DUFLOU Maurice [Dictionnaire des anarchistes]

Par Guillaume Davranche, Dominique Petit

Né le 29 juin 1885 à Hazebrouck (Nord) ; décédé le 30 octobre 1951 à Paris ; typographe puis imprimeur ; individualiste.

Fils d’un sculpteur sur bois, Maurice Duflou fut réformé pour surdité.
Le 26 octobre 1905, il fut condamné à trois mois de prison avec sursis pour vol.
Militant individualiste proche d’Albert Libertad*, il fut, en octobre-novembre 1908, gérant de L’anarchie. Il vivait à moitié chez lui au 3, rue Boulle, à Paris 11e, et à moitié au 1er étage de la maison du 22, rue du Chevalier-de-la-Barre, qui servait de siège au journal et dont le sous-sol abritait un atelier d’imprimerie.

Le 3 mai 1910, il fut chassé de L’anarchie par ses camarades, qui l’accusaient de voler des caractères de plomb dans les casses de l’atelier au bénéfice d’une tendance rivale, le Groupe d’études scientifiques (GES). En représailles, ils mirent sous séquestre les biens mobiliers que Duflou avait laissés dans sa chambre.
Le 8 mai 1910 à 6 heures, le GES conduisit une expédition armée rue du Chevalier-de-la-Barre pour les récupérer. Il s’ensuivit des échanges de coups de feu dans toute la maison. Du côté des assaillants : Paraf-Javal* et son fils Georges, Dubois, les frères Philippe et Louis Sagnol, Joseph Allix, Collin, Maurice Duflou et Georges Auger. Du côté des assiégés : André Laheurte*, Harmenegilde Lorenzi*, Louis Bunino (dit Bunin), Émile Dutilleul* et André Lorulot*. La police arriva sur les lieux et embarqua tout le monde. Louis Sagnol, touché de 3 balles de revolver, succomba à ses blessures le lendemain.
Le procès aux assises des militants de L’anarchie Laheurte, Lorenzi, Bunino, Lorulot et Dutilleul se tint du 10 au 12 octobre. La veille de l’ouverture du procès, dans Le Libertaire du 9 octobre 1910, les anarchistes-communistes publièrent un manifeste signé de nombreux militants apportant leur soutien et dénonçant Paraf-Javal et le GES comme étant des complices de la police (voir André Mournaud).

Maurice Duflou habita ensuite avec sa compagne Marie Kesterman (née le 3 août 1889 à Paris) dans les locaux du GES, au 14, rue Blomet, à Paris 15e.
À partir de décembre 1911, il apparut comme imprimeur du Bulletin du groupe d’études scientifiques. D’avril 1913 à février 1914, il fut l’imprimeur-gérant de L’Ami de la vérité, un journal créé par Paraf-Javal pour défendre Henri Marix, un capitaine renvoyé de l’armée en septembre 1912 et présenté comme un second Dreyfus.

Par la suite, Maurice Duflou quitta furtivement les locaux du GES en emportant une presse d’imprimerie ainsi que divers biens mobiliers, à la grande colère de Paraf-Javal.

Lors de la déclaration de guerre, il rallia l’union sacrée. En février 1915, dans cet esprit, il était le gérant et le principal rédacteur d’une feuille nommée Le Glas, lancée par le « Groupe des amis de la pensée libre » et imprimée à 200 exemplaires.

En 1920, il s’établit comme imprimeur au 11, rue de l’Abbé-Grégoire. Devenu un spécialiste de la littérature érotique et libertine, il édita semi-clandestinement des romans pornographiques de Renée Dunan* comme Les Caprices du sexe ou les Audaces érotiques de Mlle Louise de B. et Dévergondages. Il réédita également semi-clandestinement pendant plusieurs décennies des classiques du genre, collaborant, pendant toute une période avec un ancien de La Guerre sociale qui partageait cette passion, Louis Perceau.

Sarane Alexandrian, dans son Histoire de la littérature érotique (Seghers, 1989), rapporte ces souvenirs du Maurice Duflou de cette période : « J’ai connu Maurice Duflou à Paris en 1947, quand j’étais un surréaliste de vingt ans, et je l’ai fréquenté jusqu’à sa mort. C’était alors un vieil anarchiste fort distingué, se rendent à son imprimerie habillé en grand bourgeois, avec un chapeau à bord roulés, un foulard de soie bleu marine à pois blancs, un pardessus bien coupé, tenant d’une main sa canne, de l’autre sa serviette bourrée de livres érotiques qu’il proposait aux libraires spécialisés. Il avait une femme et une fille qui se désintéressaient complètement de son activité ; lui-même, il l’accomplissait plutôt par conviction libertaire que par salacité. Il avait horreur des ouvrages mal écrits, des obscénités insupportables. Maurice Duflou possédait, dans une traversière de la rue de la Goutte-d’Or, une petite imprimerie où il travaillait tout seul à sa presse, tel un artisan d’autrefois ; en blouse grise, il bavardait avec moi devant sa fenêtre aux persiennes à demi fermées, tout en surveillant sa cour comme s’il s’attendait à subir un assaut. En effet, la police avait fait plusieurs fois des descentes chez lui, abîmant son outil de travail, raflant ses livres. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154571, notice DUFLOU Maurice [Dictionnaire des anarchistes] par Guillaume Davranche, Dominique Petit, version mise en ligne le 1er avril 2014, dernière modification le 23 janvier 2019.

Par Guillaume Davranche, Dominique Petit

SOURCES : CAC Fontainebleau cote 1994 0440 art 357 — Gaetano Manfredonia, L’Individualisme anarchiste en France (1880-1914), thèse de 3e cycle, IEP de Paris, 1984 — Le Petit Parisien du 9 mai et du 11 octobre 1910 — Jean-Pierre Sarton, Albert Libertad, sa vie son œuvre, mémoire de maîtrise, université Paris-X, 1976 — Sarane Alexandrian, Histoire de la littérature érotique, Seghers, 1989.

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