SENEZ André, Jean, François [dit Morgane A.] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, complété par Guillaume Davranche, Rolf Dupuy, Dominique Petit

Né le 8 octobre 1917 à Paris (Xe arr.), mort le 20 février 1998 en Touraine ; cordonnier ; anarchiste et syndicaliste.

En novembre 1932, à l’âge de 15 ans, André Senez adhéra aux Jeunesses communistes. Il les quitta au moment du Pacte Laval-Staline, en mai 1935, pour rejoindre les Jeunesses anarchistes communistes, liées à l’Union anarchiste (UA).
Le 3 avril 1936, il fit paraître un article dans le Libertaire, intitulé « Verdun, vision d’histoire ».
Le 30 janvier 1937, il épousa à Paris (XXe arr.) Georgette Grillère.
En février 1937, il fut secrétaire du groupe des Jeunesses syndicalistes-anarchistes, affilié à la CGT-SR.
En 1937, il avait été exempté du service militaire, pour paralysie partielle de la jambe gauche.
Fin 1937 d’après ses souvenirs, en désaccord « avec la position de René Frémont sur l’Espagne » et « au sectarisme » de l’UA, il abandonna l’UA et se rapprocha peu à peu de la Fédération anarchiste de langue française (FAF).
Au début des mouvements de grèves de 1937-1938, il avait arboré un drapeau noir à sa fenêtre.
En mars 1938 il fonda un Club d’études et d’action anarchistes à Paris 20e, qui se réunissait les 2e et 4e mardi de chaque mois à 20 h 30 dans une petite salle du café Lejeune, 67 rue de Ménilmontant. Ce groupement formé de toutes les tendances de l’anarchie était un centre de libre discussion où chacun pouvait apporter son point de vue. Les membres appartenaient pour la plupart à la Fédération anarchiste Française (FAF) et au groupe synthèse anarchiste. Le groupe faisait paraître ses communiqués dans La Patrie humaine et le Combat syndicaliste.
Senez demeurait à cette époque 76 rue des Rigoles (XXème arr.).
En août 1938, il figurait sur la liste des anarchistes surveillés, transmise bi-mensuellement au Cabinet du Préfet.
Depuis 1940, il était domicilié 7 rue de Tourtille (XXe arr.). Il travaillait à la fabrique de chaussures « La Résistance », 106 rue Saint-Maur.
Au début de l’Occupation, il participa à quelques réunions anarchistes clandestines sans lendemain, autour de Charles Carpentier. Puis, « pour des raisons de sécurité, ayant des policiers zélés aux fesses » selon ses dires, il partit travailler, en novembre 1942, dans une usine de chaussures en Allemagne où il entra en contact avec des militants communistes et socialistes. Il ne revint en France qu’en juillet 1943. En septembre, après avoir rencontré Julien Toublet, il intégra le réseau anarchiste d’Henri Bouyé, actif sur la Région parisienne. Il participa aux réunions clandestines tenues au bureau de Louis Laurent à la Bourse du travail ou chez des camarades pour tenter de réorganiser le mouvement libertaire, réunions auxquelles participèrent notamment Bouyé, Louis Laurent, Jean-Louis Lefevre, Louis Louvet, Renée Lamberet, Georges Vincey et Emile Babouot. Selon le témoignage d’André Senez, ces compagnons diffusaient alors « notre petit canard ronéotypé à l’usine, au bureau, aux amis. Sur le plan professionnel je milite au syndicat de la chaussure où je retrouve d’ailleurs d’anciens de la chaussure CGTU, puis je me fais foutre à la porte de ma boîte pour menaces envers le patron et suis obligé de nouveau de ma planquer ».
Au sein du réseau Bouyé, il collabora à la rédaction de la brochure Les Libertaires et le problème social, publiée en mars 1945.
À la Libération, il adhéra à la Fédération anarchiste (FA). Militant très actif, il était, dit Georges Fontenis, « de tous les meetings, de toutes les manifs dans lesquelles il manie redoutablement une canne dont il ne peut se séparer étant donné son handicap ». Enfant, il avait en effet subi une attaque de poliomyélite mal soignée qui l’avait laissé infirme.
En mai 1946, il versait 15fr. à la souscription ouverte par la CNT, pour faire revivre le syndicalisme révolutionnaire.
En mars 1949, il était inscrit sur la liste des anarchistes de la Seine, dont le domicile était soumis à des vérifications périodiques.
Il résidait alors, selon un rapport de police de 1950, au 7, rue de Tourtille, à Paris XXe.
Le 19 juin 1947, il divorçait d’avec Georgette Grillère, il avait un garçon Elisée, confié à la garde de sa mère.
En 1950, il se rendit en Yougoslavie, suite à la rupture Belgrade-Moscou.
En 1952 il quitta la FA et participa aux réunions du groupe Socialisme ou Barbarie. En 1956, il rejoignit l’Alliance ouvrière anarchiste de Raymond Beaulaton. Il était alors également militant CNT.
Dans les années 1960, installé à La Chapelle-Gaugain (Sarthe), il fut membre du groupe FA de Saint-Calais, et de l’Union des groupes anarchistes communistes.
En novembre 1966, il constitua avec Yves-Michel Biget, un éphémère Comité de coordination anarcho-syndicaliste et anarchiste de l’Ouest qui comprenait « 3 ou 4 membres et quelques sympathisants ». Ce groupe publia 3 ou 4 numéros d’un bulletin intitulé Lettre syndicaliste de l’Ouest auquel collaborèrent René Le Clainche et Louis Laurent.
Suite à une réunion tenue le 1er octobre 1967 (ou le 30 septembre) à Lamotte-Beuvron (Loir-et-Cher) il fut nommé secrétaire adjoint de la CNTF régionale aux cotés de René Leclainche (secrétaire) et Idalio Canillas (Trésorier) et administrateur aux cotés de Jean Perrin du Bulletin anarchiste (Lamotte Beuvron- La Chapelle Gaugain, 2 numéros en octobre 1967 et janvier 1968), puis le 1er octobre 1967, il participa à Lamotte-Beuvron (Loir-et-Cher), à une réunion qui décida la formation d’une nouvelle organisation, l’Union fédérale anarchiste (UFA) et la reparution du Libertaire (janvier 1968-février 1972). Il en devint l’un des animateurs avec Henri Bouyé et René Leclainche.
Il fut alors administrateur du Bulletin anarchiste, qui ne compta que 2 numéros et servit d’organe de liaison à l’UFA avant la relance du Libertaire en janvier 1968.
Après avoir été un des animateurs de l’UFA avec Henri Bouyé et René Le Clainche, André Senez fut entraîné, en 1968, par Georges Fontenis dans la fondation du Mouvement communiste libertaire, puis en 1971 de l’Organisation communiste libertaire dite « 1re manière ».
Après la disparition de cette dernière organisation en 1971-73, il entra ensuite en contact avec le groupe du Mans de l’Organisation Révolutionnaire Anarchiste (ORA) auquel il adhéra.
En 1974 s’était formé secrètement au sein de l’ORA, une fraction qui allait former le collectif pour une UTCL dont il fut certainement membre et dont il fit partie après l’exclusion en 1976 de cette fraction (le groupe ORA du Mans avait voté cette exclusion).
En 1978 le collectif pour une UTCL adopta le nom de UTCL, auquel il adhéra. Et quand l’UTCL devint Alternative libertaire, il continua d’y militer.
Il devint en 1977 le directeur de son organe Tout le pouvoir aux travailleurs (Paris, 45 numéros de mai 1976 à mars 1982) où il avait remplacé Olivier Sagette. Lorsque ce journal changea son titre en mai 1982 et devint Lutter (Paris, n°1 en mai-juin 1982), il continua d’en assumer la direction.
En 1981, il fut partisan du vote Mitterrand, même s’il ne croyait pas au « miracle », et il le regretta amèrement, comme il l’expliquera dans un courrier du 7 février 1986 publié dans le journal du CENALIDEP, Initiative n°3 (15 juin 1986). Pour le reste, il se plaignit amèrement que ce journal ait déformé ses propos et l’ait instrumentalisé pour lui faire dire du mal de l’UTCL, comme il s’en expliqua dans une lettre du 21 juillet 1986 à Georges Fontenis.
Il habitait alors Cangey (37).
En 1991, André Senez adhéra à Alternative libertaire, et y resta pendant quelques années.
Retiré en Touraine, il ne se déplaçait plus guère mais poursuivait sa correspondance avec diverses publications. Il était membre de l’Union des athées, du groupe Eugène Bizeau des Libres-penseurs de Touraine et des Groupes de salariés pour l’économie distributive (GSED).
Georges Fontenis rédigea sa nécrologie dans Alternative libertaire de mars 1998, saluant le « frère », le « vieux compagnon du cœur, intraitable et solidaire ». Sa compagne Marguerite était décédée quelques mois avant lui.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154523, notice SENEZ André, Jean, François [dit Morgane A.] [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, complété par Guillaume Davranche, Rolf Dupuy, Dominique Petit, version mise en ligne le 27 avril 2014, dernière modification le 13 janvier 2022.

Par Jean Maitron, complété par Guillaume Davranche, Rolf Dupuy, Dominique Petit

SOURCES :
R. Bianco « Un siècle de presse anarchiste… », op. cit. — CIRA, Marseille, n°23-25, 1985 (Témoignage d’A. Senez) — Archives de la Préfecture de police Ba 1899, rapport du 18 août 1938, 211 W 2, 1 W 1007 (document transmis par Gilles Morin) — Le Combat syndicaliste, année 1937 — Espoir, Toulouse, année 1967 — Initiative n°3 (15 juin 1986) — lettre à Georges Fontenis du 21 juillet 1986 — Alternative libertaire, mars 1998. — Organise ! n°49, printemps-été 1998. — Julien Loncle, Histoire d’un courant anarcho-syndicaliste français : la CNT de 1945 à 1995, mémoire de maîtrise d’histoire, université de Bourgogne, 2002 — Notice André Senez du Dictionnaire des militants anarchistes. — Notes Rolf Dupuy

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