PROLO Jacques [PAUSADER Ernest-Jean, dit] [Dictionnaire des anarchistes]

Par Jean Maitron, Constance Bantman, Guillaume Davranche

Né le 28 juillet 1866 à Paris Xe arr., mort le 4 octobre 1937 à Paris 13e arr. ; employé de commerce, publiciste ; anarchiste puis républicain-socialiste.

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

Fils d’un couple de cordonniers, Jean Pausader fréquentait, en 1885, un cercle littéraire avancé de Montmartre, La Butte. C’est avec quelques-uns de ses participants — Charles Malato et Léon Schiroky — qu’au printemps 1886 il fonda le Groupe cosmopolite, d’orientation socialiste révolutionnaire sans étiquette. Il y milita sous le nom de Jacques Prolo.

Le Groupe cosmopolite fit sa première apparition en mai 1886 lors de la commémoration de la Commune au Père-Lachaise. Prolo, en franchissant l’entrée du cimetière, déplia une étoffe rouge pouvant passer pour un drapeau. Il fut aussitôt arrêté et gardé au poste pendant une heure. En septembre sortit le premier numéro de leur journal, La Révolution cosmopolite, qui eut moins d’une dizaine de numéros.

Malato, Prolo et Schiroky cohabitèrent à l’époque au 10, passage des Rondonneaux (actuelle rue Émile-Landrin) à Paris 20e.

C’est vraisemblablement sous l’influence d’Émile Méreaux que Jacques Prolo devint anarchiste. Sa petite taille (1m55) lui valut d’être exempté du service militaire.

Le 18 septembre 1887, il fut un des orateurs de la Ligue des antipatriotes à la salle Favié, à Paris, aux côtés de Tennevin, Louiche, Bebin, Gouzien, Devertus et Georges Brunet.

Par la suite, il fréquenta assidûment le Cercle anarchiste international qui, fondé en 1888, était le principal lieu de rencontre anarchiste à l’époque (voir Alexandre Tennevin). Dans les débats qui précédèrent le 1er mai 1890, Prolo fut de ceux qui penchèrent pour la participation. Il se prononça ensuite en faveur du militantisme anarchiste dans les syndicats (cf. La Révolte, n° 9, 21-27 novembre 1891, lettre de Jacques Prolo).

En 1892, Prolo désapprouva la campagne que Sébastien Faure avait initié contre le 1er mai. Dans La Révolte du 5 février, il cosigna alors une déclaration affirmant : « 1°. Chaque fois que le peuple déserte l’atelier pour descendre dans la rue, l’intérêt de tous les anarchistes [...] doit être de s’y mêler pour tâcher de le faire dévier en faveur de la révolution sociale. 2°. [...] puisque le peuple a des tendances de révolte à cette date, il serait étrange, piteux même, que nous lui conseillions de rester en repos ce jour-là. 3°. [...] Le 1er Mai, lancé par des politiciens, est devenu révolutionnaire et à tendances anarchistes. 4°. La crainte de quelques compagnons que les manifestations périodiques n’empêchent l’action de se produire en dehors de la date fixée n’est pas fondée [...]. »

Outre Jacques Prolo, la déclaration était cosignée de Charles Malato, Émile Pouget, Constant Martin, Georges Brunet, Tortelier, Jacques Prolo, Émile Henry et Léon Schiroky.

Ami d’Émile Henry, Jacques Prolo aurait révélé à Me Zévaès que Henry s’était déguisé en femme pour déposer, le 8 novembre 1892, une bombe au siège de la Société des mines de Carmaux, avenue de l’Opéra, bombe qui devait exploser au commissariat de la rue des Bons-Enfants.

Pausader fut perquisitionné et arrêté le 1er janvier 1894, dans le cadre d’une inculpation pour association de malfaiteurs. Il fut libéré le 13 janvier 1894.
Réfugié ensuite à Londres, il semble avoir été hébergé quelques temps par Émile Pouget. En août 1894 il habitait Brixton et y était encore en 1896.

En 1898-1899, Jacques Prolo s’engagea dans la lutte dreyfusarde. Il collabora alors à L’Anticlérical de Constant Martin et au Journal du Peuple de Sébastien Faure.

Collaborateur de L’Aurore en 1906-1908, Jacques Prolo participa avec Albert Orry à l’entreprise du deuxième Parti socialiste français (1907-1910), ce qui le conduisit à être en 1911 le secrétaire de la fédération républicaine socialiste de la Seine en cours de constitution. Ce fut le préalable à la formation la même année, du Parti républicain socialiste dont il devint le secrétaire général. Il laissa cette charge à Alexandre Zévaès pour prendre la présidence de la commission administrative du parti en novembre 1912. Dans cette fonction comme dans celle de chroniqueur assidu du bimensuel lancé le 15 mars 1912, Le Républicain socialiste devenu hebdomadaire le 12 décembre suivant, il s’opposa comme Zévaès, au groupe parlementaire dominé par Victor Augagneur. Résultat de ce désaccord, la scission de novembre 1913 le rangea avec Orry et Zévaès, derrière Aristide Briand, fondateur de la Fédération des gauches, contre Caillaux et Jaurès. Candidat à la députation dans la 2e circonscription de Paris XVIIIe le 26 avril 1914, il échoua dès le premier tour, comme son rival de l’autre faction républicaine socialiste.
N’ayant pas plus réussi à prolonger l’existence de leur journal après le 31 mai 1914 que celle de leur parti, Prolo et Zévaès durent attendre le 31 mai 1917 pour lancer un hebdomadaire, L’Effort. Ce fut l’origine de la fondation le 22 décembre suivant, du Parti socialiste national qu’allait rejoindre Gustave Hervé en 1919. Cette adhésion conduisit à la disparition de L’Effort absorbé par La Victoire dès la fin de l’année.

Émile Janvion, qui l’avait connu dès avant 1894, écrivait de lui en 1910 : « Franc-maçon délibéré et anticlérical quasi homaisien, l’anarchisme de Prolo n’était chez lui qu’une forme de républicanisme exaspéré. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article154666, notice PROLO Jacques [PAUSADER Ernest-Jean, dit] [Dictionnaire des anarchistes] par Jean Maitron, Constance Bantman, Guillaume Davranche, version mise en ligne le 15 avril 2014, dernière modification le 23 novembre 2021.

Par Jean Maitron, Constance Bantman, Guillaume Davranche

Photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York
Fiche photo anthropométrique Alphonse Bertillon. Collection Gilman. Métropolitan museum of art. New-York

ŒUVRE CHOISIE : Comment nous ferons la révolution libertaire ! éd. André Jamin, Bordeaux, s.d. — Le Communisme devant le Parti ouvrier (VIIIe congrès), Bibliothèque révolutionnaire cosmopolite (vers 1887) — De la méthode réaliste du socialisme réformiste français, Rivière, 1910 — « Les Anarchistes », tome X de l’Histoire des partis socialistes, publiée sous la direction d’Alexandre Zévaès, Rivière, 1912.

SOURCES : Arch PPo BA 1500 et 1509 — Le Matin du 22 mars 1894 — Charles Malato, De la Commune à l’anarchie, Stock, 1894 — Terre libre du 1er-15 juin 1910 — Jean Maitron, Histoire du Mouvement anarchiste en France (1880-1914), Gallimard, 1975 — Note de Me Zévaès à Jean Maitron, datée de janvier 1953 — Yves Billard, Le Parti républicain socialiste de 1911 à 1934, thèse, histoire, Paris 4, 1993. — Constance Bantman, « Anarchismes et anarchistes en France et en Grande-Bretagne, 1880-1914 : Échanges, représentations, transferts », thèse en langues et littératures anglaises et anglo-saxonnes, Paris-XIII, 2007. — État civil. — Notes de Michel Pausader et de Roland Andréani.

Iconographie : Album photographique des individus qui doivent être l’objet d’une surveillance spéciale aux frontière, Imp. Chaix, 1894, où il figure sous le nom de "POSADA, Ernest Jean, dit Pausader".

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