnelles et il fut remplacé par Nicolas Faucier*, gérant de la Librairie sociale qui dépendait alors de l’Union anarchiste communiste révolutionnaire (UACR).

Lors du congrès de l’Union anarchiste communiste (UAC) qui eut lieu à Orléans, 12-14 juillet 1926, il fut élu membre de la commission d’initiative. À l’issue du congrès de l’UAC, à Paris, 30 octobre-1er novembre 1927, qui fut un congrès de scission du fait du départ de ceux qui, avec Sébastien Faure, refusant d’appartenir à une organisation qu’ils assimilaient à un parti formèrent l’Association des Fédéralistes Anarchistes (AFA), Férandel fut nommé responsable avec P. Odéon* de la Fédération du Midi et secrétaire, ainsi que Chazoff*, de l’UAC devenue UACR. Il fut, avec ce dernier et Bastien*, un défenseur ardent de la nouvelle organisation, laquelle se dota de statuts qui en feront une formation avec cartes et cotisations.

Séverin Ferandel fut également le gérant de plusieurs titres de journaux édités par les compagnons italiens exilés en France dont : Bolletino del Comitato internazionale di difesa anarchica (Paris, 5 numéros de juillet à décembre 1927, dont il existait également une édition française et une édition espagnole), La Lotta Umana (Paris, d’octobre 1927 à avril 1929), bimensuel de l’Union Anarchiste Italienne (UAI) et dont le directeur était Luigi Fabbri, Primo Maggio (Paris, numéro unique du 1er mai 1928). Il fut également collaborateur du Libertaire et de l’Encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure ainsi que des journaux Le Semeur contre tous les tyrans (Falaise) et Terre Libre (Nîmes).

Férandel fut le trésorier, Lecoin en étant le secrétaire, du Comité International de Défense Anarchiste (CIDA) constitué en 1926 en faveur des anarchistes espagnols Ascaso, Durruti* et Jover emprisonnés en France pour "complot contre le roi d’Espagne" et dont l’Argentine demandait l’extradition. Près de 200 militants anarchistes espagnols réfugiés en France étaient alors l’objet de menaces d’expulsions pour les mêmes raisons. Les organisations suivantes avaient adhéré au CIDA : l’Union Anarchiste Communiste française, la Fédération Communiste Anarchiste espagnole, les sections communistes anarchistes russe, polonaise, bulgare et italienne, le Comité de secours russe et le Comité en faveur de Castagna et Bonomini*. Le CIDA participa également de manière très active à la campagne en faveur de Sacco et Vanzetti. « J’eus en lui un précieux collaborateur », a dit Louis Lecoin, « Il ne pensait jamais à me freiner ; il m’eût, au contraire, poussé à prendre plus d’initiatives. Quand nous aurons mené jusqu’au bout notre double action, seulement alors Férandel rompra notre attelage et s’en ira au Mexique » (in Le Cours d’une vie, op. cit.).

En novembre 1927 le CIDA avait également publié la brochure Comme au temps des Tsars : l’exil et la prison, parfois la mort contre les meilleurs révolutionnaires (46p.) consacrée à la répression en URSS, donnant une liste des prisons et des camps et citant les cas particuliers de 37 militants et militantes déportés en Union soviétique.

Férandel partit pour le Mexique en 1929, où il adhéra au syndicat de la chaussure. Trois ans plus tard, après avoir échappé de peu à l’expulsion, il dut cesser son activité militante ; il la reprit au moment de la guerre civile espagnole et, plus tard, après l’invasion de la France par les Allemands ; il travailla pendant la guerre à la France Libre ainsi qu’à d’autres mouvements similaires, époque à laquelle il éditait le journal anti nazi Libertad (Mexico). Après guerre il continua de suivre attentivement l’évolution du mouvement libertaire et entretint une correspondance suivie avec de nombreux compagnons.

Marié le 9 mars 1918 à Cette (Hérault), il eut une enfant de cette première union, Gisèle Ferandel (née à Sète en 1918, décédée en août 2011). Il se remaria à Mexico le 4 février 1931 avec une Mexicaine dont il eut deux enfants. Séverin Ferandel est décédé au Mexique en 1978.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154433, notice FÉRANDEL Séverin [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy, version mise en ligne le 11 avril 2014, dernière modification le 20 novembre 2022.

Par Jean Maitron, notice complétée par Rolf Dupuy

Séverin Férandel
Séverin Férandel
Coll. Louis Lecoin

SOURCES : Louis Lecoin, Le Cours d’une vie, op. cit. — Lettre de Séverin Férandel à Nicolas Faucier, 4 octobre 1972. — Le Réfractaire, n°42 octobre 1978 (nécrologie de N. Faucier) — État civil de Barcelonnette, 9 mai 1984. — R. Bianco, Un siècle de presse…, op. cit. — Notes de D. Dupuy — APpo BA 1900 — L. Bettini Bibliografia…, op. cit. — Antonio Senta, "Un’avventura editoriale del movimento anarchico negli anni Venti : l’Œuvre Internationale des Editions Anarchistes", Storia e futuro 23, 2010 — Informations transmises par la famille (septembre 2011).

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